Arket et le concept d'archive

Après Londres et Copenhague, le septième label du groupe H&M s’installe cet automne à Bruxelles. Encore un magasin de fringues ? Pas tout à fait…

Par Charlotte Kravitz. Photos D.R. |

Arket est le dernier petit protégé du géant suédois – après Hennes & Moritz évidemment, Cos, & Other Stories, Weekday, Cheap Monday et Monki (qui n’est pas encore arrivé chez nous, ndlr). Ce nouveau label propose un concept mode singulier pour femmes, hommes et enfants, ainsi qu’une ligne déco. Mais encore… Le nom, déjà, est une astuce marketing : “arket”, en suédois, signifie “feuille de papier”. Mais il est aussi un condensé de “market”, “archive” et “archétype”.

Et c’est exactement ce que propose l’enseigne : ne pas suivre la mode, ou tenter de l’inventer, mais pour une fois, simplement puiser dans ce qui, jusqu’ici, s’est fait de mieux. Ce n’est donc pas tant qu’on y vendra des T-shirts blancs, des trench-coats, des pulls en cachemire. C’est qu’on y vendra LE T-shirt blanc, LE trench-coat, LE pull en cachemire. Celui qui, de toute l’histoire de la mode, s’est avéré le plus beau, le mieux pensé, le mieux coupé.

Une armada de designers, d’architectes, d’auteurs, de chefs, d’acheteurs – 130 personnes environ – a offert son expertise à l’équipe de base qui a pensé ce nouveau concept. Lars Axelsson, managing director: Notre inspiration, c’est le produit. On ne suit pas la mode. On ne va pas chercher des idées folles dans les bois, mais on s’inspire des grands classiques. On veut rester concentré sur ce concept, pas question de se disperser.

Éternité à neuf chiffres

Dans l’ADN de la marque, une notion de durabilité. Oui, tout arrive. Mais aussi un lien au très branché “slow shopping” : Faire gagner du temps aux gens, c’est important. Le but, c’est d’entrer et arrêter de stresser. Respirer, poursuit Lars Axelsson. Après, on découvre un concept proche de celui d’une bibliothèque : chaque produit a sa carte d’identité. Un numéro à neuf chiffres avec lequel on peut revenir et retrouver ce qu’on avait acheté il y a deux ans.

Dans une nouvelle version peut-être, mais le corps, l’essence du produit n’a pas changé. C’est une attitude très masculine. Les hommes adorent être fidèles à une veste, une chemise, un pull. Et il n’est pas rare qu’ils l’achètent directement en trois exemplaires. Retrouver en quelques minutes la veste de ski qu’on a usée depuis 1999, ça tient du miracle. L’expression la plus simple de l’archive, c’est le numéro, confie la directrice artistique Ulrika Bernhardtz.

C’est excitant de se dire que nous créons nos propres archives, en constante évolution. Architecte de formation, Ulrika fait partie du groupe depuis 22 ans. Project developper pour Cos puis pour & Other Stories, elle travaille depuis deux ans et demi sur ce nouveau projet. C’est elle qui a recruté Jasper, le designer. Je travaillais sur l’uniforme militaire, une veste pare-balles précisément, explique-t-il. Dans la garde-robe masculine, tellement de choses viennent du vestiaire militaire. Et là, ce que nous faisons actuellement, c’est idéaliser l’uniforme quotidien. On n’invente pas vraiment une collection, on la recompose.

Café et eau de bouleau

Côté chiffres, le groupe H&M n’étant pas vraiment une entreprise philanthropique, Arket s’attaquera à 18 pays, en plus de son webshop. Une cinquantaine de collaborations sont déjà en place, avec des marques comme Converse ou des maisons plus chic, comme les soieries françaises Ducharne, mais aussi avec de délicates théières anglaises ou japonaises et des créations du designer Carl Malmsten. Nous avons eu accès à ses archives, notamment à la chaise Skedblad, en chêne, qui n’est plus produite, raconte la directrice artistique. Nous avons contacté les héritiers et voilà, la chaise ressuscite dans notre bar.

Parce que, oui, il y aura donc des objets chez Arket, certains griffés d’autres marques, et un café où on pourra goûter l’eau de bouleau, consommée depuis des centaines d’années par les Suédois pour ses vitamines… Le passé, la tradition, les racines, la pérennité, encore et toujours. Dans les grands magasins de 1000m2, là aussi on nous répète que “tout est fait pour durer”. Jusqu’au sol. De la pierre compressée venue d’Italie. Durée de vie : cent ans ! 

Ouverture le 17 septembre, avenue de la Toison d’Or à Bruxelles. www.arket.com