Une nouvelle ère s'ouvre chez Longines

Matthias Breschan a repris les rênes de Longines en pleine tourmente. Aujourd’hui, il revient sur cette période difficile et nous parle de l’avenir de ce fleuron de l’horlogerie mécanique qui n’a pas peur de la concurrence. 

Par Magali Eylenbosch. Crédit photo : D.R |

Vous avez pris les rênes de Longines à une période particulièrement difficile. Qu’en retenez-vous ?

C’était le 1er juillet 2020, à un moment où, dans le monde entier, la quasi la totalité de nos points de vente étaient fermés. J’aurais préféré une période plus faste ! Heureusement, au mois d’août, dans quelques pays asiatiques, dont la Chine, la situation s’est améliorée et on a fait un meilleur mois que celui qu’on avait fait en 2019. Pourtant 2018 et 2019 étaient les deux années record pour Longines. Cela dit, malgré de très beaux résultats la deuxième partie de l’année, il était impossible de rattraper ce qu’on avait perdu les six premiers mois. En 2021, même chose, nous étions partis pour un record, mais à partir du mois de septembre, trop de marchés ont à nouveau été fermés. Enfin, je crains que 2022 ne soit pas une année plus facile. Elle est perturbée par le conflit ukrainien. 

La Russie et l’Ukraine représentent-elles une part importante du marché ?

Non, pas vraiment. Mais la situation a un impact sur tous les autres pays. Et puis, la Chine maintient sa politique  « zéro Covid ». Ils ont récemment mis l’île de Hainan en quarantaine. C’est un paradis du shopping, notamment parce qu’on peut y bénéficier d’un avantage fiscal. C’est donc un marché non négligeable. 

Succéder à celui que tout le monde appelait le Colonel, c’est un challenge. Avez-vous envie d’apposer votre propre patte ? 

J’ai le plus grand respect pour Walter von Känel. D’ailleurs, nous nous voyons régulièrement. C’est notamment grâce à lui que Longines fait partie des plus belles success story des vingt dernières années. J’ai repris la tête d’une marque forte et maintenant il est clair que c’est à moi de la faire évoluer dans le bon sens. Mon but est que la marque reste forte les vingt prochaines années. On va continuer à surfer sur les bases de notre ADN, c’est-à-dire l’héritage, la tradition et l’élégance. Mais on va les faire évoluer. 

Matthias Breschan, CEO de Longines 

Ces valeurs sont immuables…

La perception de l’héritage est déjà très différente que dans le passé. Vous avez sans doute remarqué que le marché des montres vintages a littéralement explosé ces dernières années. Il y a un intérêt certain de la part des collectionneurs, mais aussi des jeunes. Ils veulent des pièces inspirées du passé, mais elles doivent avoir une histoire authentique par rapport à l’héritage de la marque. C’est très important et c’est exactement ce qu’on va faire. Même moi, lorsque j’ai visité le musée Longines pour la première fois, j’ai été surpris par la richesse de l’histoire et de l’héritage de la marque. Je ne savais pas que Longines avait inventé le mouvement GMT, ainsi que le mouvement flyback, que Longines avait une telle avance sur la haute fréquence par rapport à toutes les autres marques. Ça lui a permis de chronométrer les événements sportifs en 1914 à un dixième de seconde près, en 1916 à un centième de seconde près. La Manufacture a aussi été sollicitée par tous les pionniers de la terre, de la mer et du ciel qui avaient besoin d’instruments fiables et précis. 

Comment allez-vous mettre cet héritage à l’honneur ?

On va développer toute une série de mouvement in house, exclusifs, inspirés de cet héritage que peu de gens connaissent aujourd’hui. En mars, on a lancé la montre Spirit Zulu, dotée d’un mouvement GMT haut de gamme qui bénéficie des dernières technologies. Cette montre nous permet de raconter que Longines a inventé le mouvement GMT en 1925. Il s’agissait de la première montre GMT portée au poignet. En fait, ce mouvement avait déjà été fabriqué en 1908 à la demande du Sultan d’Istanbul. Il voulait une montre qui indique l’heure française, en plus de l’heure du coucher et du lever du soleil. 

