La cuisine est un lieu de vie et d'échange. On y mange, on y prépare de bons plats. C'est ici que s'exprime notre rapport aux autres et à la nourriture. La pièce peut vite se retrouver sens dessus dessous. Il est alors essentiel de la remettre en ordre. Sur les réseaux sociaux, ce rangement est poussé à l'extrême et peut même se transformer en véritable obsession. Ce phénomène porte un nom : le "Pantry Porn".
Les experts recommandent de faire ces petits rangements chaque jour. Découvrez les en vidéo :
Ne vous fiez pas à son nom, le "Pantry Porn" ne présente pas de contenu à caractère sexuel, loin de là. Sur TikTok, les vidéos contenant le #pantryporn présentent tout sourire des femmes en train d'ouvrir les placards de leur cuisine, à coups de avant/après. Les conserves sont allignées, les féculents sont soigneusement rangés dans des contenants transparents en verre ou en plastique. Les épices, quant à elles, sont installées sur des petites étagères. Rien ne dépasse, tout est parfaitement bien organisé. Peut-être un peu trop.
Un sentiment de satisfaction
Le "Pantry Porn" découle du phénomène CleanTok, également apparu sur TikTok. Le principe ? Des internautes se filment en train de faire leur ménage. Les éviers sont astiqués, les toilettes récurées, les vitres nettoyées. Tout cela sous nos yeux hypnotisés.
La psychologue Florence Millot nous explique les raisons de cette quasi fascination pour les vidéos de ménage et de rangement. "Toutes les images hypnotisent. C’est encore plus le cas avec les vidéos des réseaux sociaux. Leur format est souvent très court. On les regarde vite, on les enchaîne sans voir le temps passer. Quand on frotte, aspire, range ou serpille, les gestes et les actions se répètent. La pensée s’arrête alors. C’est un peu la même chose avec les vidéos de ménage où il y a, en plus, une vraie détente. Et puis surtout, on voit tout de suite le résultat. La satisfaction éprouvée est encore plus forte. Il y a la satisfaction du regard et la satisfaction d’avoir l’impression d’avoir nous aussi nettoyer et ranger notre maison."
On pourrait croire que le "Pantry Porn" est un phénomène sain. Après tout, il s'agit de mettre en ordre sa cuisine de fond en comble. Mais ce besoin de ranger et de l'exposer présente toutefois des limites comme l'explique Florence Millot. "Avec les neurones miroirs, on peut se piéger soi-même. On a l’impression qu’on fait quelque chose, en l’occurrence ici le ménage, alors que ce n’est pas le cas. C’est le gros souci du virtuel. Trop regarder des vidéos peut être décourageant. On peut se comparer aux personnes en train de se filmer. N’oublions pas qu’elles sont en représentation. Forcément, elles font le ménage et le rangement mieux que nous. Au final, on peut ne plus s’identifier à elles."
Le "Pantry Porn", un révélateur d'inégalités sociales ?
Si l'on prend le temps de regarder plusieurs vidéos de "Pantry Porn", on constate très vite que les mêmes codes se répètent : il s'agit la plupart du temps de femmes blanches, riches, bien habillées, vivant dans de belles et luxueuses cuisines décorées dans des tonalités très claires telles que le blanc ou le beige. Dans l'un de ses essais, la sociologue américaine Jenna Drenten, spécialisée dans le marketing à l’université de Loyola à Chicago, indique que le "Pantry Porn" renforce les inégalités sociales. "Ce qui se cache derrière cet "anti-désordre" est avant tout une histoire de structures sociales classistes, racistes et sexistes. Dans mes recherches, les influenceurs qui produisent du "Pantry Porn" sont principalement des femmes blanches qui démontrent à quoi doit ressembler le maintien d'une "belle" maison en créant un nouveau symbole de statut : le garde-manger parfaitement organisé et bien approvisionné".
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