Comment devenir la mère parfaite ?

Impossible, car elle n’existe pas ! Les mamans ne doivent pas entrer dans un carcan : via un blog, un livre et un podcast, la journaliste Déborah Laurent déculpabilise toutes celles qui se sentent « indignes ».

Par Sigrid Descamps. Photos D.R. |

La maternité, que du bonheur ? Toutes celles qui sont passées par cette case savent que cette période s’accompagne de joie et d’émotions, mais aussi de questions, de doutes, d’angoisses… sans parler de celles qui surgissent lorsque le bébé est là, qu’il devient un enfant, un ado… Sauf que ne serait-ce que fissurer le tableau et mettre en doute le cadre établi reste tabou. Un sujet que la journaliste Déborah Laurent soulève dans son blog Seayouson et son livre, Journal de bord d’une maternité décomplexée. 

Comment a démarré l’aventure de Seayouson ?
Je n’avais pas du tout l’intention d’écrire un blog, mais divers éléments m’y ont menée. Ma grossesse d’abord. Quand je suis tombée enceinte, je me suis vite fait griller car je ne buvais plus aux apéros (rires) et on m’a pressée de le confirmer. Le fait qu’on veuille me tirer les vers du nez, cela m’a énervée. Après, des tas d’autres choses m’ont saoulée (rires). Quand tu tombes enceinte, tu imagines que tu vas vivre un grand moment d’intimité, mais tu es balancée sur la place publique. Dès que ton état est révélé, les gens deviennent hyper intrusifs, comme si ton corps ne t’appartenait plus. Cela part de bonnes intentions, mais tout le monde rapplique avec des conseils que tu n’as pas demandés, qui provoquent des questions que tu ne te posais pas, et du stress. On te touche aussi beaucoup et ça peut devenir aussi très énervant.

Ensuite, il y a eu le départ à l’étranger : quand notre fils a eu 1,5 an, on est partis vivre à Los Angeles. Là-bas, je me suis retrouvée seule, en plein décalage horaire, je n’avais personne avec qui partager mes doutes et j’ai commencé le blog, qui a tout de suite trouvé son public. Sans doute parce que j’y parle de tout ce que l’on ne nous dit jamais avant que l’on devienne mère.

Ce blog, c’était votre façon d’extérioriser ce qui vous faisait bouillir intérieurement ?
Je me rendais compte qu’autour de moi, on ne parlait pas de certains sujets autour de la grossesse et de la maternité. Prenez l’allaitement : quand j’ai accouché, j’ai dû me battre pour le refuser. J’ai un caractère fort, j’ai eu gain de cause, mais je me suis demandé ce qu’il se passait avec des mamans plus fragiles. De même, quand bébé est né, on a juste prévenu les proches pour éviter de voir des tas de gens débarquer à la maternité.

Pour certains, c’est inimaginable ! Je me demandais si j’étais la seule à ressentir tout cela, à vouloir en parler ou si c’était tabou. Avec le blog, j’ai compris que nous étions nombreuses à nous poser des questions, à vouloir bousculer les choses. Je crois aussi que les gens en ont marre de l’image de la mère parfaite ; on a envie de voir et d’entendre des mères qui parlent de ce qu’elles vivent réellement au quotidien.

Le blog connaît un prolongement avec votre livre. Pour l’un et l’autre, vous attendiez-vous à un tel retour ?
Non, c’est chouette car j’ai l’impression de lancer des débats. Il est important d’échanger de comprendre qu’il y autant de mères que d’enfants, de découvrir ce que les autres font, de trouver des pistes de réflexions. 

Qu’est-ce qui vous a le plus frappée ?
En échangeant avec des mamans de partout, j’ai réalisé que beaucoup sont très seules, elles ne savent pas parler avec les gens qui les entourent, et quand elles veulent agir autrement, elles sont coincées. J’ai eu des messages de femmes qui ont pleuré en lisant le livre ; des femmes qui n’ont pas pu refuser d’allaiter, d’autres qui ne se sentaient pas bien à qui on répliquait qu’elles n’avaient pas à se plaindre car elles étaient mamans et que tout le monde n’avait pas cette chance, qu’elles devaient être heureuses d’avoir un bébé en bonne santé… Cette injonction du bonheur obligatoire, c’est une souffrance pour certaines. 

Bousculer les règles établies, pour certaines, cela équivaut à être « une mère indigne »
Je déteste cette expression. On a l’impression de choquer quand on dit qu’on veut faire autrement, sortir du cadre. Or, fille, garçon, mère ou pas, il faut accepter qui l’on est avec tous nos paradoxes. On peut donc vivre sa grossesse et sa maternité comme on le veut, en assumant ses choix, tout en respectant le vivre ensemble. Et être fière des choses que l’on fait bien !

Vos maîtres mots, ce sont « Résister » et « Déculpabiliser » ?
Résister à la pression, oui. Ce qui n’est pas facile. On a toutes des moments de doute… Ce n’est pas nécessairement lié aux réflexions que l’on nous faits, mais aussi aux règles ancrées depuis des siècles en nous et dans la société. Notre rôle de mère est inscrit partout : dans les publicités, les magazines, les films, notre éducation…

Vous qui les détestez, si vous aviez des conseils à prodiguer, quels seraient-ils ?
(Rires) Le seul que je donne, c’est d’être soi-même, de faire ce que l’on veut. On rêve toutes d’êtres des mères parfaites, mais on ne l’est pas. Enfin si, sans doute aux yeux de notre enfant, mais ça, on le saura vraiment quand il sera grand (sourire). Quand on aime son enfant, qu’on s’écoute, qu’on reste ouverte à la discussion, on ne peut pas vraiment se tromper. 

Journal de bord d’une maternité décomplexée, éditions La boîte à Pandore. Blog : Seayouson.com

A écouter : My Name is Mom
Parallèlement à son blog et à son livre, Déborah Laurent a lancé le podcast My Name is Mom. « On trouve déjà pas mal de podcasts qui parlent de grossesse et d’accouchement, mais pas de ce qui arrive après. Je donne la parole à des mamans belges, connues ou pas, qui livrent leur point de vue sur l’éducation aujourd’hui. Elles me racontent leur parcours et leurs expériences. » On peut y entendre par exemple des animatrices télé évoquer leur vie de famille ou une journaliste raconter son expérience de naissance en plein confinement.  
podcast.ausha.co/sea-you-son-my-name-is-mom

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