Pierre Hermé

Pierre Hermé : comment devient-on la star mondiale du macaron ?

Le pâtissier, qui vient d’ouvrir une boutique à Luxembourg, nous reçoit dans son QG parisien pour évoquer son incroyable carrière, sa passion pour l’art et le design, ses plus jolis souvenirs sucrés et… ses affinités belges.
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Juillet 2024. Pierre Hermé est un homme pressé. Quand il nous reçoit pour un long et chaleureux entretien dans son bureau du XVIIe arrondissement parisien, celui que la presse internationale a baptisé le « King du macaron » ou le « Picasso de la pâtisserie » planche déjà sur ses collections de… Noël 2025. À peine avons-nous franchi la porte qu’une délicieuse odeur de pâte sablée, tout juste sortie du four, nous titille les narines. À moins qu’il ne s’agisse des abricots compotés qui décorent des tartelettes « encore top secrètes », que son équipe développe dans le laboratoire de la maison française.

Un étage plus haut, juste à côté du bureau de celui dont le nom est entré au Petit Larousse en 2016, une mini et sympathique équipe rassemblée autour d’une jeune styliste culinaire photographie sous tous ses angles un Montbello, un biscuit dacquoise, crème à la pistache et fraises fraîches. L’ambiance est studieuse, mais détendue. Le moment idéal pour débuter cette interview.

