Un thé à Taïwan

Geert et Dorien forment un couple belgo-belge amoureux du thé et qui s’est lancé dans son importation, du (petit) producteur directement vers le consommateur. Une aventure qui les a menés sur l’île de Taïwan, envoûtante et chaleureuse, pourtant peu connue pour la culture du thé. Récit.

Par Isabelle Plumhans. Photos Geert de Taeye. |

Quand on rencontre Geert la première fois, on sent que sous ses airs décontractés, le bougre ne doit pas faire les choses à moitié. On ne se trompe pas. Originaire de Grimbergen, ce photographe vit à Bruxelles, où il travaille pour la presse et dans la publicité. Et est ultraperfectionniste : il sait ce qu’il veut et prend le temps de penser et repenser encore ses images. Une perfection qu’il a impulsée à son projet, MIST, fruit d’une belle histoire.

Il y a trois ans, Geert rencontre Dorien chez Or. La jeune femme travaille dans ce coffee roaster à deux pas la Bourse, qui est aussi le Q.G. de Geert, sa deuxième maison… Elle a l’amour du bon, lui, du beau. À eux deux, ils ne pouvaient y avoir que l’Amour tout court. Mais aussi celui du thé. On apprécie évidemment le café, nous confie Geert mais on préfère le thé, qui nous fascine par sa pureté extrême. On a eu envie de partager cet amour avec la Belgique, de faire découvrir notre passion commune aux gens d’ici. Dans les règles de l’art et le respect d’une certaine tradition. Au début, le couple songe à réaliser un livre sur le thé. Mais on a rapidement compris que c’était présomptueux d’écrire un bouquin sur un sujet qu’on aimait, mais dont on connaissait finalement peu de chose, explique Geert.

C’est là que commence leur aventure : le couple décide de s’envoler pour Taïwan, à la rencontre des (petits) producteurs de thés, le plus souvent bio. Avec derrière la tête, l’idée de ramener le produit ici, afin de le commercialiser. On ne savait pas du tout si ce serait réalisable. Il nous fallait d’abord nous rendre sur place, comprendre, voir, goûter surtout poursuit Dorien. S’ils choisissent Taïwan, moins connu pour sa production de thé que la Chine ou le Japon, c’est en partie pour cette spécificité. On n’associe pas nécessairement ce pays au thé, ce qui rend sa production plus précieuse, moins classique.

Le thé vert, par exemple (non oxydé, voir encadré, ndlr) n’est pas produit à Taïwan. Mais l’île est spécialisée dans le Oolong, plus raffiné que d’autres, qui nous plaisait particulièrementEt puis la production y est encore possible de manière traditionnelle, à échelle familiale et humaine, sans gros intermédiaire ni coopérative. Une philosophie qui plaît au jeune couple.

Cueillette de la première feuille, du premier bourgeon.

À Taïwan, le savoir du thé se transmet ainsi de père et mère en fils et filles. Savoir qui comprend la juste protection du soleil, dangereux pour la production, s’il est direct ou trop fort. Il doit se déposer doucement, et non directement, sur les plantes, explique Geert. Le brouillard, qui dépend de l’altitude à laquelle se situent les champs, est la meilleure source d’hydratation naturelle. Et après la cueillette des feuilles, lorsqu’on les fait sécher, il faut les protéger avec de grands filets.

Partage de goûts

Leur premier voyage se déroule en 2016. Avant leur départ, le père d’un ami de Geert, peintre taïwanais dans les Marolles – ça ne s’invente pas – leur glisse quelques contacts. Dont celui d’une productrice de thé, Emilie, et Chen, son mari. 

Le couple en visite chez des petits producteurs. De belles rencontres...

Ce seront les premiers chez qui le couple belge fera arrêt. On a tout de suite été accueillis comme si on faisait partie de la famille. On dormait, on mangeait chez eux. Ils nous ont fait découvrir leurs plantations, déguster leur production, nous ont expliqué les méthodes de séchage, sur le toit des fermes. C’est tout un art : chaque producteur décide du taux d’oxydation de son thé – qui dépend du temps de séchage – en fonction de l’arôme souhaité.

La suite du voyage se poursuit au gré des rencontres et du bouche-à-oreille, de producteur en producteur. Un périple inoubliable, mais pas toujours évident, les producteurs parlant rarement anglais. C’était parfois une cousine qui avait voyagé en Europe qui faisait traductrice, une autre fois, un passant tombé au bon moment. Comme dans ce petit bar, où le couple déguste un thé qui les charme. Pour apprendre d’où il vient, Geert parcourra toutes les ruelles du village dans l’espoir de dénicher une personne capable de traduire ses questions au tenancier du lieu!

Indispensables toits, où la récolte sera stockée pour sécher.

De retour en Belgique, nos amateurs mettent sur pied un business plan, commercialisent dès mars 2016 les quelques thés découverts, commandés en direct aux paysans et livrés par la poste. Puis reprogramment un périple, effectué cet été. À chaque région correspond son type de thé souligne Geert. Pour ce deuxième voyage, nous voulions certes visiter nos producteurs, mais aussi en dénicher d’autres, venant de régions bien précises, toujours en accord avec notre philosophie : une production familiale, sans intermédiaire et traditionnelle, avec une qualité de thé bien spécifique. Et bio quand c’est possible.

Expérience intime

Outre la dimension évidemment commerciale de leur entreprise, avec leurs thés, c’est donc tout un art de vivre que Geert et Dorien ont développé. Une philosophie, mais aussi une ouverture à l’autre, dans ces rencontres humaines et directes avec paysans et producteurs. Une véritable convivialité, aussi, autour du thé, façon de vivre ce breuvage dans le partage et au-delà des clichés. 

Cérémonie familiale du thé... Tout un art.

Avant de partir, on pensait qu’il existait vraiment une cérémonie du thé. Là où on a voyagé, ce n’est pas le cas. Il y a certains principes à respecter, évidemment. Comme la qualité et la chaleur de l’eau et la quantité de thé. Mais on a découvert plusieurs manières de le servir, autant que de maîtres thé en fait. Boire du thé, ce n’est pas une théorie, c’est une rencontre insiste le couple.

Si ce sont les maîtres thé qui savent exactement comment le préparer, au jour le jour, l’important, c’est l’expérience qu’on en fait, pour soi et ses proches. Une expérience que Geert et Dorien s’emploient à poursuivre, un pas plus loin. Ils souhaitent en effet, dans un futur proche, proposer des voyages à Taïwan à la découverte de ses thés. Histoire que ce tea for two deviennent tea pour tous. 

Pour découvrir les thés de Geert et Dorien: www.facebook.com/mistteas; www.mistteas.com