Les néo-nomades, ces travailleurs au mode de vie atypique

Depuis dix ans, le photographe flamand Ferjeux van der Stigghel suit une nouvelle population de voyageurs intermittents : les néo-nomades. Ces travailleurs saisonniers ont souvent moins de 30 ans et vivent dans leur camion frigorifique ou d’anciens cars scolaires transformés en caravane ou camping-car. Focus sur ce phénomène au travers du regard du professionnel et de l’homme.

PAR AGNÈS ZAMBONI. PHOTOS FERJEUX VAN DER STIGGHEL. |

Au-delà des clichés léchés des réseaux sociaux et des #vanlifers branchés, qui sillonnent la Californie dans un van VW peint en pastel turquoise durant leurs congés, il y a des hommes et des femmes qui choisissent de vivre dans un camion ou une caravane (pas glamour pour un sou) et qui se déplacent au grès des impératifs de leur travail, souvent saisonnier, ou simplement parce qu’ils adhèrent à une vision nomade du monde. Des gens du voyage new age qui ont choisi de vivre sur les routes.

Qui sont-ils ? 

Ils forment une population hétérogène. Ferjeux van der Stigghel a porté un regard pudique et bienveillant sur ces voyageurs qui n’ont rien à voir avec les teufeurs qui perturbent l’ordre public. "Sans images qui frappent et qui tapent" et animé d’une forte volonté éthique, il s’est attaché à changer les idées reçues et xénophobes sur les populations nomades qui nous font peur.

"Ce ne sont ni des SDF, ni des bobos... À un moment de sa vie, n’importe qui peut être amené à abandonner sa maison pour partir. Je pense aussi que pour certaines personnes en réinsertion qui n’arrivent pas à se reconnecter avec la vie normale, ce genre d’expérience peut être salvateur. Dans la mobilité, on ne peut pas refaire les mêmes erreurs."

Où sont-ils ? 

Ils se posent dans des espaces interstitiels de notre paysage contemporain. C’est-à-dire aux abords des routes secondaires de France et de l’Europe, dans la périphérie des villes, le long des rails sur les parkings des supermarchés, dans les bois, sur des friches ou des terrains privés.

Les néo-nomades se présentent comme un miroir de notre société, là où le rapport à l’autre est modifié. Ils forment une entité structurée au cœur de notre société individualiste.

Quel est leur mode de vie ? 

Ils comptent sur eux et sur les autres. Où qu’ils soient et quel que soit le métier qu’ils exercent, les néo-nomades résolvent les problèmes de la pénurie de logement et les difficultés d’y accéder lorsque l’on n’a pas un travail permanent. Qu’importe la saison, on se réveille en pleine nature, Into the wild.

C’est la vie champêtre, bucolique, poétique... ou infernale. Elle peut être bienveillante et ressembler au paradis comme devenir hostile lorsque le temps n’est pas clément. Il faut apprendre à réparer
son véhicule, trouver de l’eau, de l’électricité. Heureusement, le GSM et les réseaux sociaux permettent aux néo-nomades de se regrouper et de rester en contact en cas de besoin.

Quel est le style de leur déco ? 

Ils créent tous azimuts. Recyclage, récup’, dépareillage et débrouillardise président aux styles décoratifs qui n’empêchent pas des touches d’humour comme un jardin d’intérieur spontanément aménagé sur un hayon. Témoins de la décroissance et adeptes du système D, ils n’hésitent pas “à faire les poubelles” et regorgent d’idées pour se fabriquer des meubles, dénicher des objets et bricoler à moindre coût. Inventivité et ingéniosité sont au programme pour modifier les véhicules de base avec des terrasses, des extensions horizontales ou verticales.

Comment sont-ils photographiés ? 

Ils sont présentés dans leur contexte naturel. Car le travail photographique de Ferjeux van der Stigghel s’inscrit dans le domaine de l’art contemporain et pas seulement du simple reportage. L’artiste s’est appliqué à réaliser des images dans la lignée des grands peintres, mettant en valeur une esthétique de la vie de plein air.

Dans une vision idéalisée du paysage, on songe au tableau La Symphonie pastorale de Pierre Bonnard. Dans une idée renouvelée de la communauté, on pense à La Vocation de saint Matthieu de Caravage.

Suivez So Soir sur Facebook et Instagram pour ne rien rater des dernières tendances en matière de mode, beauté, food et bien plus encore.

Lire aussi :