Voitures de collection : le retour en grâce des années 90 et 2000

Directeur des ventes pour la maison de vente aux enchères Bonhams, le Belge Gregory Tuytens orchestre chaque année ses ventes les plus spectaculaires de l’année dans le cadre du Zoute Grand Prix, un rendez-vous orchestré chaque mois d’octobre. Un événement lié aussi au cadre : « Le Zoute est un microclimat – une sorte de – qui, dans ce registre, n’a pas vraiment d’équivalent. Dès les années 50, la station a été le cadre de nombreux concours d’élégance automobile. C’est un vrai rendez-vous pour les collectionneurs passionnés tant belges qu’internationaux. »

En 2022, voici les voitures préférées des Belges :

Au premier rang pour observer les tendances en matière de voitures anciennes de collection, l’expert a vu le marché évoluer ces dix dernières années et nous explique que le mot « ancien » ne veut plus dire grand-chose. Aujourd’hui, les oldtimers des années 50 ne font plus vraiment recette : « Les modèles mythiques des fifties et sixties ont laissé place à des voitures construites dans les années 80, 90, voire plus récemment, comme une Ferrari, modèle LaFerrari de 2014, notamment. Cette tendance a fait l’objet de deux vagues : une première, initiée vers 2014, qui a duré environ trois ans. Puis, une seconde qui a coïncidé avec la pandémie. Conscients que c’était peut-être leur dernière chance de conduire une voiture non électrique dotée d’une vraie personnalité, certains Belges ont cherché à acquérir une Porsche ou une Ferrari de ces années-là. »

Le boom des hypercars

Autre constatation, le marché actuel est influencé par les goûts de la génération des 40-60 ans. C’est d’après Gregory ce qui explique le retour en grâce des années 90 et 2000 : « La très jeune génération (celle qui n’achète pas encore de voiture de collection, mais que vous pouvez voir dans les rues du Zoute, téléphone à la main, en train de photographier leurs modèles fétiches) se passionne pour les hypercars, très à la mode en ce moment. On parle ici de modèles extravagants, qui ne sont pas toujours conçus pour faire de la route mais pour épater la galerie. Alors que beaucoup de constructeurs jouent désormais la carte de la sécurité stylistique, les modèles rares signés Ferrari et Lamborghini continuent, grâce à l’audace dont elles font preuve sur le plan du design mais aussi à la possibilité de les personnaliser à l’extrême, à fasciner. Face à l’arrivée des véhicules électriques, ces voitures marquent la fin d’un siècle. Tout le monde n’a en effet pas envie de rouler en Tesla (il sourit). »

Alors que notre génération a grandi avec la Golf GTI comme référence, ce modèle entre dans la catégorie des pièces à collectionner : « C’est ce que nous appelons un youngtimer, c’est-à-dire une voiture de précollection, dont la construction remonte à environ 20 ou 30 ans. C’est le cas de la Golf GTI ou de la BMW M3 ; des voitures dont la cote grimpe encore. Il y a 20 ans, une première série GTI coûtait l’équivalent de 5 000 euros. Désormais, 7 ou 8 fois plus, à condition que le modèle en question soit proposé dans sa configuration d’origine (peinture comprise) et qu’il soit non-accidenté : une rareté, plutôt difficile à trouver. Beaucoup de ces voitures ont un gros kilométrage, ce qui les rend moins intéressantes à l’achat. Dans ce cas précis, compte tenu de leurs performances (aujourd’hui plutôt médiocres) par rapport à l’aura qu’elles avaient à l’époque, l’expression Never meet your heroes (littéralement : ne rencontrez jamais vos héros, ndlr) se justifie totalement. On parle ici d’un achat purement sentimental. Mais, contrairement à ce qu’on pourrait croire, on en trouve rarement dans les garages privés. Les voitures conduites par de jeunes conducteurs fougueux dans les années 90 n’ont généralement pas tenu la distance. »

Passer au vert

En matière de youngtimers, existe-t-il des tendances couleurs ? « De manière générale, au risque de décevoir les fans de Ferrari, le rouge est une teinte trop commune pour intéresser les vrais collectionneurs. Pour une Golf GTI, plutôt qu’un rouge ou un blanc, les amateurs de modèles rares visent un vert métallisé, la teinte la plus prisée. D’ailleurs, lorsque nous avons une Ferrari vert foncé dans notre catalogue, nous savons que ce sera bingo. D’autre part, certaines voitures figurent dans le registre des objets cool, smart et rigolos que leurs propriétaires n’ont pas peur de conduire. Je pense par exemple à une Mini, une Citroën Méhari ou à cette petite Fiat 500 que nous avons vendues il y a quelques années. Des millions d’exemplaires de la Fiat 500 ont été produits dans le monde, mais la Jolly d’origine (sans toit) est rare et exceptionnelle. »

Le phénomène des Social Collectors

Les acheteurs de ce type de voitures ne sont pas les mêmes que ceux d’une BMW M3. Il existe d’ailleurs différents types de collectionneurs. « Parmi les trentenaires et quarantenaires, on n’est plus vraiment à la tendance des concours d’élégance, qui obligent les propriétaires de voitures de collection à attendre des heures sur une pelouse qu’un jury vienne noter leur bolide. La génération des 40/60 ans cherche plutôt une voiture avec laquelle faire des balades ou des escapades entre amis. On les appelle des Social Collectors, dans le sens où posséder un modèle de collection leur permet de partir en week-end avec d’autres propriétaires de voitures anciennes qui partagent leur passion. D’autres vont acheter un véhicule ancien pour sa performance dans l’idée de participer à des rallyes. La dernière catégorie, celle qui influence les prix du marché, est constituée d’investisseurs qui collectionnent les voitures comme ils le feraient avec du whisky ou des tableaux. »

Et les zones à basses émissions dans les villes ne les font pas hésiter : « Souvenez-vous : il y a 15 ans, les propriétaires de voitures anciennes ne pouvaient pas prendre la route la nuit, ni s’éloigner à plus de 25 kilomètres de leur domicile sauf lors d’un rallye officiel. Lobby des fans de voitures anciennes oblige, ces règles ont été abolies. La Belgique est un pays de fans de voitures. Je suis convaincu que beaucoup de ces nouveaux règlements ne seront pas longtemps d’application. »

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