Menssa : On a découvert en avant-première la nouvelle adresse de Christophe Hardiquest

C'est un endroit métamorphosé que l'on découvre en franchissant les portes de Menssa. L'adresse qui accueillait autrefois Bon Bon s'est muée en un tout nouvel écrin qui laisse celles et ceux qui avaient déjà eu la chance d'y manger, littéralement ébahis.

Par Camille Vernin, Photo : D.R. |

Exit les petites tables rondes, les confortables sièges beiges en tissus, et les suspensions en forme de globes métallisés. Les tons neutres ont laissé place à des chaises hautes en velours d'un vert éclatant (signées Marie’s Corner). Toutes regroupées autour d'un bar organique qui occupe toute la pièce. On ne mange plus à table selon la formule classique désormais, mais alignés autour d'un vaste comptoir qui occupe toute la pièce, comme au Japon. Au milieu du restaurant trône un arbre en bois dont les ramifications s'étendent tout le long du plafond. C'est très beau, c'est belge, et c'est signé par l'atelier d'architecture Anne-Catherine Lalmand.

"J'avais besoin de changement"

Oui, Bon Bon n'est plus. Il y a un an, en pleine gloire, Christophe Hardiquest annonçait la fermeture fin juin 2022 de son restaurant emblématique doublement étoilé et noté 19,5 au Gault&Millau. C'est une page qui se tourne certes, mais surtout une nouvelle histoire qui commence. "Je n'étais plus en accord avec ce que je devenais. Avec la pandémie et un divorce qui a forcément joué un rôle, je ne me sentais plus aligné", confie Christophe Hardiquest. "J'avais besoin de changement". Le cuisinier renommé se développe d'abord à l'international, notamment en tant que chef pour l’emblématique restaurant étoilé La Mère Germaine à Châteauneuf-du-Pape, dans le sud de la France, ainsi que pour la brasserie de l’hôtel Chetzeron à Crans-Montana, en Suisse. "Je suis très pro-européen pour les produits, mais mes racines sont belges. J'avais du mal à me séparer des énergies de cette maison, je voulais continuer son histoire, mais différemment. Il me fallait un nouvel écrin pour me lancer de nouvelles limites, pour trouver de nouvelles manière d'étonner et d'exercer mon métier"

©Richard Haughton

©Richard Haughton

Une crise existentielle et professionnelle qui, comme souvent, prend des allures de retour aux sources. Une quête d'authenticité qui passe par un premier gros changement : les 44 couverts de Bon Bon ont été réduits de moitié. On compte désormais un comptoir avec 22 places, et une table privative pour 8 personnes. L'objectif ? Inventer un espace plus intime, plus connecté, et plus transparent. Et, surtout, réconcilier la Nature et l’Humain. Désormais, les convives pourront admirer les plats en train de se faire, puisque les assiettes sont dressées directement face à eux. Un show culinaire millimétré qui, au-delà du spectacle, nous permet de découvrir aussi le travail d'équipe d'une brigade à l'oeuvre. 

Feu, eau, terre, air 

Feu, eau, terre, air sont les quatre éléments qui guident la nouvelle carte de Menssa. À travers eux, le chef tente d'insuffler une autre vision de la nourriture, plus naturelle, plus healthy aussi. Pas pour suivre simplement la tendance, mais à nouveau pour rester aligné à ses convictions. "L’homme aura tout à gagner à se reconnecter à la nature. Bien plus forte que nous, il nous faut réapprendre à l’observer et à l’écouter pour saisir ce qu’elle veut nous faire comprendre", déclare le chef qui ne rate d’ailleurs aucune occasion de se ressourcer en pleine forêt. Ce n'est pas un hasard si sa Maison des Saveurs s'est installée en bordure de forêt de Soignes. Chaque végétal, plante ou herbe sauvage invite à un retour à l'essentiel dans l'assiette. Un cueilleur se rendra d'ailleurs en forêt deux fois par semaine pour fournir le restaurant de cette précieuse flore locale. 

