Cette adresse proche de chez nous vient d’être élue meilleur restaurant de légumes du monde

À un peu plus d'une heure de la frontière belge, une adresse vient d'être élue meilleur restaurant de légumes du monde parmi un panel de plus de 1 200 restaurants, et ce pour la deuxième année consécutive. Son secret ? Son concept de "gastronomie botanique" poussée à un niveau d'excellence tel que l'adresse est déjà bookée pour les six prochains mois. 

Par Camille Vernin, Photo : D.R. |

Le Green Guide de We’re Smart est un peu l’équivalent du Gault&Millau et du Michelin, avec la touche de légumineuses en plus. Le guide qui commence doucement à se faire connaître répertorie près de 1 200 restaurants de légumes à travers le monde. À chacun, il décerne une note allant de un à cinq radis en fonction d’une série de critères : le ratio végétaux/animaux avant tout, mais aussi le goût, l’originalité, la créativité, les techniques de préparations ou encore la communication autour de l’utilisation de leurs fruits et légumes. Le tout dans une démarche écologique, mais aussi éthique, sociale et sanitaire.

Qui est René Redzepi, le chef de l'un des meilleurs restaurants du monde ?

Chaque année depuis 2018, ce guide à la philosophie « pure plant » dévoile également son classement des meilleurs restaurants de légumes à travers le monde. Cette année, c’est une adresse proche de chez nous qui arrive en tête, puisqu’elle ne se situe qu’à 2h30 en voiture de Bruxelles et à un peu plus d'une heure de la frontière belge. Son nom ? De Nieuwe Winkel. À sa tête ? Le chef Emile van der Staak. C'est d'ailleurs la deuxième année consécutive que ce restaurant végétal arrive au sommet du podium. En 2021, il prédisait déjà son succès en s'installant sereinement en deuxième position. 

« La cuisine de l’avenir »

« C’est une adresse véritablement ambassadrice, car elle montre aux autres restaurateurs la voie vers une transition nécessaire », se félicite Frank Fol, créateur et force motrice de We're Smart. Les menus végé sont quasiment devenus la norme au restaurant, le circuit court s’impose de plus en plus, et la dernière mode des établissements gastronomiques consiste à faire pousser son propre potager. En quoi De Nieuw Winkel, deux étoiles situé dans l'Est des Pays-Bas près de la frontière allemande, se démarque-t-il dès lors ? Tout simplement par une philosophie unique, qu'Emile van der Staak surnomme « botanical gastronomy ».

Une idéologie qui mixe cuisine et biologie. Le chef se refuse à utiliser le terme « véganisme », qu’il juge bien trop excluant. « La partie botanique consiste à travailler avec des experts en plantes, enquêter et découvrir si elles sont comestibles ou pas, et apprendre leur tradition. La partie gastronomique consiste pour les chefs à relever le défi de les rendre aussi savoureuses que possible, afin de convaincre que cette transition est possible », explique-t-il. Dans le monde, il existe près de 20 000 plantes comestibles. Or, 30 plantes seulement représentent actuellement 95% de notre consommation. « Nous avons encore beaucoup à apprendre ».

Au-delà de l’aspect créatif, innovant et gourmand, le chef a surtout pour ambition de rendre le monde meilleur. « Le changement climatique, les inégalités sociales, la santé et la biodiversité sont autant de questions liées à ce que nous mangeons », explique-t-il. « L’une des choses les plus importantes que l’on puisse faire aujourd’hui pour sauver la planète est de manger beaucoup moins de viande. Pour que les gens s'habituent à un menu différent, nous avons donc adopté l'approche la plus radicale ».

De l’inventivité en intraveineuse

Un tournant est donc indispensable. Les plats purement végétaux ne peuvent cependant avoir du succès qu’à condition d’être vraiment succulents, encore meilleurs même que la viande ou le poisson. « Vous prenez une côte de boeuf et vous la faites rôtir des deux côtés pendant quelques minutes, le résultat est savoureux, je ne le nie pas. Pour obtenir ce résultat uniquement avec des plantes, cela nécessite un tout petit peu plus d’efforts », explique Emile van der Staak. « Les meilleurs cuisiniers de légumes sont aussi les meilleurs cuisiniers de poissons et de viandes, car nombre de techniques que nous connaissons dans la cuisine traditionnelle sont nécessaires pour élever les saveurs des ingrédients végétaux au plus haut niveau ».

L’organisation du travail change quelque peu elle aussi. La fermentation - technique plus tendance que jamais - demeure une base très importante de la cuisine végétale. Elle permet non seulement de conserver les ingrédients jusqu’à l’hiver, mais aussi de modifier leur saveur, de la complexifier. Les timings sont également différents. Comptez 28 heures de préparation pour du tempeh, et trois semaines de fabrication pour leur fromage d’amande. Pour le reste, on fait simplement preuve d'une inventive débrouillardise. Pour le dessert, on remplace les fèves de cacao par des châtaignes cueillies en pleine forêt, le poireau se retrouve sublimé par un bouillon d'algues afin de lui offrir un goût sans précédent, les feuilles de rouleau de printemps sont fabriquées à partir du bois de l'acajou chinois. Luxe ne rime plus avec foie gras et caviar, mais avec découverte inédite. 

Des possibilités et variétés infinies 

Preuve de la profusion de possibilités de cette cuisine végétale, il existerait pas moins de 58 techniques pour préparer les légumes. « La plupart des chefs n’en utilisent que 15 », affirme Frank Fol. Aucune crainte à avoir non plus du côté de la diversité dans l’assiette. Beaucoup l’ignorent, mais la planète est divisée en 12 zones climatiques. Les Pays-Bas font partie de la septième zone, tout comme la Corée du Sud, la Chine, le Japon ou le Chili. « Ce qui pousse là-bas peut pousser ici aussi. La collection de plantes comestibles est donc beaucoup plus vaste que ce que l'on peut imaginer ». Dans la plus ancienne forêt nourricière d’Europe, le Ketelbroek, le chef et son équipe peuvent ainsi puiser du gingembre japonais, du poivre du Sichuan ou encore de la myrtille de Sibérie.

Il y a 11 ans, des clients ont refusé de payer l’addition parce qu’il avait servi un menu de Noël sans viande ni poisson. Aujourd’hui, ce restaurant purement végétal connaît un tel succès qu’il affiche complet pour les six prochains mois. « Il se passe quelque chose. Il y a 20 ans, la portion de viande d'un plat principal s'élevait à 160 grammes. Aujourd’hui, c’est moins de la moitié. Les Belges ont mangé 8% de viande en moins cette année selon les chiffres du gouvernement », explique Frank Fol. « Il est certain que les temps changent, le sujet n’est plus aussi controversé qu’il y a dix ans. Lorsqu’ils goûtent une nourriture savoureuse qui n’a rien à envier à la viande, les gens n'ont plus peur. C’est simple, il suffit de pousser la porte… »

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