Nuisances sonores : pourra-t-on encore manger en terrasse à Bruxelles ?

On le sait, la ville de Bruxelles a ces derniers temps donné de plus en plus souvent raison aux riverains quand il s’agit de nuisances sonores. Une vraie calamité pour les restaurateurs. Analyse d’un phénomène qui divise.

Ingrid Van Langhendonck, Photo Unsplash |

Le centre ne vibre plus comme avant

A Ixelles, de nombreuses adresses, pourtant riches d’un joli jardin ombragé ou d’une terrasse en intérieur d’îlot ont été obligées, à regret, de fermer l’accès au jardin pour leur clients. Un arrache-cœur, et un sacré manque à gagner pour les restaurateurs, surtout durant les beaux jours. C’est à Ixelles que la situation est la plus problématique : l’échevin de l’Urbanisme, cherche des solutions dans une commune où bon nombre de terrasses et jardins se sont déployés sans permis, ni concertation: dans les années 70, on faisait les choses sans avertir personne. Il faut aujourd’hui mettre de l’ordre mais, bien souvent, cela équivaut à obliger le restaurateur à limiter ses activités.

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Autre exemple : à Saint-Gilles, la commune n’accorde aucun permis pour les terrasses en îlot. Une certaine marge de tolérance est accordée aux aménagements existants mais les moindres nuisances sont sanctionnées. On constate par ailleurs une multiplication des terrasses parfois bricolées, construites de bric et de broc, qui empiètent sur les rues et les trottoirs, comme c'est le cas chaussée Boendael à Ixelles. Dès lors cette fermeture pure et simple des jardins arrières joliment aménagés surprend autant qu'elle désespère le secteur. Une situation ubuesque qui ne manque pas d’agacer tant certains riverains que les restaurateurs lésés.

"En été, les restaurants qui n'ont pas de terrasse ou de jardin sont tous vides"  - Photos Restaurant Bagheera.

Les restaurateurs sans aucun recours

Pierre, restaurateur à Saint Gilles, est dépité : « Il suffit d’une plainte pour tout faire basculer. C'est au niveau de la Région que la décision a été prise, depuis quelques années. Ici à Saint Gilles, la commune nous soutient pourtant, mais ils ne savent pas changer cette mesure. Certains établissements sont ouverts depuis plus de 50 ans et doivent aujourd’hui complètement retirer les tables du jardin. On aurait préféré une régulation plus mesurée qu’une interdiction aussi brutale. En été, on perd près de 30 couverts par service, c’est un manque à gagner, mais aussi une perte d’attractivité pour nos établissements. Vous savez, quand il fait beau, les restaurants de Bruxelles qui n’ont pas de terrasse sont tous vides. Vous ajoutez à cela le plan Good Move et le fait que les parkings à Saint-Gilles sont désormais plus chers que ceux de l’aéroport de Zaventem, on étouffe les petits commerces.»

L'aubaine, un espace avant, sur la rue. Ceux là sont encore préservés des interdictions. - Photo Cocina Ixelles

Un riverain qui ne tolère plus le bruit de la ville

Pourtant, le riverain est de plus en plus conscient de ses droits et n’hésite pas à faire intervenir les forces de l’ordre pour obtenir le calme. Même si le fait d’habiter en ville devrait induire une certaine tolérance à l’activité nocturne et aux établissements horeca, Bruxelles Environnement nous confirme recevoir mensuellement près de 7 plaintes de riverains pour nuisances sonores d’un bar ou d’un restaurant, sans compter les plaintes qui parviennent à la police ou dans les services des communes de Bruxelles. Certains évoquent les confinements pour expliquer cette nouvelle hypersensibilité, après avoir eu une ville si calme quelques mois, certains auraient percu ce retour au bruit comme une réelle agression. Conséquence: le secteur horeca se sent de plus en plus à la merci du moindre riverain mécontent, qui à lui tout seul peut désormais faire fermer la terrasse d'un établissement. Et on ne compte plus les restaurateurs décus: L’Amère à boire à Uccle, la Gazzetta à Bruxelles ou Primo à Ixelles, Fernand Obb à Saint Gilles… Même son de cloche du côté du quartier Saint Boniface, tant apprécié pour sa vie nocturne dynamique, partout les restaurants sont obligés de s’adapter tant bien que mal...  Si chaque dossier est différent, force est de constater que les fermetures des restaurants annoncées ça et là sur les réseaux sociaux, mentionnent de plus en plus souvent ce cruel manque à gagner causé par la fermeture d'une terrasse ou d'un jardin… Dans ce contexte, le casse-tête des autorités reste de concilier la vie nocturne d’une grande ville, la défense de ces petits indépendants qui font le tissu et la vie d'une commune, et le droit au calme légitime revendiqué par les riverains. Et cet équilibre n’est pas facile à trouver.

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