Imposer deux services, la fausse bonne idée pour sauver les restaurants

Confronté à une crise sans précédent, le secteur Horeca multiplie les initiatives pour mieux rentabiliser ses restaurants. Mais certaines d'entre elles agacent le client et risquent au final d’être contre-productives. Explications.

Ingrid Van Langhendonck, Photo: Pexels |

Lors d’une réservation en ligne dans un restaurant il est de plus en plus courant de trouver ce genre de préambule : « Le premier service est de 19h à 21h30 maximum, et le second à partir de 21h30. Nous ne garantissons pas l’heure de réservation pour le second service. Après 15min de retard, nous ne garantissons pas votre table et considèrerons votre réservation comme no-show. » … Le ton est rude.

Alors que l’on va au restaurant pour passer un bon moment, sans regarder sa montre, ce genre de texte refroidit sérieusement le client et pourrait même dissuader de réserver dans un établissement. Entre le monde de la restauration qui invoque la crise qu’il traverse et le client qui ne se sent plus tant le bienvenu, alors que les prix flambent… Qui a raison ?

En vidéo : Comment repérer un mauvais restaurant?

Une crise qui prend de l’ampleur

Les médias en font part régulièrement : le secteur Horeca souffre cruellement. Après la pandémie, les restaurants et les hôtels ont pris de plein fouet la crise énergétique et l’inflation. Tous les restaurateurs tiennent le même discours : alors que les clients ont l’impression que le restaurant devient de plus en plus cher, les chefs vous démontrent que leur marge devient de plus en plus réduite, jusqu’à mettre en péril l’existence même de leur entreprise. Une situation dans laquelle personne est satisfait ni le client, ni le restaurateur… Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

"Pour faire le traditionnel '3 points' recommandé en horeca, nous devrions tout simplement doubler nos prix", nous explique Jacques, un restaurateur de Boitsfort. Jean-Luc Colin, membre administrateur de la fédération Horeca De Bruxelles et restaurateur depuis plus de 35 ans nous interpelle : "Avec l’augmentation du prix des denrées alimentaires, l’explosion du prix de l’énergie, et l’inflation qui nous a amené à devoir augmenter notre personnel de près de 20 % en moins de deux ans, notre marge a littéralement fondu. Aujourd’hui, 80 % des restaurateurs ne vendent pas leur menu au juste prix et ça c’est un problème parce que c’est tout le secteur qui souffre. Nous perdons énormément d’argent…".

Des solutions bancales

Entre l’augmentation des prix et les jours de fermeture pour compenser le manque de personnel, les restaurateurs se sont même mis à demander des acomptes et des empreintes bancaires pour garantir les réservations. Tatiana Litvine, nous explique que le groupe Litvine (qui possède des restaurants comme La Villa Lorraine, Villa in the Sky, le Lily’s, la Brasserie Lola ou Odette en Ville, ndlr) a ainsi adopté cette pratique dans la plupart de ses restaurants : "Principalement pour les restaurants gastronomiques de petite capacité ou pour les soirées spéciales… Il faut bien se dire que quand vous avez 26 couverts en salle, et qu’une table de six personnes ne se présente pas, c’est presque un tiers de votre chiffre d’affaires qui est mis à mal. C’est un gaspillage que nous ne voulons plus assumer. Je comprends parfaitement les restaurateurs qui choisissent aujourd’hui de supprimer le système de réservation, tout comme ceux qui demandent des garanties avant de réserver une table pour un client. Nous avons été amenés à cela car notre gestion est beaucoup plus serrée et chaque couvert non vendu est dommageable. Face au manque de respect de nombreux clients, nous devions trouver une solution pour éviter cela."

Une table vide, le cauchemar des restaurateurs - Photo Pexels

En avoir moins, pour plus cher

Il en va de même pour les restaurants qui ont désormais divisé leur soirée en deux services. Pas question de traîner après votre menu, à 21h30 vous serez prié de quitter la table, une démarche qui agace les clients qui estiment qu’ils payent assez cher pour espérer passer une soirée de détente, sans avoir à scruter leur montre, surtout quand l’addition totale est de plus en plus salée.

"Cette sensation d’en avoir moins pour plus cher, c’est cela qui ne passe pas », nous explique un client dans une brasserie bruxelloise, « ... et après 15 minutes de retard, on supprime votre table et on garde votre acompte, alors qu’on connaît les difficultés à circuler dans Bruxelles. Et puis quoi encore !? ». On est loin de l’idée de convivialité qu’on attend de l’accueil d’un restaurateur. La relation client/restaurateur tend à se crisper, ce qui n'est pas bon pour le secteur au final. Ainsi, si ces nouvelles pratiques se justifient, en théorie, c’est une démarche qui frustre le client, il faut bien le reconnaître…

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