Être en cuisine
« Depuis le premier jour, je suis en cuisine, tous les jours, c’est important pour moi de rester en mouvement, j’ai ressenti l’appel de la cuisine. J’ai travaillé des produits que je n’avais encore jamais vraiment explorés : j’ai préparé des lentilles noires, sur un mode de cuisson un peu spécial, je les ai confites…
J’ai préparé des gelées d’eau fumée pour avoir des fumets sans viande, j’ai revisité la tarte au poireau et au gouda belge, j’ai cuit un cochon à la portugaise avec du romarin du jardin, j’ai testé une cuisson dont j’étais super content. Et puis, j’ai préparé des migas, c’est un plat populaire, simplissime ; tout le monde a du pain chez soi, mais il libère des saveurs incroyables. Je dis toujours que l’ail est la truffe du pauvre et ce plat a reçu l’approbation de tous ceux qui m’entouraient ce jour-là. En fait, cette période m’a amené à recréer une relation avec le simple… »
Sortir de nos zones de confort …
« En tant que chefs, la créativité est notre arme absolue. Pour moi la question n’était pas de vouloir à tout prix retrouver tout comme avant mais de me demander comment me renouveler… Comme un chef d’entreprise qui fabrique des masques au lieu de coudre des vêtements … Pourquoi les étoilés ne pourraient il pas faire des burgers ou organiser un drive-in ? Je sais que c’est osé, mais pourquoi ne pas y réfléchir ? Je ne voulais rien m’interdire comme réflexion !
J’ai débord travaillé avec Rob, nous avons préparé des plats pour le comptoir-traiteur. Et puis, pour tout à fait dépasser ce sentiment d’impuissance, on s’est lancé dans le take-away. J’ai appris que le Noma (restaurant doublement étoilé de Copenhague, ndlr) avait initié des burgers, je pense que pour tous les chefs, il s’agit de sauver sa peau, mais tout en conservant son ADN et pourquoi pas, en faisant un pied de nez à la fast-bouffe et en offrir une version haute gastronomie. »
S’exprimer, quoi qu’il arrive
« En cuisine, vous entendrez presque tous les grands chefs défendre une approche très locale ; cela faisait quatre ans que j’y travaillais, mais cela va se renforcer : les petits producteurs qui se battent pour un beau produit vont enfin recevoir la reconnaissance qu’ils méritent et ça c’est important !
L’humain et le climat, sont des valeurs d’avenir. Je compte bien proposer des recettes assez simples, du moins visuellement ; une simplicité dans l’assiette qui reflète surtout l’authenticité de notre démarche, avec une mise en avant des producteurs, des gens… J’ai acquis aujourd’hui la conviction qu’un étoilé, c’est une démarche, pas un produit.
C’est cela que le confinement nous aura appris : à repenser notre alimentation, manger se repense. Les gens ont cuisiné beaucoup ces derniers temps ils auront appris plein de chose et cela aussi est confrontant pour nous… En fait je veux moderniser l’expérience étoilée, sans perdre en excellence ou en exclusivité. »