On a visité les archives de la Maison Dior

Maria Grazia Chiuri, nous a permis de nous glisser dans les archives de Dior Héritage. Un lieu secret qui en dit long sur l’esprit novateur de celui qui a donné son nom à l’une des plus célèbres maisons du monde.

Par Marie Honnay. Photos Dior. |

Héritage… 

C’est l’un des termes les plus souvent utilisés dans les messages communicationnels des marques de luxe. Arguments de choc pour crédibiliser projets et produits, l’héritage est devenu une valeur refuge, aussi solide que les grands classiques du patrimoine français : la baguette tradition ou la tour Eiffel. Même que, chez Dior, on l’écrit avec une majuscule, preuve ultime de l’importance de ces pièces d’archive à la valeur inestimable. Depuis environ trois ans, un lieu est entièrement dédié à ces archives hors du commun. L’adresse est, comme souvent dans le secteur du luxe, ultrasecrète et dégage une atmosphère très solennelle. Au milieu du hall d’entrée, un grand paravent au motif cannage (ici, on ne plaisante avec aucun code Dior, celui-ci en est un) rythme l’espace. Ici travaillent douze personnes : des documentalistes et des archivistes, évidemment, mais aussi des experts en photographie. Car ici, tout est digitalisé. Un travail de titan qui implique d’acheter en France, mais aussi à l’étranger, toute pièce (documents, livres, photographies, mais aussi vêtements, souliers, bijoux, sacs, chapeaux…) pouvant entrer dans ces archives.

Ces trésors sont ensuite datés, puis délicatement rangés dans des boites grises (et pas n’importe quel gris : du gris Montaigne, coloris Pantone 2133-40. On vous l’avait dit, pas question de plaisanter avec les codes maison) sur lesquelles on retrouve le logo Dior Héritage. Tout est référencé avec une infinie précision. Sur chaque fiche, on trouve donc, sur le recto, une photo de la pièce dans sa totalité, ainsi que son nom, la collection pour laquelle elle a été conçue, le directeur artistique qui l’a réalisée et sa composition exacte. Au verso, neuf images renseignent sur les détails du tissu. C’est ainsi qu’un morceau de tulle brodé de paillettes d’une robe couture des années 50 peut inspirer la structure en relief d’une branche de lunettes ou du cadran d’une montre. L’idée n’est donc pas de jouer la carte du copier/coller, mais bien de réinterpréter les fameux codes en leur donnant une dimension contemporaine. 

Un héritage, mais pour quoi faire ?

Si être invités à explorer ces archives est évidemment un privilège, on peut se demander, hormis dans un contexte strictement muséal, à quoi elles peuvent bien servir. Eh bien, à beaucoup de choses, figurez-vous ! D’abord, bien entendu, à nourrir les expositions qui rendent hommage à l’histoire de la Maison. Ces dernières années, ces rendez-vous programmés dans les plus beaux musées du monde, figurent en bonne place dans la nouvelle stratégie communicationnelle des marques de luxe et génèrent l’engouement croissant du public. Mais ce n’est pas tout. L’héritage est aussi une source d’inspiration infinie pour les studios de création. Ceux orchestrés par Maria Grazia Chiuri pour la partie prêt-à-porter et couture, mais aussi, pour le département bijoux.

Et pourquoi ça marche ?

Tout simplement parce que Christian Dior était, lui-même, un incroyable visionnaire. Un homme qui avait compris avant tout le monde l’importance du réseautage et de la communication 360°. Les anecdotes incroyables dont Soizic Pfaff abreuve ceux que le sujet passionne (comment pourrait-il en être autrement ?) nous révèlent un homme ultramoderne qui, à 40 ans, lorsqu’il a lancé sa maison de mode, avait conscience qu’un bon design ne suffirait pas pour faire d’une marque de mode un business global. Les directeurs artistiques qui se sont ensuite succédés à la tête de Dior, tant les plus médiatisés (comme Yves Saint Laurent et John Galliano, notamment), que les plus discrets, ont ainsi pu capitaliser sur un héritage (à l’époque, sans majuscule) qui, s’il n’était pas encore rangé dans des coffrets gris très chics, n’en restait pas moins unique de par sa diversité et sa richesse. Et si les directeurs artistiques et les responsables de studio sont les premiers à s’inspirer ce ces trésors d’archives, d’autres chanceux sont également invités à s’y plonger : les juristes de la maison, par exemple, qui consultent régulièrement les cahiers de Christian Dior pour analyser les contrats conclus par le couturier businessman, passé maître dans le domaine des licences et de l’export avec le monde entier, mais aussi les architectes en charge de l’élaboration des boutiques Dior et… de riches clientes qui peuvent, en collaboration avec les ateliers couture, commander une robe inspirée d’un modèle des années 50 ou 70.