Barge, l'adresse gastronomique et durable qui évolue tout en gardant son âme

Chers lecteurs, ceci est une première, car depuis toutes ces années où nos sens se mettent au service des vôtres, nous parlons une deuxième fois d’une même adresse : Barge, qui nous avait déjà bien plu en septembre 2019.

TEXTE ET PHOTOS : FLORENCE HAINAUT ET CARLO DE PASCALE. |

Dans Le Guépard de Lampedusa, le personnage de Tancrède dit : Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change. Tout était déjà excellent chez Barge, du chef Grégoire Gillard, à l’époque associé à Barbara Hoornaert, partie depuis ouvrir avec bonheur Bab’s - Wine to share, à Schaerbeek. Excellents, le lieu, urbain, moderne et chaleureux, les vins, “propres” mais toujours élégants, la cuisine brillante et autour de produits modestes, le prix, très raisonnable. Il y avait un côté “simplicitaire” dans la démarche, avec pour autant une véritable intention de créer, de surprendre.

En vidéo, découvrez la recette du chef Grégoire Gillard pour réaliser des croquettes au fromage :

Nous écrivions à l’époque : “Forcément, le menu ne va pas faire dans le homard bleu ni dans le foie gras. On est ici dans les codes de la gastronomie qui fait des étincelles autour du maquereau ou du chou-fleur, et ce n’est pas pour nous déplaire, même si nous sommes loin d’être des intégristes de cette néo-gastronomie du produit simple ; on aime aussi les langoustines et les viandes en sauce”. C’était certes l’époque du menu, à 55 € et cinq services, et nous étions à six mois du Covid et de ses deux confinements qui mirent à mal nombre de restaurants. Entretemps, le chef aura chopé quelques distinctions et, quasi un an après notre dernier passage (Barge fait partie des adresses où nous sommes allés régulièrement), on y retourne, table de quatre, pour fêter l’annif de ma coloc’, et, disons le illico, ce fut....formidable, surprenant, excitant, du début à la fin. Le menu a pris du prix (95 €), pour ce que je qualifierais de menu cinq services ++, avec mises en bouche, deux entrées, un plat, un pré-dessert, un dessert et des “mignardises”.

Dans l'assiette

Ce soir-là, deux de nos convives choisissent l’option végé, tandis que Florence et moi optons pour le “supplément homard” (24 €) ; les végés de la table ayant eux aussi, un service en sus. On commence avec une surprise, quelques centilitres d’un breuvage rose (on s’attend à une de ces innombrables flottes aromatisées) qui s’avère être un kéfir à la lavande, frais, acide, parfumé, qui éveille vraiment les papilles. Puis, on s’offre une très belle bulle, un crémant du Jura (16 €) – Tissot, un des papes des appellations jurassiennes – que l’on terminera en douceur sur les mises en bouche, toutes excellentes, mention très bien pour la bouchée moule-frites revisitée, loin d’être anecdotique.

Thon et tomates ensuite. Un thon qui rappelle les meilleures expériences des restaurants de cuisine japonaise, puis haricots verts “glacés” posés sur une boule de ricotta qui enferme un insert d’épinards, jus lactofermenté (oui, c’est tendance, mais qu’est-ce que c’est bon !). Arrivent un encornet parfaitement cuit, posé sur une sauce qui évoque la paella, puis ce homard hors menu. Un demi-homard chacun, décortiqué, avec la pince “tout près”, posé sur une bisque d’un équilibre parfait, le truc qui nous fait fermer les yeux. Le temps de reprendre notre souffle et place au canard, d’un éleveur belge passionné à Fosse-la-Ville ; filet, cuit “sur coffre”, puis les cuisses confites désossées dans une raviole de betterave.

Les “envois” se succèdent avec un juste tempo (j’y suis plus sensible que Florence, je m’ennuie vite, même quand c’est bon). En cherchant la petite bête, on pourrait préférer un ou deux degrés de plus pour les plats chauds, et encore. Pré-dessert sucré-salé de fromage de chèvre, dessert “de chef” à base de kiwi belge rafraîchissant, et mignardises d’Enguerrand, le jeune pâtissier, plus riches et “conventionnelles”, mais il nous reste de la gourmandise et de l’appétit pour les apprécier.

Alors, qu'est-ce qui a changé ?

C’est clair, les produits sont devenus plus luxueux : thon, canard, homard bleu. Le lieu est plus décoré, mais dans la continuité. Le service, plus présent, avec une équipe plus nombreuse, entièrement dévouée au soin des clients, avec classe et naturel, à fond dans le ton de l’époque. Le prix, certes, mais qui reste largement dans les standards de ce type de maison. Comptez 150 € par personne avec le forfait vins. Ce qui n’a pas changé ? L’option végé sur tout le menu. Même si dans un monde où l’on perdrait son temps à donner des notes, on mettrait un demi-point en moins d’excellence par rapport au menu “animal” (en tout cas Florence et moi, les omnivores de la table). La passion et l’envie de faire toujours plus n’ont pas changé non plus, le forfait accord mets-vins “bob” (autant de vins, mais moins de vin) bon pour les neurones et le portefeuille est toujours là.

Verdict

D’accord, le côté “simplicitaire” et les contraintes fortes d’utiliser des produits accessibles se sont éloignés. Mais notre gourmandise a su reconnaître ce qui était resté simple et le travail de qualité sur des produits plus chers, mais toujours durables, une préoccupation essentielle du chef. Et si Grégoire devait proposer un jour une option truffe, on se laissera faire, car on lui fera confiance. Barge est presque devenu un restaurant d’occasions spéciales (même s’ils sont nombreux à en avoir, des occasions, vu la difficulté à obtenir une table), mais on retiendra qu’ici on a du talent à tous les étages, dans tous les coins ; celui du chef, mais aussi celui d’une équipe de super pros qui ont vraiment envie de progresser.

L'adresse ? 33 boulevard d’Ypres, 1000 Bruxelles. Ouvert du mardi au samedi. T. 02.425.73.60. bargerestaurant.be

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