Mode d'emploi du "comforting home", le secret pour se sentir bien chez soi

Existe-t-il une approche belge du confort ? Quels sont les codes, les couleurs et les matières typiques de nos plus beaux intérieurs ? Décryptage en compagnie de l’architecte d’intérieur Nathalie Deboel.

Par Marie Honnay. Photos D.R. |

Nathalie Deboel est ce qu’on pourrait appeler une architecte « très belge ». A l’aise dans les deux langues et ardente défenseuse de l’artisanat du royaume, elle aime célébrer les couleurs des paysages de nos terroirs (ce qui explique sa palette très neutre autour du gris, du beige, du blanc ou du bleu délavé), les matières qui définissent notre héritage (comme le lin, l’argile ou le béton ciré) et les artisans locaux, dont les menuisiers qui réalisent les meubles de sa collection Nomad.  « Aujourd’hui, à condition de les twister ou de changer le contexte dans lequel on les envisage, certaines pièces de notre patrimoine (comme, par exemple, le mobilier liégeois tombé en désuétude depuis quelques décennies) ont totalement leur place dans une maison ou un appartement de Bruxelles, Knokke ou Namur. Je suis convaincue qu’on peut créer un intérieur qui, quinze ans plus tard, n’aura pas pris une ride. Cette intemporalité-là est, à mon sens, l’une des clés du confort à la belge », nous explique-t-elle avant de nous livrer les secrets du confort. 

La vidéo du jour :

1. Repenser ses espaces au fil du temps

« Le fil rouge de mon travail, c’est la notion de confort dans le sens anglo-saxon du terme ‘comforting’. Aujourd’hui, plus que jamais, une maison doit nous rassurer, nous permettre de nous sentir protégés. C’est cette approche qui guide tous mes choix. Il y a quelques années, mes clients voulaient une maison pour recevoir, organiser des diners. Depuis deux ans, ce qui prime, c’est de créer un cocon où l’on peut passer du temps en famille. La salle-de-bain devient un spa. La chambre d’amis, une salle de jeu, un home-cinéma ou un espace dédié au sport. La lumière a toute son importance, tout comme l’isolation acoustique. Chaque détail compte. Dans ce même esprit, je travaille souvent en collaboration avec un architecte de jardin. J’aime quand l’intérieur et l’extérieur d’une maison ne font plus qu’un. Je pense mes projets comme un voyage à part entière. A mon sens, à défaut de pouvoir prendre l’avion, notre maison doit être un voyage. » 

Faire dialoguer l’intérieur et l’extérieur d’une habitation...

2. Penser « nomade »

« Je me suis toujours considérée comme une nomade. Même si chaque projet implique de passer un ou deux ans avec chaque client pour développer un lien privilégié et très intime avec lui, mon métier consiste à passer d’une maison à une autre, d’une ville ou d’un pays à un autre en permanence. C’est aussi le cas de mes clients qui voyagent, bougent pour leur travail ou leur plaisir. Pendant le confinement, quand nous avons été obligés de nous arrêter, j’ai profité de cette longue période passée chez moi pour réfléchir à ce statut de nomade. De cette réflexion est née une collection de mobilier. Baptisée, Nomad, elle se compose de structures en forme de bâtons, comme ceux que plantent traditionnellement les nomades quand ils s’arrêtent dans un lieu. Ces bâtons soutiennent les différents éléments de la bibliothèque, la première pièce de la collection. J’aime les meubles précieux qu’on conserve tout une vie et qu’on peut emporter avec soi quand on déménage ou simplement transporter d’une pièce à l’autre. »

3. Partir d’une palette neutre

« En tant qu’architectes d’intérieurs, nous devons être invisibles. Notre rôle est d’écouter nos clients pour saisir leurs besoins, leurs envies, leurs habitudes de vie. L’habitation que nous leur dessinons n’est qu’une plateforme ; un terrain vierge qui leur permet d’intégrer des objets d’art, des toiles, des livres, un bouquet de fleurs… Si ma palette chromatique est résolument neutre, c’est pour offrir aux habitants de l’espace cette liberté d’action, mais c’est aussi ma définition d’un intérieur confortable, en phase avec son environnement. En termes de matériaux, chaque ville, pays ou région invite à utiliser un vocabulaire différent. En Belgique, nous sommes traditionnellement tournés vers des matières qu’on pourrait, c’est vrai, qualifier de classiques ou de très neutres d’un point de vue chromatique … Des éléments dont on ne se lasse pas et qui se patinent avec le temps. »

 L’architecte aime créer une plateforme neutre qui laisse la place aux tableaux et objets des habitants.

