Le néo-rustique, la tendance déco qui allie meubles anciens à des accessoires design

Des lignes épurées qui flirtent avec le style contemporain, des matières durables et naturellement recyclables, des produits sobres et élégants fabriqués avec des matériaux peu transformés, des designers engagés contre l’obsolescence programmée, des projets commun avec des artisans : voilà quelques-unes des valeurs de cette tendance déco chic qui invite à revenir aux sources. Gros plan en compagnie de duo de créateurs et artisans.

Par Agnès Zamboni. Photo Kaan Design. |

En décembre dernier, les tandems créatifs de Duos en Résonances ont à nouveau fait dialoguer des designers et des artisans wallons afin de développer de nouvelles réflexions autour des savoir-faire, des matériaux et des usages pour favoriser décloisonnements et expérimentations. Objets en cuir de poisson, structures XXL en rotin… les designers poussent les matériaux à leur limites tandis que les savoir-faire sont aussi mis à l’épreuve.

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Comment faire entrer dans la modernité des techniques ancestrales comme le cintrage du bois à la vapeur, le cerclage du bois de châtaignier par les feuillardiers ou l’assemblage par tenons et mortaises ronds des chaisiers d’antan ? Les designers nous offrent des réponses et font naître des objets qui ont une âme.  « Les objets devraient en quelque sorte être imparfaits, car il est important  que nous puissions constamment découvrir quelque chose en eux, permettant de nous approprier davantage l’objet et de créer une relation pérenne… », commente le designer néerlandais Huub Ubbens, qui a collaboré avec Arnaud Mainardi et l’Atelier Chatersèn pour créer le tabouret Epinette, une création en châtaignier blond des Cévennes, utilisant du bois de coupes sélectives d’éclaircissement des forêts, permettant aux arbres d’avenir de se développer dans de meilleures conditions.

Tabouret Epinette en châtaignier, conçu pour économiser la matière première, 280 €. Création Huub Ubbens, Arnaud Mainardi et Atelier Chatersèn (ateliechatersen.com). Photo : © Olivier Arrazat

Des racines et des hommes

Odile et Stéphane ont vendu leur restaurant pour se consacrer à une autre passion plus en accord avec leur mode de vie, le luminaire. Ce couple fabrique chaque pièce, à la main, dans l’Indre, avec des matériaux durables et naturels, de seconde main ou des produits de circuit court. La laine lavée et filée sans traitement provient des moutons de la ferme du Beau, située à 10 km de leur atelier. Pour ce duo désormais plus connu dans l’univers de la décoration sous le nom de design Osh, cette laine-là possède une texture et une couleur d’antan que l’on ne trouve pas ailleurs. L’une était musicienne et l’autre ingénieur, mais leur amour commun du travail manuel et de la poésie visuelle les a entrainé à se donner une seconde chance pour se réaliser à travers la création. Et ces autodidactes, forts d’un diplôme d’ébéniste sont devenus designers et artisans d’art, au cœur de la Sologne, là où ils fabriquent leur mobilier.

Modèle Kalé, création Osh pour Maison de vacances. Abat-jour en laine tendue avec base en grès et argile,
disponible en blanc, rouge ou noir, 3 tailles, de 324 € à 634 €.  © Maison de vacances

Dans une maison de maître, Anaïs Mroz et Simon Boullier ont installé leur atelier et développent l’écosystème Solum Lignum, qui utilise les restes de la production de leurs aménagements sur mesure pour créer des meubles et luminaires, conjuguant inspiration et raison.

Fabriqué à partir de chutes de commandes récurrentes de mobilier avec partie en chêne ébonisé, 3 400 €. Modèle 86, création Anaïs Mroz et Simon Boullier pour Studio Solum Lignum (solumlignum.fr).  © Mario Simon Lafleur

Constance Guisset, quant à elle, a accompagné Sylvain Marcoux jusqu’au Mexique pour créer des vases architecturaux faisant référence à une tradition d’art populaire et la culture aztèque et inca. A la suite d’une résidence dans la région d’Oaxaca,  cette designer française a imaginé la collection Mezcalienne qui s’empare du vocabulaire ancestral pour créer des assemblages inédits, entre passé et  présent : table Sombrero, carafe Penacho, vases n° 5, 6 et … Toutes ces pièces tournées à la main, sont façonnées par l’artisan Lalo Martinez qui détient le savoir-faire unique du pays de la terre noire. Des histoires et des aventures comme celles-là, où le nom du designer et celui de l’artisan sont cités, côte à côte, se multiplient… de nos jours.

