Du vin bio à Bruxelles ? Non, peut-être !

Dans son chai urbain à Laeken, Thierry Lejeune produits des vins européens originaux, mélanges de cépages parfois audacieux. Des crus bio, baptisés Gudule.

Par Sigrid Descamps. Photos Gudule Winery. |

Bruxelles, à quelques enjambées de Tour & Taxis se dressent les bâtiments de Greenbizz, incubateur d’entreprises vertes. Dans l’un de ses immenses hangars, on découvre des barriques, des cuves, un pressoir, un égrappoir… Soit tout le matériel d’un chai. Un chai, en plein cœur de la capitale ? Non, peut-être ! Depuis quelques années, Le concept de chai urbain ou urban winery connaît un bel essor un peu partout dans le monde. On en trouve à San Francisco, New York, Vancouver, Sydney, Hong Kong, Londres, Madrid, Paris, Amsterdam… Et, depuis 2018, à Bruxelles.

Son nom ? Gudule Winery, un clin d’œil à la sainte patronne de la capitale. A sa tête, Thierry Lejeune, un entrepreneur qui, après plus de vingt ans dans l’imprimerie, a voulu changer de voie. « J’avais envie d’une petite entreprise à taille humaine, où je pourrais mettre la main à la pâte à tous les niveaux, où je serais sur le terrain, mais aussi, où j’aurais une vraie affinité avec le produit, auquel je pourrais apporter ma touche personnelle. Le vin s’est imposé naturellement. Cela me passionne depuis longtemps. Au fil des ans, j’ai acquis pas mal de connaissances, visité de nombreux domaines, je me suis beaucoup documenté… Je suis donc passé de consommateur à producteur.» 

Vendanges manuelles

Avec diverses sources d’investissements – banque et fonds privés, propres ou de proches -, il lance donc Gudule Winery en 2018, achète le matériel et ses premières grappes. « Je voulais impérativement travailler avec du raisin bio et l’offre est trop anecdotique en Belgique. Je vais donc le chercher en France, mais aussi en Allemagne, en Italie, en Autriche… Les vendanges se font uniquement à la main, pour que les grappes restent intactes. Elles sont ensuite acheminées dans des camions frigos, dans des cagettes d’une capacité maximale de dix kilos, spécialement étudiées pour qu’elles ne soient pas écrasées. Tout a été pensé dans le moindre détail et cela nous permet d’aller chercher notre raisin dans un rayon de 1500 kilomètres. Je travaille avec l’oeonologue français Pascal Lenzi, qui m’aide beaucoup depuis le début ; il pilote toute la vinification, coordonne les dates de vendanges avec les vignerons… » 

Belge, non ! Bruxellois, oui !

Au début de l’automne, des tonnes de raisins venus de divers coins d’Europe  affluent donc dans ce hangar bruxellois, où ils seront lentement mais sûrement, transformés en divin breuvage. Le résultat ? «Des vins européens et bruxellois, des rouges, des blancs, du rosé, et bientôt du mousseux, répond Thierry Lejeune. Dans mon modèle de production, je voulais miser sur l’originalité, et pour cela, je ne pouvais pas travailler les mêmes raisins que les autres vignobles belges. Ma seule plus-value aurait été de produire le vin en ville, ce qui n’est pas suffisant. Je me fournis donc dans plein de régions différentes, mais toujours en Europe, et cela me permet d’imaginer des assemblages et des équilibres que d’autres n’auront pas. La provenance des raisins fait que je ne peux pas parler de vins belges, mais tout le processus de vinification, le stockage, la distribution… se font à Bruxelles. C’est un vrai produit local aussi dans la mesure où il n’y a qu’un intermédiaire maximum entre le consommateur et moi : soit il achète le vin directement ici, soit il passe par un magasin bio, un caviste, un grossiste, un traiteur ou un fromager avec qui je bosse en direct. »

Deux ans après son lancement, Gudule Winery a bien posé ses bases, l’accueil est positif – avec, entre autres, des crus récompensés dans des concours internationaux-, mais n’est pas encore rentable. « Ce n’est pas un secteur à rendement immédiat, explique l’entrepreneur. Je pense qu’il me faudra encore attendre trois, quatre ans pour y parvenir, avec quelque 40 000 bouteilles. La première année, j’en ai produit 16 500, la seconde 24 000 (dont un mousseux qui ne sera vendu qu’en 2021) et cette année, je vise les 35 000 bouteilles (dont un mousseux qui ne pourra pas être vendu avant 2022)…  Il faut être patient, mais je suis confiant (sourires). »

Des tas d’idées folles

L’avenir, l’entrepreneur bruxellois l’imagine avec le sourire… et des tas d’idées, dont la culture de ses propres vignes en Belgique. « C’est un projet qui prend forme : cet été, un de mes associés a acheté un vignoble historique du côté de Huy, avec exposition plein Sud, orienté sur la Meuse, avec du schiste, du calcaire, une belle pente… On doit maintenant réfléchir à ce que l’on va y planter. L’idée n’est pas de produire un vin 100% belge avec ce que nous y récolterons, mais de mélanger ces raisins à d’autres. »

Autre projet d’envergure, un déménagement, dans le cadre d’un vaste projet immobilier sur le site de Tour & Taxis : « On a obtenu la concession d’une parcelle à côté de la Brasserie de la Senne, près de l’ancienne petite gare. L’idée est d’y reloger la production, d’y installer une boutique, mais aussi un espace horeca… Mais rien ne verra le jour avant 2022. » Et d’ici-là ? « Il y a toujours un tas de choses à faire. Là, avec la covid, j’ai mis un coup de boost sur l’e-shop et la communication digitale. Et puis, je ne manque jamais d’idées, parfois un peu folles : je voudrais essayer de faire un vin orange, m’allier avec un chocolatier… Mon credo, c’est l’originalité, mon but, c’est de toujours surprendre ! »

Gudule Winery, 37 rue Dieudonné Lefèvre, 1020 Bruxelles. gudule-winery.brussels

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