On a testé : une soirée à l'Opéra

On le dit réservé à une élite, voire à un public d’initiés. Mais vu l’affluence dans les salles, il semblerait que ce soit justement tout le contraire.

Par Marie Honnay. Photos voir crédits. |

Ringard l’opéra ? Pas du tout. À en croire Hugues Rameau-Crays, responsable du site internet spécialisé Classique-c-cool.com, il serait même furieusement tendance. Ce ne sont pas les directeurs de l’Opéra Royal de Wallonie, de la Monnaie, du Palais Garnier à Paris ou de la Scala de Milan qui prétendront le contraire; la majorité des spectacles qu’ils programment se donnant presque exclusivement à guichets fermés.

À l’ORW, toutes disciplines confondues (opéras, concerts, représentations pour enfants…), le rideau se lève entre 110 et 120 fois par saison. Cent mille personnes passent les portes de cette vénérable maison, qui affiche un taux de remplissage moyen de 99 % Des chiffres qui font écho au credo d’Hugues Rameau : Ce n’est pas parce qu’on n’y connaît pas grand-chose à ce qu’on appelle, à tort, ”la grande musique” qu’elle ne nous appartient pas.

À Liège, près de 30 % du public a moins de 26 ans. Il faut dire qu’une soirée à l’opéra s’apparente à une expérience plutôt impressionnante. Quel autre spectacle mixe en effet aussi divinement musique live, chant lyrique, jeu d’acteurs et décor féerique ? Sans parler du lieu prestigieux qui sert d’écrin à toute cette magie. Histoire de vous en convaincre, l’auteure de ces lignes a d’ailleurs décidé de vous raconter sa propre vision de l’affaire. C’était un soir d’hiver, à Bruxelles…

Ma soirée à l’opéra

Pendant que je me demande encore quelle tenue enfiler pour ma première soirée à la Monnaie, ça déménage en coulisses. Le déploiement de talents nécessaires au bon déroulement d’un spectacle a en effet de quoi éblouir. Cet opéra emploie en effet 386 personnes spécialisées dans 83 métiers différents. L’orchestre compte à lui seul environ 80 musiciens. Et en marge des stars invitées, 165 choristes et figurants foulent la scène bruxelloise chaque année. Quant aux ateliers de costumes, ils sont équipés de… 36 machines à coudre. Tout ça a évidemment un coût. En 2016, pour éblouir son public, la Monnaie a dépensé pas moins de 50 millions d’euros. Un chiffre qui laisse rêveur et qui justifie en grande partie le prix moyen des places (environ 150 € en première catégorie) que certains considèrent “trop élevé”, voire “surfait”.

Boîte à tubes

Moi, ma place, je l’ai. Il me reste donc à décider comment m’habiller. Renseignement pris, j’ai déjà fait une croix sur la robe du soir. À mon grand regret, d’ailleurs. Ceux qui aiment sortir le grand jeu peuvent évidemment le faire, mais sachez tout de même que la majorité du public se la joue sobre. Depuis les années 70, à Bruxelles, mais aussi à l’opéra Garnier, on peut tout à fait venir en jeans et baskets sans se faire rembarrer à l’entrée. Même à la Scala de Milan, une ville connue pour son glamour, la sobriété est de mise. Sauf pour les soirées de gala, évidemment.

Le mieux ? Viser l’entre-deux. Ma priorité : le confort ! Je vais tout de même rester assise plus de trois heures. Et le manteau ? Pour être bien vu(e), laissez-le au vestiaire. Les mélomanes purs et durs n’apprécieront pas que le col en fourrure de votre anorak entrave leur vision. Si c’est votre première fois à l’opéra, prévoyez d’arriver une demi-heure avant le début du spectacle. Le décor mérite souvent qu’on s’y attarde. À Bruxelles, personne ne vous regardera de travers si vous dégainez votre smartphone pour photographier les lieux. Une gentille ouvreuse m’a même proposé de me prendre en photo avec ma maman sur les marches du hall d’entrée, même pas eu besoin de demander.

Lorsqu’on est débutant(e) en opéra, sachez aussi que le mieux est de miser sur ce que j’appelle une ”boîte à tubes”, c’est-à-dire une œuvre dont vous connaissez un ou plusieurs airs. Soit parce que vos parents vous achetaient des cassettes audio “spéciales kids” de La Flûte Enchantée ou de Carmen qu’ils vous passaient en boucle. Soit parce que vous adorez le jambon d’Aoste. Dans ce cas, vous connaissez forcément au moins un air du sublime Rigoletto de Verdi, l’un des opéras les plus connus du répertoire, devenue la BO d’une pub pour un jambon italien. Si, comme moi, vous avez choisi Cavalleria Rusticana, un opéra moins connu du grand public joué cet hiver à La Monnaie, le mieux est de prendre le temps de vous le mettre dans l’oreille quelques semaines avant la représentation en visionnant des vidéos sur Youtube. Et l’histoire ? En général, à la lecture du résumé, elle semble confuse et embrouillée.

Au final, c’est souvent assez limpide. Mais si vous avez tendance à décrocher quelques secondes au cours de spectacle, un conseil : ne laissez pas votre esprit vagabonder pendant le dernier quart d’heure. À Liège, en janvier dernier, avant même que j’aie eu le temps de réaliser ce qui se passait, le rideau était tombé. Elle meurt super vite, Carmen. Le fait de se concentrer sur une mini-sélection de grands classiques présente trois avantages. D’abord, le spectacle vous semblera moins long et plus captivant. Quand, tout à coup, l’air que vous attendiez depuis le début de la soirée démarre, vous sentirez des frissons vous parcourir tout le corps. C’est ça, l’effet opéra. Et comme chaque mise en scène est différente, vous pouvez écouter vos tubes préférés plusieurs fois à quelques années d’intervalle sans jamais vous lasser.

Un conseil : suivez le scénographe Barrie Kosky à la trace. Sa version déjantée de La Flûte Enchantée est mon meilleur souvenir d’opéra, toutes catégories confondues. Miser sur des blockbusters présente un troisième avantage : vous faire voyager. Ce printemps, pour célébrer la réouverture du Staatsoper de Berlin après sept ans de travaux, ils ont eu la bonne idée d’y programmer mon opéra préféré. L’occasion de s’offrir un city-trip dans la capitale allemande et, en bonus, une tranche de Mozart dans un décor grandiose. Que demander de plus ?