C’est un plaisir quasi-jubilatoire pour les Belges en vacances en France. Les restaurants, ô joie, coûtent bien moins cher que chez nous. Même faire ses courses au supermarché est plus abordable. Surtout, nos voisins français ont cette tradition culinaire de longue date qu’on leur jalouse farouchement : le fameux plat du jour.
Qui n’a jamais écarquillé les yeux face à une ardoise indiquant entré-plat ou plat-dessert pour 12€ ? Certaines adresses vont encore plus loin en proposant une formule trois services avec une tasse de café pour une quinzaine d’euros seulement en général. Au menu ? Des plats simples et roboratifs, faciles à élaborer et à servir, et pensés en fonction des envies du chef ou des produits à disposition. En été, place à des salades niçoise, des tians de légumes, du poulet mariné, de la pissaladière, du gaspacho ou un simple melon jambon. En hiver, on fait la part belle aux plats mijotés : ratatouille, tartiflette, boeuf bourguignon, navarin d’agneau, poulet basquaise ou quiche lorraine... Accompagnez le tout d’une carafe d’eau (gratuite en France contrairement à chez nous) et d’un verre de vin dépassant rarement les 5€, et vous vous en sortez avec une addition ridicule.
Pendant ce temps, en Belgique, impossible de trouver un plat chaud le midi en dessous d’une quinzaine ou d’une vingtaine d’euros. Rajoutez à cela une bouteille d’eau ou un verre de vin et votre pause de midi se transforme rapidement en coup de fusil. Mais comment expliquer une telle disparité entre pays limitrophes ? Pourquoi mange-t-on moins cher le midi à Paris qu’à Bruxelles ? Et pourquoi le plat du jour n’a-t-il pas réussi à tracer son sillon chez nous ? Oui, le midi, c’est sandwich ou salade hors de prix, et on en a un peu notre claque. Alors pour savoir s’il était temps d’ouvrir une adresse mettant à l’honneur le plat du jour à la française pour faire fortune à Bruxelles, on a interrogé Rémi Colombe, chef du Ventre Saint Gris, et lyonnais d’origine.
Tartine vs. repas chaud
« La grande différence vient de nos habitudes de déjeuner », explique le chef de 28 ans. « En France, beaucoup de commerces ferment entre midi et 14h, et il est commun pour les travailleurs de prendre une longue pause déjeuner. Il y a donc tout le temps de s’installer au resto et de commander un repas chaud. Ici, en Belgique, on mange un sandwich. Quand je suis arrivé à Bruxelles tout petit, on m’a présenté la fameuse boîte à tartines. Ils ne savent même pas ce qu’est une tartine en France ! (rire)».
Autre donnée à prendre en compte selon Rémi : le coût des marchandises. « Quand tu fais tes courses en France, le budget est rapidement 25-30% moins cher. C’est pareil chez les professionnels, parce que beaucoup de produits viennent de France, que ce soit la viande, le vin, le fromage... J’ai accompagné un ami restaurateur se fournir en Bourgogne, je suis tombé des nues. Il est évidemment plus facile de proposer un plat du jour à 12€ dans ce contexte. »
La fin de l’ère «repas d’affaires» ?
Finalement, la taille du marché de la restauration n’y est pas pour rien. En France, notamment à Paris et dans les grandes villes, le nombre élevé d’établissements pousse les restaurateurs à innover avec des plats du jour attractifs pour gagner des clients réguliers. En Belgique, si la scène culinaire est particulièrement riche, le marché n’est pas aussi vaste. Quant au fameux dîner d’affaires que l’on laisse s’éterniser, le télétravail, les contraintes budgétaires et les nouvelles politiques d’entreprise ont aujourd’hui eu raison de la pratique ou presque. « Beaucoup de gens veulent manger vite fait bien fait et repartir travailler pour ne pas finir leur journée trop tard », confirme Rémi.
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