Pourquoi les petits restos de quartier ne veulent plus de ce genre de clients ?

Les petites adresses familiales et discrètes qui misent tout sur leur clientèle de vieux habitués ne savent plus comment gérer ce nouveau type de consommateurs loin de faire du bien à leur business. 

Par Camille Vernin, Photo : Unsplash |

Un article publié par le quotidien italien Il Post a récemment attiré notre attention. Dans celui-ci, la journaliste Valeria Sforzini explique comment certains restaurants milanais ont vu leur popularité monter en flèche à l'aide des influenceurs. Ce qui semble pourtant loin (très loin) de les réjouir. 

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100 demandes de réservation en un week-end

Dans un contexte économique particulièrement éprouvant pour les restaurateurs et alors qu'on assiste à une multiplication des faillites, on pourrait s'imaginer qu'une bonne pub sur les réseaux sociaux serait un Graal bienvenu pour relancer la machine. Et pourtant. À l'ère de la mise en scène permanente de ce que nous mangeons sur les réseaux, certains prennent le parti de ne faire aucune publicité, de ne pas miser sur une esthétique instagrammable et même de s'installer carrément hors des zones trop courues. Alors quand une influenceuse aux plusieurs centaines de milliers de followers débarque et déploie les projecteurs sur votre adresse, c'est évidemment le drame. 

C'est pourtant ce qui est arrivé au restaurant Thai Chokdee, situé dans le quartier populaire de Giambellino à Milan. Après la visite de l'influenceuse Caterina Zanzi en août 2022, la petite adresse familiale jusqu'ici fréquentée uniquement par les locaux et habitués a vu sa cote de popularité grimper d'un coup d'un seul. "En un week-end, nous avons reçu 100 demandes de réservation en ligne", a ainsi expliqué son propriétaire, Giuseppe Papavero. Aujourd'hui, il est classé 220e sur plus de six mille restaurants de la ville évalués sur Tripadvisor. "De quoi se plaint-on ?", peut être la question qui surgit aussitôt à l'esprit. Et pourtant.

Des adresses plus si secrètes

Certes, beaucoup de restaurateurs sont ravis de voir leur affluence grimper grâce à l'aide de l'un ou l'autre créateur de contenu passé inopinément. Certaines adresses organisent même des dîners et des événements destinés aux influenceurs ou à la presse pour s'assurer de faire parler d'eux après une ouverture, l'arrivée d'un nouveau chef ou un changement important dans la carte ou dans le décor. Néanmoins, le caractère ultra viral des réseaux sociaux ne s'adapte pas à tous les restaurants. Quand des influenceurs découvrent et recommandent des petits lieux familiaux en raison de leur atmosphère intime, ceux-ci se font rapidement attaquer et perdent justement tout leur caractère "secret". 

Il y a d'abord le nombre de réservations qui augmente, ce qui entraîne immanquablement de nouvelles contraintes organisationnelles. Souvent, il faut embaucher du personnel supplémentaire, ce qui peut se répercuter sur le prix des menus mais aussi sur l'atmosphère des lieux. Quoi de plus charmant que de se faire servir par le patron du restaurant lui-même, alors qu'il vous concocte aussi des plats locaux et typiques en cuisine ? Les habitués voient quant à eux leur adresse fétiche désormais prise d'assaut : plus de place aux heures de pointes, réservations plusieurs jours ou semaines à l'avance, principe du "double service"... On perd cet esprit "lieu de confiance". 

Une tendance qui ne risque pas de se calmer puisque de plus en plus d'influenceurs décident de se détourner des adresses instagrammables vues et revues pour se consacrer au récit de petits lieux considérés comme "secrets". Une façon aussi de répondre à l'intérêt grandissant du public pour des lieux à l'écart de la foule, dans des villes épargnées par le surtourisme. Beaucoup de créateurs de contenus commencent heureusement à comprendre l'impact de la viralité étourdissante de leurs contenus, et n'hésitent désormais plus à demander aux restaurateurs s'ils souhaitent ou non apparaître sur les réseaux. 

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