Mosa Ballet School : à quoi ressemble la nouvelle école de danse de Liège ?

C’est à la très discrète Benjamine De Cloedt que l’on doit la création de la Mosa Ballet School, une école liégeoise qui ambitionne de former les étoiles de demain. À quelques jours de son lancement, nous nous sommes glissés dans les coulisses de cette nouvelle institution.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS LORRAINE WAUTERS ET OLYMPE TITS |

Le centre de Liège : jusqu’il y a quelques années encore, un bâtiment abritait le QG liégeois de la Banque Nationale de Belgique. Construit en 1968, ce petit bijou architectural de style moderniste méritait forcément un coup de frais. Tout est parti de ce bâtiment, plaisante Benjamine De Cloedt, la fondatrice la Mosa School Ballet, qui vient tout juste de démarrer ses activités.

Si la rénovation a été confiée au cabinet d’architecture liégeois dA, c’est Benjamine De Cloedt, elle-même, qui se charge de son aménagement. Cette école a une vocation internationale, pas juste liégeoise. Nous aurions donc pu l’implanter dans une autre ville, mais quand nous avons visité le lieu, le coup de cœur a été immédiat. On peut penser que nous avons fait les choses à l’envers, mais au final, on se rend compte que le fait d’avoir construit notre projet autour du bâtiment l’a clairement crédibilisé auprès des instances publiques et privées qui nous soutiennent, précise-t-elle.

Le directeur artistique Pedro Carneiro aux côtés de Damien Comeliau et Benjamine De Cloedt.

En tandem avec son mari, l’homme d’affaires et galeriste Damien Comeliau, Benjamine De Cloedt est donc en passe de concrétiser un rêve très personnel. Ma fille, aujourd’hui adulte, a été petit rat. C’est en l’accompagnant lors de ses cours et stages en Belgique et à l’étranger que j’ai pris conscience de la pression à la fois physique et psychologique qui pèse sur ces jeunes danseurs. La Belgique ne compte qu’une école de danse de renommée internationale. Il m’a donc semblé opportun d’en ouvrir une seconde. Nous comptons évidemment collaborer avec l’école d’Anvers tout en développant notre pédagogie propre.

Pour recevoir, former et entourer au mieux les élèves de 12 à 18 ans, qui rejoindront l’école à la rentrée 2022, la Mosa Ballet School a mis... les petits rats dans les grands. Nous avons conservé la structure du bâtiment, mais comme les hauteurs des plafonds ne nous permettaient pas d’y installer nos salles de danse, nous avons ajouté des annexes contemporaines qui accueilleront dix studios, précise Damien Comeliau. La structure d’origine – dominée par le marbre arabesco et le noyer d’Amérique –, abritera les dortoirs, le réfectoire et les bureaux de l’école. Des robinets aux lavabos en passant par certaines pièces de mobilier, tout ou presque a été récupéré. Quant aux interventions contemporaines, elles se veulent aussi discrètes que possible. Nous avons intégré des éléments en laiton qui donnent au bâtiment une dimension plus intemporelle, mais sans dénaturer l’âme de ce géant de 10 000 m2. La création du mobilier des chambres a été confiée à un collectif de menuisiers belges. Nous avons aussi veillé à concevoir un bâtiment écologique qui nous permette de réduire autant que possible nos dépenses énergétiques, ajoute-t-il.

Une école de l'excellence

Pour les élèves, qui seront auditionnés dès le mois d’octobre, tant en Belgique qu’à l’étranger, en vue d’une admission en septembre 2022, le quotidien à la Mosa Ballet School promet d’être rythmé. Après le petit déjeuner, les 115 jeunes danseurs (ils seront environ 35 dans la première phase du projet) suivront une matinée de cours dans une école secondaire toute proche. L’après-midi, après un repas pris à l’école, ils auront cours de danse : cinq à six heures en moyenne, du lundi au vendredi. Puis viendra l’heure des devoirs. Après le dîner, les plus mordus auront l’occasion de poursuivre leur entraînement physique et artistique en vue d’éventuels concours ou auditions. Les jeunes qui rejoignent ce type d’école affichent généralement une ambition démesurée. Ils sont prêts à tout pour devenir des étoiles. À nous de leur offrir le soutien nécessaire pour les aider à réaliser ce rêve, mais aussi de les préparer à un éventuel échec. D’où l’importance de combiner cours de danse et formation académique classique, précise encore Damien Comeliau.

Les jeunes danseurs ne se mettent aucune limite. Nous allons donc travailler avec des kinés, des podologues et des nutritionnistes pour les encadrer au mieux et prévenir d’éventuelles blessures et déséquilibres psychologiques. Les jeunes qui passeront la semaine à l’internat doivent se sentir comme à la maison, précise-t-il.

Et pour les jeunes danseurs et danseuses étrangers qui ne pourraient pas rentrer à la maison le week-end, le couple a déjà tout prévu ; des familles liégeoises bénévoles les accueilleront chez elles, les samedis et dimanches. Quant au minerval annuel, il se veut à la hauteur de la formation, donc relativement élevé : 6 500 € pour les Belges et 22 000 € pour les jeunes danseurs étrangers. Mais pas question pour les fondateurs de la Mosa Ballet School d’être taxés d’élitisme. Les jeunes qui réussiront les auditions, mais dont les parents ne pourraient pas financer l’inscription pourront, grâce, entre autres, à l’aide de mécènes privés, rejoindre l’école malgré tout.

