Pourquoi les jeunes sont-ils de plus en plus angoissés au restaurant ?

Il toucherait un client sur trois parmi les jeunes de moins de 25 ans. Mais en quoi consiste cette nouvelle phobie handicapante dont la Génération Z se plaint de plus en plus sur les réseaux sociaux ? 

Par Camille Vernin, Photo : Unsplash |

C'est une info qui a de quoi interpeller. Un récent sondage a dévoilé que plus de 30% des Américains souffraient d'anxiété au moment de choisir leur menu au restaurant. La génération Z, soit les "zoomers" de moins de 25 ans, seraient tellement mal à l'aise face à une carte qu'ils s'en retrouveraient carrément paralysés. Le phénomène porte un nom : "menu anxiety". 

San Sablon, le gastro où l’on mange tout un menu à la cuillère :

Trop de choix tue le choix 

Cette phobie, qui n'a évidemment rien d'une pathologie médicale, se traduit par différents comportements déroutants. Demander à un compagnon de table de s'adresser en son nom au serveur, analyser le menu du restaurant à l'avance pour savoir ce que l'on va commander, voire carrément boycotter la sortie au resto pour éviter tout malaise. La fréquence de cette peur varie, et trouve différentes origines. Les coûts de plus en plus exorbitants d'un repas au restaurant jouent évidemment un rôle. Mêlés à l'inquiétude de regretter ce que l'on a commandé, le rendez-vous au resto - en principe réjouissant - peut rapidement se transformer en calvaire pour celles et ceux qui ne pensent pas avoir les épaules. 

La complexité des menus de certaines adresses jouerait également un rôle, submergeant les convives d'un trop grand nombre de choix. Un phénomène que l'on surnomme le "syndrôme Starbucks", et que l'on retrouve d'ailleurs chez les utilisateurs d'apps de rencontre. La promesse d’infinité de Tinder nous placeraient dans le même état de frustration qu’à la caisse du géant américain. Si votre coeur balance entre l’iced mocha blanc, le frappuccino cookie ou le pumpkin spice latte, il y a fort à parier que vous quittiez la boutique insatisfaits. "L’embarras du choix nous aurait rendus bien trop exigeants, jusqu’à nous paralyser et nous plonger dans un cercle vicieux", résume France Ortelli à ce propos. D'autres pointent du doigt le fait que certains menus sont de plus en plus difficiles à comprendre en raison des ingrédients inconnus et des descriptions confuses que l'on doit tenter de traduire. Enfin, certains craignent les ingrédients cachés qui déclencheraient de potentielles allergies ou iraient à l'encontre de leurs restrictions alimentaires

Une "génération pantoufle" ?

Il y aurait donc une réelle pression à faire le "bon choix", soit pour éviter de regretter, soit pour impressionner les convives. Mais comment expliquer que le "menu anxiety" ne concerne que 15% de la génération X et des baby-boomers (âgés de 44 à 77 ans). Certes, ceux-ci peuvent compter sur leur expérience et leur maturité pour s'imposer face aux serveurs, mais ils n'acquièrent pas pour autant la capacité innée de déchiffrer une carte. C'est parce qu'il y a une autre explication. Gabriel Rubin, professeur d'études sur la justice à l'université d'État de Montclair, a d'ailleurs récemment publié une analyse à ce sujet. Selon lui, la génération Z serait tout simplement plus effrayé par le monde extérieur que toutes les générations précédentes de l'histoire moderne. 

Pour eux, le risque est tellement omniprésent... qu'il s'invite même au restaurant. En cause ? La confrontation constante à des expériences anxiogènes ou déprimantes à travers les médias, les bulles de filtres sur les réseaux, l'explosion du marché du bien-être qui pousse à une véritable fixette sur soi ou encore le Covid, qui a transformé nos lieux de vie en abris protecteurs. Vincent Cocquebert parle d'ailleurs de "civilisation du cocon" ou de "génération pantoufle" pour décrire cette nouvelle génération qui craint un monde extérieur jugé hostile.

Le resto, du bonheur à long terme

Pourtant, les études ont démontré qu'une grande partie de notre bonheur passait par l'anticipation d'événements agréables. Les gens se sentiraient plus heureux lorsqu'ils anticiperaient un événement tel que des vacances ou une soirée que lorsqu'ils envisageaient un achat matériel tel qu'une paire de baskets. Pour le bonheur à long terme, l'expérience au restaurant constitue donc un bel investissement en comparaison à l'accumulation de biens. C'est aussi le moment de se vider la tête et de laisser le service opérer pour nous, de sociabiliser, de découvrir des ingrédients que l'on ne mange pas chez soi... de souffrir au monde, et à l'autre. 

Et pour celles et ceux qui ne parviennent pas à venir about de leur "menu anxiety", le site Psychiatrist conseille trois choses : 

1. Prendre son temps. Rien ne vous empêche de demander plus de temps au serveur et de le rappeler plus tard. Comme la vie, l'expérience au restaurant n'est pas une course, mais un voyage que l'on savoure à chaque étape. 

2. Réduisez vos options en choisissant la catégorie ou le type de plat qui vous fait envie. Et si vous ne savez absolument pas quoi prendre, demandez au serveur de vous recommander un plat. Vous pouvez aussi choisir parmi les plats du jour pour réduire le nombre d'options. 

3. Rappelez-vous qu'il ne s'agit que d'un repas et non d'une décision importante dans votre vie. Il n'y a pas de mal à faire un choix qui n'est pas parfait. 

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