4. S’inspirer du Japon

« Je me considère comme une éponge qui capte l’air du temps. Depuis la pandémie, la notion d’hygiène est sur toutes les lèvres. Cette obsession de la propreté est devenue une source d’inspiration pour la création de lieux épurés, structurés et ordonnés. Si vous disposez d’un espace libre près de l’entrée, vous pouvez aménager un vestiaire ; une sorte de zone tampon qui permet d’épurer le reste de la maison et de retrouver un cadre de vie plus aéré. Depuis quelques années, nous passons notre vie, rivés sur notre téléphone portable. Notre maison doit être un lieu de ressourcement. Comme nous vivons dans des espaces de plus en plus petits, il est important - comme c’est le cas au Japon depuis très longtemps - d’analyser les volumes et de réfléchir à la manière dont nous distribuons l’espace. Comme le ferait un couturier qui réalise une robe sur-mesure pour une femme. »

Tous les projets sont réalisés sur mesure et exhalent une modernité apaisante.  

5. Raconter des histoires

« Quand j’ai fait la connaissance du couturier Édouard Vermeulen, il m’a demandé de dessiner un escalier pour la maison qu’il faisait bâtir à Knokke. L’escalier tournant que j’ai imaginé s’inspire d’une robe du soir en satin au volume virevoltant. Je l’ai voulu à la fois féminin et en mouvement. Pour ce même projet, j’ai ensuite conçu une bibliothèque ; ma vision personnelle de celle qu’on pourrait trouver dans une maison de vacances où chaque membre d’une famille dispose de son casier pour y ranger ses livres et ses objets personnels. Édouard ne voulait pas d’une maison qui semble aménagée pour lui-seul. J’ai donc proposé qu’on dispose les meubles de manière un peu aléatoire. Les différents coins et espaces permettent de se retrouver, de discuter en famille. Chaque projet, qu’il soit ambitieux ou plus modeste, doit raconter l’histoire de ses habitants. »

Les lieux doivent raconter une histoire. Dans la maison d’Edouard Vermeulen à Knokke, un escalier en hommage à une robe du couturier.

6. Oser les contrastes

Le terme ‘Comforting’ n’est pas synonyme d’uniformité. On peut créer un intérieur rassurant en mélangeant des pièces en apparence très différentes. L’un des intérieurs que j’ai préféré concevoir s’appelle « Balanced Interior ». C’est un projet que j’ai réalisé à Uccle pour une famille recomposée. Dans le salon, j’ai créé un dialogue entre un fauteuil en cuir cognac patiné au look très rock’n’roll et une assise crème douce et délicate. Si ces éléments se répondent harmonieusement, c’est qu’il s’agit de deux belles pièces avec une histoire. Quand un objet est beau, bien exécuté et qu’il vous correspond, il va s’accorder avec le reste de votre intérieur. Comme lors d’un dîner. Vous pouvez réunir 20 personnes qui ne se connaissent pas autour d’une table. Si chacune d’elles est intéressante, la sauce va forcément prendre. Quand je crée un intérieur, j’aime puiser dans le passé. Le vintage scandinave des années 50, les pièces de certains designers brésiliens ou celles que nous faisons réaliser sur-mesure chez des artisans belges m’inspirent beaucoup. On peut ressentir la beauté des formes, l’âme de l’objet et la main de l’homme qui l’a façonné. 

Les intérieurs sont pensés et remis en question de la construction aux choix de matériaux, des finitions, des objets et décorations.

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