Carrefour de danse 

Passionné de danse, mais aussi d’autres disciplines artistiques (Damien Comeliau est propriétaire d’une galerie d’art à Liège), le couple ambitionne de faire de la Cité ardente un carrefour de la danse. Si, depuis le décès de Maurice Béjart, la Belgique a un peu perdu de son aura dans ce domaine, notre pays reste une terre de danse. Nous envisageons donc, à terme, de fonder une sorte de Junior Company. Cette troupe prendra la forme d’un Master et permettra à nos diplômés et à de jeunes danseurs entre 18 et 22 ans issus d’autres écoles de se produire devant un public avant, peut-être, de démarrer une carrière internationale, précisent- ils.

En attendant, le couple a choisi, en guise de mise en bouche, de proposer un stage qui se tiendra à Liège en décembre prochain. Cette fois, nous accueillerons tous les jeunes danseurs, quel que soit leur niveau. Nous souhaitons ainsi offrir une vitrine à la Mosa Ballet School, faire la démonstration de notre approche pédagogique globale, mais aussi – pourquoi pas – dénicher de futurs élèves parmi les stagiaires les plus talentueux. Comme le rappelle Benjamine De Cloedt, la danse est à la fois un art et un sport de haut niveau, mais c’est aussi une discipline exigeante et ingrate. Sans un encadrement de premier plan, ce que j’appelle un “accompagnement dans la souffrance”, ces jeunes peuvent difficilement gérer de front études classiques et pas moins de 35 heures de danse par semaine.

Nommé directeur artistique de la Mosa Ballet School, le Portugais Pedro Carneiro prône, lui aussi, un enseignement sous le signe de la nuance. Ces vingt dernières années, j’ai enseigné la danse et dirigé plusieurs écoles. L’un de mes principaux objectifs est d’instaurer une ambiance aussi humaine que possible au sein de l’école. Qu’il s’agisse de technique pure ou du rapport que les élèves entretiennent avec leur corps dans une période aussi critique que l’adolescence, il est important de les encourager, plutôt que de se focaliser sur le négatif, précise-t-il. Il faut aussi encourager l’entraide entre les élèves. Dans un milieu aussi concurrentiel que la danse, c’est essentiel , ajoute-t-il.

Chaussons à son pied

Comme le précise Pedro Carneiro, l’univers de la danse repose sur des codes très précis. Surtout dans le registre du ballet. Aujourd’hui, plus aucune compagnie internationale ne se cantonne au répertoire classique. Notre école sera donc largement ouverte à d’autres disciplines, explique- t-il. En marge des cours de ballet et de danse contemporaine, l’école liégeoise met l’accent sur les cours de Pilates, de yoga ou de tai-chi ; des disciplines censées aider les jeunes danseurs dans la pratique de leur art et dans la quête d’un bien-être psychologique. Car dans le registre de la danse, chaque détail compte.

Quand il s’agit de trouver chausson à son pied, l’intervention d’un podologue est par exemple un passage obligé. L’objectif de la Mosa Ballet School : encourager et motiver pour faire de ces jeunes des hommes et des femmes accomplis, pas juste des athlètes de haut niveau. Cette dimension humaine est d’ailleurs le fil rouge de l’école liégeoise.

La Mosa Ballet School est liée à un projet sociétal. Baptisé Alors on Danse !, notre programme consiste à inviter des personnes souffrant de la maladie de Parkinson ou d’un handicap, mais aussi des détenus ou des pensionnaires de maisons de retraite, à suivre des cours de danse sous la supervision de nos professeurs, précise Damien Comeliau. Cette idée de transmission par le biais de la danse figure au cœur de notre ADN. Nous souhaitons que ces personnes, à l’instar de ce qu’on peut déjà vérifier dans d’autres institutions comme la Canada’s National Ballet School, prennent confiance en elles et guérissent de certains troubles par le biais de la danse. Nous sommes tous les deux convaincus que cette discipline détient des superpouvoirs. Qui ici, sont regroupés dans une super-école qui entend bien placer la Belgique sur la carte du monde dans le registre de la danse, dans le top 5 mondial.

Pour y arriver, la Mosa Ballet School doit non seulement offrir une formation de premier plan à ses élèves, mais aussi bénéficier des meilleurs espoirs du monde. Toutes les écoles ont cet objectif, précise Pedro Carneiro. Si nous voulons que nos élèves rejoignent un jour les plus grandes compagnies, il faut que notre école dispose de la meilleure aura possible. L’enseignement y contribuera, mais seul le talent des jeunes que nous accueillerons bientôt à l’école pourra faire la différence. J’espère d’ailleurs qu’un grand nombre de Belges tenteront leur chance lors de nos futures éditions.

L'adresse ? Mosa Ballet School, 12/16 place Saint-Paul, 4000 Liège. mosaballetschool.eu

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