Diriez-vous que Longines est une marque suffisamment reconnue pour ses qualités ou y a-t-il encore du travail à faire en terme de reconnaissance ?

Ces vingt dernières années, Longines est surtout devenue une marque forte grâce aux marchés asiatiques. Ce succès a fait que l’offre chez les détaillants répondait essentiellement à cette demande. Lorsque les clients arrivaient en Europe, ils achetaient essentiellement des montres classiques. Il n’y avait plus d’offre de montres GMT sport. Nous avons laissé faire et c’était peut-être une erreur. On a probablement perdu en attractivité pour une clientèle américaine ou européenne. Avec ces nouveaux mouvements, on arrive à développer des montres plus sportives, tout en restant dans notre gamme de prix de 1 000 € à 5 000 €.

C’est important de se maintenir dans ce segment ?

Bien sûr ! Au-dessus de nous, il y a Omega et en-dessous, il y a Tissot. Notre mission est claire. Nous devons amener la meilleure technologie possible dans cette tranche de prix. Pour 99 % de la population, 1 000 € ou 2 000 €, ça représente beaucoup d’argent. Il ne faut pas l’oublier ! 

Les ambassadeurs, tant dans le monde culturel que sportif, sont-ils toujours importants pour la marque ?

Oui, mais il faut que le choix de l’ambassadeur soit compréhensible pour le consommateur. 
 

On parle beaucoup d’horlogerie éco-responsable. Pouvez-vous nous dire quelle est la politique de Longines à cet égard ?

Nous n’avons pas attendu que ce soit la mode. Depuis Longtemps, le Swatch Group fait énormément d’efforts dans ce domaine. Et puis, la montre est un produit durable, ne l’oublions pas ! Nous sommes aussi en pleine période de tests pour fabriquer des bracelets à base de raisins, mais il faut nous laisser le temps d’apprendre dans ce domaine afin de proposer un produit qui ait du sens. 

Êtes-vous un CEO à l’écoute des demandes des clients les plus jeunes?

Totalement ! Il faut savoir qu’on achète avant tout un univers. C’est quelque chose que les jeunes apprécient énormément. Clairement, si on s’offre une montre de pilote, ce n’est pas pour se mettre à voler. En terme d’achats, il y a aussi de moins en moins de différence entre les hommes et les femmes, les jeunes et les personnes plus âgées. Ce sont d’autres critères qui définissent le choix. Nous utilisons encore le clivage homme-femme sur notre site Internet parce que les gens tapent dans les moteurs de recherche « montres homme » ou « montre femmes ». 

L’horlogerie doit-elle évoluer ou peut-elle se reposer sur ses lauriers ?

Le jour où l’horlogerie cesse d’innover, elle se tue. L’innovation doit rester le moteur primordial pour son évolution. Ces dernières années, le défi principal était le magnétisme. L’arrivée du spiral en silicium a apporté une réponse à ce problème. 

Pensez-vous que l’horlogerie classique a fait la paix avec l’horlogerie connectée ?

Bien sûr que oui. Porter un accessoire sur le poignet, c’est ça qui est important ! Et ça amène les jeunes à s’intéresser à l’horlogerie mécanique. 

Vous rappelez-vous de votre première montre ?

Ma première montre était une montre Swatch. Je l’ai reçue de mon père fin des années 80. C’était super à la mode et super cool à l’époque. J’ai toute une collection de montres Swatch jusqu’à aujourd’hui.

Quelle est la montre Longines que vous préférez porter et pourquoi ?

Il y en a deux que je porte actuellement. La première, c’est la Zulu GMT avec la lunette verte et le cadran anthracite noir. La deuxième, c’est l’Ultra-Chron qu’on vient de lancer. Je la préfère personnellement montée sur un bracelet Nato. 

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