Vase n° 6, collection Mezcalienne, création Constance Guisset et Lalo Martinez pour les Editions Maison Marcoux Mexico (maisonmarcoux.com, privatechoice.fr).  © Francis Amiand pour Private Choice

Et ce guéridon sublimé, en châtaignier huilé, au piètement torsadé ? Baptisé Twirl, œuvre de Grégory Lacoua et Souchet Inspired Woodwork Lail, il fait partie de la collection Lifflow, un nom qui évoque le bassin artisanal historique du métier traditionnel de menuisier en siège depuis le XVIIe siècle. Flow, un mot anglais qui exprime la notion de mouvement et d’élan. De la Sicile ou la Sardaigne authentique en passant par les Alpes autrichiennes, loin du folklore, les formes primitives et neutres rassemblent des objets sans âge, sortes de fossiles de choses déjà vues. La fabrication s’opère en réseau resserré pour offrir un impact positif. Fruit d’une étroite collaboration entre artisans et designers, le savoir-faire des uns nourrit la créativité des seconds, tout en interrogeant les outils d’aujourd’hui et les techniques du patrimoine culturel. Ainsi l’impression 3D peut s’associer au délicat biscuit de porcelaine.  Et l’assemblage et l’emballage des meubles se fait in situ pour maîtriser les impacts environnementaux et les circuits courts.

Guéridon Twirl en châtaignier blond des Cévennes, collection Lifflow, création Grégory Lacoua et Souchet Inspired Woodwork (gregorylacoua.com). 
© Mario Simon Lafleur

Des objets et des matières

Toutes ces créations issues de traditions vernaculaires, dépouillées de détails décoratifs superflus, racontent la simplicité de la vie rurale, réinterprètent et ressuscitent une décoration quasi monacale, avec des archétypes du mobilier, comme la table de ferme, la chaise paillée, le tabouret de vacher, le banc-coffre, les pièces de vaisselle essentielles, le linge de maison…

Quant aux matières, d’esprit brut, elles valorisent le bois local, la vannerie d’osier (pour les objets comme les paniers) et de rotin (pour les meubles), le cuir tanné écologiquement ou le feutre, considéré comme le plus ancien textile connu, pratiqué par les peuples nomades en Asie centrale pour fabriquer des tapis, des yourtes et même des vêtements. Et la technique ancestrale du feutrage mongol a voyagé jusque dans les villages agricoles du Tarn, où les nouveaux babas cool des années 2020 poursuivent un engagement écologique devant l’urgence de protéger la planète des conséquences désastreuses de la production industrielle.
Emprunt d’un néo-chamanisme domestique, le design néo-rustique s’intéresse aussi à la matière tissée, la laine d’Aveyron, le lin européen ou le coton biologique...

Coussins en en chanvre vintage de 80 à 100 ans d’âge, teint dans une gamme de tons chaleureux, à partir de 345 €, l’un, création Isabelle Yamamoto pour Empreintes et matières.  © Pierre Wachholder

Autre matière incontournable, la terre cuite comme le grès émaillé. L’argile, très peu dénaturée par l’homme doit provenir de briqueteries ou poteries locales, situées aux environs de l’atelier du céramiste. Après que l’argile soit broyée, sable, cailloux et pyrite dévoileront toute leur beauté, après cuisson. Quant aux émaux, blancs, laiteux ou de couleurs claires, ils sont fabriqués à partir d’aliments, acides gras ou de colorants comme les carottes pour habiller les pièces de couleurs uniques. Les productions éco-responsables favorisent un design qui économise la matière et les objets mono-matériaux plus facilement recyclables et biodégradables. Du côté des textiles, on valorise les tissages traditionnels, carreaux, rayures, motifs graphiques intemporels. Accompagné de matériaux travaillés dans les règles de l’art, le design néo-rustique flirte aussi avec les codes du luxe par son exigence d’excellence.  

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