©Richard Haughton

Un respect du végétal, mais aussi de l'animal, qui passe par le fait de travailler chaque partie pour ne rien délaisser ou négliger de ce que la nature nous offre. "Queues de porc, rognons d'agneaux... je veux utiliser tout ce que les autres n'utilisent pas, pour montrer qu'il est possible de manger sans préjugés", postule le Chef. "Je veux tirer profit de toute la bête. C'est facile de cuisiner un filet aujourd'hui, mais un diaphragme ou une hampe de boeuf demandent beaucoup plus de réflexion". Si le local occupe une place primordiale, Hardiquest assume l'ancrage européen de ses produits, non seulement pour obtenir "le meilleur sourcing du monde entier", mais aussi pour "se laisser plus de liberté"

Un chef constamment en mouvement 

Christophe Hardiquest l'assure, il sera présent dans son nouveau restaurant trois semaines par mois. Les sept jours restants, il les passera à l'étranger. "C'est la liberté que je me permets pour être plus créatif", explique le chef qui cite Paul Bocuse : "- Qui fait la cuisine quand vous n’êtes pas là ? - Les mêmes que lorsque je suis là !". Preuve de l'importance de la transmission à son vivier de jeunes talents, qu'il souhaite international sinon rien. "Nous sommes la capitale de l'Europe. Je voulais différentes nationalités, et m'inspirer de cultures du monde entier. On peut totalement faire du mondial en travaillant avec des produits locaux". Pour preuve ? Son curry bruxellois. À terme, le Chef aimerait créer une académie pour former les personnes en reconversion professionnelle ou des réfugiés.

Au menu 

Mais ce qui vous intéresse le plus, c'est le menu n'est-ce pas ? Comptez 250 euros pour le menu en 5 temps et 300 euros pour le menu en 7 temps. Mais la promesse de nous faire découvrir de nouveaux produits façon "laboratoire culinaire" est bien tenue par le chef. Pour avoir goûté au lunch d'exception, on citera l'hyper-rafraîchissante soupe froide de chou-rouge et aronia, glace à la Tierenteyn et huile de lard fumé servie dans une figue en porcelaine au design qui nous transporte illico dans le thème. La mosaïque d'anguilles au tabac de romarin et rémoulade de radis noir au vieux rhum agricole offre quant à elle une assiette-peinture surprenante. 

©Richard Haughton

©Richard Haughton

En pleine crise énergétique, le chef a fait le pari de miser sur de la cuisine crue (un ceviche de moules de Zélande ou un sushi de moelle seront notamment au programme), mais aussi sur le feu de bois pour remplacer le gaz en cuisine. On a donc pu déguster un teriyaki de chou de Bruxelles cuit au feu de bois, purée crémeuse à la choucroute, jus vert, servi directement sur une pique de barbecue. Suivi d'un quasi de veau brûlé au citron noir, ragoût de pois chiche à l'Uzétienne, aïoli de gingembre. Mention spéciale à la délicieuse crème glacée à la cire d'abeille, jus à l'hydromel suivi du deuxième dessert, l'"Indian Sweet" : vacherin, glace curry d'agrume et glace gingembre, vinaigrette à l'orange sanguine et huile de feuille de curry.

©Richard Haughton

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Vers les étoiles ?

Et quand on demande au chef qui a tout recommencé à zéro s'il rechignerait à récupérer ses deux étoiles, il répond sereinement : "J’ai vécu ma passion pendant 20 ans. Je ne travaille pas pour les guides et les étoiles, je travaille pour moi. Je remercie évidemment les guides et les journalistes. Mais j’ai 47 ans et je veux profiter des 15 prochaines années avec beaucoup de plaisir, continuer à créer non-stop". Avant d'ajouter : "On doit garder une liberté de création, sinon on ne fait pas avancer la cuisine. Aujourd'hui, ce qui m'importe c'est de casser les codes, de sortir de ma zone de confort, et de créer de la valeur ajoutée pour demain. Si on me les donne, je les prendrai avec grand plaisir, il ne faut pas se voiler la face, mais en gardant ma liberté..."

Infos : 

Où ? 453, Avenue de Tervueren, Bruxelles

Quand ? Dès le 7 février. Menssa sera ouvert le soir du mardi au samedi et le vendredi midi.

Combien ? Menu en 5 temps (250 euros), Menu en 7 temps (300 euros)

menssa.be

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