C’est une page qui se tourne. La mythique galerie Bortier, passage couvert conçu par l’architecte Jean-Pierre Cluysenaar il y a 175 ans, s’apprête à vivre une grande transformation. Cette galerie qui relie la rue de la Madeleine à la rue Saint-Jean, juste en contrebas du Mont des Art, est une propriété de la Ville de Bruxelles, dont la gestion est assurée par la Régie foncière. Longtemps exclusivement consacrée aux livres – entre bouquinistes, antiquaires et relieurs –, elle connaissait une perte de vitesse ces dernières années, au point de demeurer quasiment inoccupée. Les lieux, vétustes, n’avaient pas connu de rénovation depuis 1974.
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Des livres, des fleurs, des antiquités…
Pour redynamiser ce patrimoine classé tombé en désuétude, la Régie foncière de la Ville de Bruxelles avait décidé de lancer un grand appel à projets. On savait depuis l’année dernière que Thierry Goor et Pascal van Hamme, les créateurs du foodmarket Fox, allaient reprendre la galerie. Quelques infos avaient ensuite fuité sur la nouvelle destinée des lieux. On parlait d’un nouveau food market, provoquant une vive réaction du côté des habitués et bouquinistes, qui avaient aussitôt lancé une pétition pour tenter de protéger les librairies restantes. En vain. Aujourd’hui, Thierry Goor se veut rassurant sur la renaissance de la galerie.
« La galerie se mourrait, car les librairies ne vont pas bien. Alors que le prix du livre est bloqué, les libraires doivent faire face à l’indexation des salaires. C’est très compliqué de gagner sa vie dans ce contexte », nous raconte Thierry Goor à un peu plus d’un mois de la réouverture de la nouvelle galerie Bortier. « Notre objectif était donc de garder la vocation initiale de l’endroit en ouvrant un café littéraire au centre de la galerie, qui sera l’épine dorsale du projet ». Intitulé Kawa Club, le concept lancé par Laura Cornil proposera de s’immerger dans l’atmosphère d’une vieille librairie anglaise où l’on pourra prendre le temps de s’évader dans une lecture, tout en piochant dans une sélection de thés, cafés (fair trade et bio) et pâtisseries.
En face, on retrouvera la librairie de livres d’art rares de Pierre Coumans, déjà présent dans la galerie. Ainsi que la librairie de livres de seconde main de Fanny Genicot. Une librairie Filigranes viendra les rejoindre. Le fleuriste Ben Vanhoo, installé à Dworp, occupera également l’un des espaces. Tout comme le brocanteur Nicolas Van Cutsem, chercheur autodidacte qui arpente les puces depuis 30 ans et qui dévoilera son joyeux bordel (organisé) pour dénicher des pépites d’occasion.
… et de la food !
On vient donc chiner, lire, s’offrir un beau bouquet, mais surtout boire et manger. « Les commerces de bouche se perdent dans le centre de Bruxelles. On veut venir avec quelque chose d’innovant, tout en gardant l’esprit littéraire. Notre formule serait : ‘La culture du goût, le goût de la culture’», explique Thierry Goor qui nous dévoile en exclu les noms que l’on retrouvera dans la galerie. « Yves Mattagne va dévoiler Naanry, un comptoir indien qui met les épices et le curry indiens à l’honneur, en collaboration avec son beau-père Shri et son fils Sébastien. On retrouvera aussi un traiteur libanais, et un comptoir de la mer tenu par César Lewandowski, Marseillais d’origine qui avait pour jardin d’enfants la Méditerranée. Ça s’appelle Polpo et on pourra y manger des huîtres, des ceviches, des calamars, des salades de poissons… »
L’idée ? Réunir les meilleurs noms de la scène culinaire bruxelloise, et mettre en avant l’artisanat et la qualité des produits. On retrouvera ainsi la charcuterie Dierendonck et la fromagerie Soeurs. Une épicerie italienne surnommée Gazosa sera également de la partie, lancée par le concepteur nomade urbain Lakhdar. Si ce nom ne vous dit rien, il s’agit ni plus ni moins du petit génie derrière La Gazetta, le café Al Dente, Fight Club, Malmo, Very Good ou encore Old Boy. Pour étancher sa soif, place à l’un des projets les plus ambitieux de ce chantier : un espace qui réunira 7 craft-beers bruxelloises (La Senne, Brussels Beer Project, Surréaliste, Jungle, La Mule, En Stoemelings et L’Ermitage).
En pratique :
L’idée ? S’adresser à la fois aux touristes d’un jour pour leur faire découvrir les meilleurs commerces de bouche bruxellois, tout en offrant un cadre propice qui incitera les locaux à venir (re)découvrir la Galerie Bortier. « Très peu de Bruxellois connaissent cette galerie qui est juste extraordinaire. Pour les touristes, ce sera l’occasion de changer des chocolateries et des boutiques de spéculoos ».
Dans cette Galerie Bortier 2.0, on pourra donc faire ses emplettes, puis manger un bout sur place ou à emporter. Chaque adresse fonctionne en effet sous forme de service traiteur à déguster chez soi. Mais on peut également goûter tout ça sur place grâce à différents comptoirs installés dans chaque cellule, sur les terrasses extérieures à l’entrée, ou sur les terrasses à l’intérieur de la galerie. « On peut commander des huîtres chez Polpo, puis s’installer dans le café littéraire ou sur n’importe quelle terrasse et lire son bouquin ». Les différents espaces seront ouverts de 11h à 22h30, à l’exception du café littéraire qui ouvrira ses portes dès 8h pour le petit-déjeuner.
Pour les nostalgiques inquiets de voir transfigurée une galerie chère au patrimoine bruxellois, les patrons du Fox se veulent rassurants. « Nous allons faire revivre de nombreuses cellules vides de cette galerie, en créant une librairie hybride. On se rend compte que les livres seuls ne suffisent pas pour être viable économiquement. En cause, le prix fixe des livres, parallèlement à l’indexation des salaires. Ce qui est terriblement pénalisant. On constate que les habitudes d’achat évoluent et qu’il faut donc offrir des contextes d’achat différents. Mais on ne mixe pas des choses totalement incompatibles, on est plutôt sur une philosophie ‘Le corps nourri libère l’esprit’. »
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