Quand la mode investit le design

Mais qu’est-ce qui pousse les marques fashion à officier aussi dans le registre du design ? Rapprochement lifestyle cohérent chez certains, astuce marketing chez les autres ? On en parle avec Andrea Rosso, du label Diesel Living.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS DR. |

Chez les Rosso, on a le sens de la famille. Tous les fils de Renzo Rosso, fondateur de la griffe de denim Diesel, occupent une place dans sa société. Parmi eux : Andrea. Ce diplômé en coupe a rejoint la division design du groupe, peu après sa création en 2007. Nous l’avons donc rencontré dans le pop up home de Diesel Living à Milan. Dans ce lieu ouvert au public, tout est signé de la marque, du carrelage mural aux sols en passant par la cuisine, la déco, le mobilier...

Diesel, c’est d’abord et surtout un label de vêtements. Pourquoi se lancer dans le design ?

Diesel a toujours soigné le look de ses boutiques en confiant cette mission à des équipes de designers propres à la marque. Leur rôle : créer des lieux qui ressemblent davantage à une maison qu’à un magasin et dans lesquels le mobilier vintage côtoie des éclairages très étudiés et des objets identitaires. Lorsqu’on s’implique autant dans la création d’espaces, l’idée de se lancer soi-même dans le design est presque une évidence.

Diesel n’en reste pas moins une marque de mode. D’un point de vue commercial, quel a été le point de départ de Diesel Living ?

Notre studio, qui occupe quatre personnes, était situé dans le même bâtiment que celui des équipes mode. Nous avons donc assez naturellement commencé par développer une ligne de textile pour la maison en accordant une importance particulière au traitement, au rendu, mais surtout au toucher des matières, à leur confort. Ce savoir-faire, nous le possédions déjà. Là où c’est devenu plus intéressant, c’est lorsque nous avons décidé de développer du mobilier, du carrelage, des revêtements de sol, des objets et des cuisines.

C’est là que vous avez passé la main...

Pour la production, en tout cas. Nous nous sommes entourés de sept partenaires – tous italiens – qui partagent notre ADN. Pour le mobilier, les canapés par exemple, nous travaillons avec Moroso, le premier producteur avec lequel nous avons développé un partenariat. L’ergonomie des assises est leur affaire, nous n’allons pas la réinventer. 

Créer des collections “premier degré” avec des détails en denim, référence directe à la mode, aurait été beaucoup plus simple...

Nous n’avons pas fait ce choix, mais le lien avec la mode est néanmoins perceptible. Diesel est une marque à l’esprit rock’n’roll qui emprunte des éléments au vestiaire militaire. Vous retrouvez ce mood dans notre mobilier d’intérieur et d’extérieur. La combinaison de matériaux, les contrastes, c’est notre univers ! Prenez le pouf Decofutura. Sa base est un clin d’œil aux formes graphiques qu’on retrouve dans le désert. Nous observons la nature de près. Pour préparer cette collection, notre équipe est partie en roadtrip. Nous avons parcouru des milliers de kilomètres depuis Phoenix en Arizona jusqu’à Palm Springs, Californie, en passant par Joshua Tree, un repère de hippies où nous avons découvert des matériaux complètement fous. Dans ces lieux peu fréquentés, on observe des choses incroyables comme des arbres qui grandissent à l’intérieur des maisons. Notre travail consiste à transformer ces impressions en formes réalistes.

Le lien avec la marque est-il permanent ?

Oui, par exemple, Nous avons lancé des défis un peu fous à Iris, la marque qui développe notre ligne de carrelage en céramique, comme celui de reproduire le capitonnage des vestes militaires ou encore la toile des ceintures de ces mêmes uniformes. Le plus difficile, en marge de la prouesse technique, c’est de créer une vraie cohérence autour de ces idées. Je passe beaucoup de temps dans la nature, mais aussi dans les hôtels, les restaurants et les Airbnb pour observer le comportement des gens. Lorsque nous avons planché sur notre concept de cuisine (en partenariat avec Scavolini), nous avons voulu répondre à de nouveaux besoins. Nous avons créé
des cadres ouverts, plutôt que des placards, pour permettre aux gens de personnaliser davantage l’espace. Nos créations sont modulaires et mixent éléments industriels et touches plus sensuelles comme le marbre, notamment.

Que reste-t-il de milanais dans l’ADN de Diesel Living ?

C’est d’ici que tout est développé. Le design milanais des années 50 à 70 est une source d’inspiration incroyable. Dans les maisons
de la région, on trouve encore des petits trésors d’artisanat. Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui dans le vintage, ce n’est plus
tant ce que les gens achètent, mais plutôt ce qu’ils font des objets qu’ils chinent. Depuis l’avènement des réseaux sociaux, Instagram ou Pinterest par exemple, nous découvrons des détournements d’objets partout dans le monde, y compris – voire surtout – dans les lieux les plus reculés.

Quel est votre prochain objectif pour Diesel Living ?

Nous nous intéressons au secteur hôtelier. Pas dans l’idée d’ouvrir des hôtels Diesel, cela n’aurait a priori guère de sens. Nous préférons créer des synergies avec des lieux existants. D’ailleurs, si je m’écoutais, je ne m’arrêterais pas au design de tables ou de chaises. Je redessinerais les packagings des repas que les gens se font livrer chez eux. Si le contenant est laid, vous mangez mal... (rires)