Comment devient-on la star mondiale du macaron ?
J’ai découvert le macaron lors de mon apprentissage chez Lenôtre en 1976. Et pour être tout à fait honnête, au début, je n’aimais pas trop ça. Plus tard, lorsque je suis devenu chef pâtissier, j’ai décidé de lui donner plus de goût et une saveur moins sucrée en amplifiant la garniture. Par la suite, j’ai imaginé des associations de saveurs capables de sublimer encore davantage ce petit gâteau de 20 grammes. Mon premier succès, c’était le Mogador à base de chocolat au lait et de fruit de la passion. L’autre élément qui a contribué au succès de ce produit, c’est l’emballage. En créant un joli contenant, nous avons donné envie aux gens de l’offrir. À la place de fleurs, par exemple. Quand on s’invite dans le registre de la haute pâtisserie, chaque détail compte : le produit, son habillage, le service en boutique…
En parlant de boutique, la manière de vendre des gâteaux a-t-elle beaucoup changé depuis le début de votre carrière ?
Ce qui change, c’est l’offre qui, dans certaines de nos boutiques, comprend l’ensemble de notre univers : gâteaux, chocolat, macarons, épicerie fine, alors que dans d’autres, comme notre nouveau magasin, Infiniment Chocolat, sur le boulevard des Capucines à Paris, nous racontons notre histoire au travers d’un seul produit. Et quand nous nous invitons dans un hôtel (La Mamounia à Marrakech, le Park Hyatt de Niseko ou le Ritz-Carlton de Kyoto), il faut tenir compte de l’architecture du lieu. Depuis toujours, nous faisons appel à des designers qui cadrent avec l’air du temps : hier, André Putman pour un salon de thé au Japon et aujourd’hui, Laura Gonzales pour notre café de la rive gauche à Paris.
Un café où vous servez d’ailleurs aussi des mets salés. Un exercice qui vous amuse ?
Pour cette carte, j’ai travaillé avec Anaïs Dutilleul, une jeune cheffe qui, détail amusant, cuisine comme un pâtissier, dans le sens où, chose très rare dans le métier, elle pèse tout. Quand nous développons une nouvelle recette, elle est capable de me dire, au gramme près, combien d’ail elle contient. Nous parlons la même langue (il sourit).
Le métier de pâtissier tel que vous l’envisagez présente beaucoup de points communs avec l’univers de la haute couture. Ne serait-ce que vos dessins, préludes à vos recettes les plus mythiques. C’est à partir de ces croquis esquissés au marqueur (avec un talent qui n’est pas sans évoquer Karl Lagerfeld) que tout démarre ?
En effet. (Il sort d’un tiroir de son bureau plusieurs piles de feuilles remplies de croquis, de notes et de débuts de recettes. Parmi eux, une jolie fleur, point de départ d’une guimauve inspirée d’une œuvre de l’artiste Joanna Vasconcelos). Si je dois imaginer un dessert ou un macaron sur mesure pour un client privé, tout commence par une discussion. Quand mon idée est au point, je la traduis sur papier. Puis, mon équipe réalise un premier essai, que nous corrigeons en adaptant certains détails techniques. Nous développons environ 150 nouvelles recettes par an, mais il nous arrive aussi de retravailler certains gâteaux existants pour qu’ils conservent leur modernité.
Le bureau dans lequel nous nous trouvons témoigne de votre passion pour le design. Une passion qui se traduit dans l’esthétique très léchée de vos gâteaux. Parlez-nous de vos sources d’inspiration ?
Cela fait plus de 30 ans que je discute et collabore avec des architectes, des fleuristes, des designers ou encore des parfumeurs… Quand j’imagine de nouvelles recettes, je ne me fixe aucune limite. J’ai récemment découvert la saveur qu’on peut obtenir en écrasant des bourgeons de sapin. Cet hiver, je proposerai donc un macaron au poivre de sapin et au miel. J’ai aussi imaginé une nouvelle recette à base de truffe noire et de pain Poilâne grillé. Je me suis même amusé à marier des graines de courge caramélisées (comme un praliné) à l’acidité du citron…
Désormais, les pâtissiers de talent sont considérés comme des stars. Ça n’a pas toujours été le cas ! D’où vient ce changement ?
Avant, les chefs occupaient le devant de la scène. Ce qui a tout changé, c’est l’avènement des réseaux sociaux. En photo, un mets sucré est nettement plus appétissant qu’une viande, même délicieuse (il sourit). Les émissions de télé ont aussi beaucoup aidé à donner la parole aux pâtissiers.
Vous qui avez la parole justement, quel regard portez-vous sur le métier et sur son avenir ?
On parle beaucoup de pâtisserie végétale, mais à ce stade, la demande reste faible pour ce type de produits. Pour qu’un dessert soit plébiscité, il faut qu’il soit bon et beau. Jusqu’ici, la pâtisserie végétale manquait de panache. Les gens ont en outre tendance à penser qu’une gourmandise raisonnée est juste allégée en sucre. C’est sans compter les lipides qu’il faut également réduire. Cela dit, on y travaille depuis longtemps. Si je compare notre crème anglaise avec celle qu’on préparait chez Lenôtre, elle contient 50 % de sucre en moins.
Quand on pense à la cuisine généreuse et réconfortante de nos grands-parents, on ne peut qu’évoquer les traditions liées au terroir français. Vous êtes né à Colmar dans une famille de boulangers-pâtissiers. Que vous reste-il de vos racines ?
L’Alsace, c’est ma madeleine de Proust. Je reste évidemment très attaché aux saveurs de mon enfance, mais désormais mon horizon s’est élargi. J’aime m’inspirer des ingrédients propres aux cultures pâtissières d’Amérique du Sud (Brésil ou Colombie), mais aussi du Japon. Prenez le yuzu, par exemple. En quelques années, ce fruit au goût typique s’est fait une place de choix dans nos recettes occidentales.
Pour vous, l’avenir, ce sont vos nouveaux projets, dont ces boutiques et cafés qui ouvrent partout dans le monde. Vous venez d’ailleurs d’en inaugurer une nouvelle à Luxembourg. Quel lien entretenez-vous avec ce petit royaume et, par extension, avec la Belgique ?
D’abord, j’aime les Belges car ils sont très épicuriens. Et puis, vous avez de très bons pâtissiers. J’ai ainsi connu Pierre Marcolini chez Wittamer. À l’époque, il était apprenti pâtissier. Quand il a fondé sa maison quelques années plus tard, il m’a demandé conseil pour la création de son logo. Résultat ? Nos deux logos ont été imaginés par la même personne (il sourit). C’est peut-être ce qui explique notre succès…
Ou alors, c’est le talent ! Vous connaissez d’autres Belges ?
Oui, Jean-Philippe Darcis…
Un natif de Verviers, l’un des maîtres de la tarte au riz. Vous connaissez ce dessert ?
Évidemment. J’ai même imaginé une tarte aux pommes et au riz au lait, qui s’en approche un peu (il sourit) !

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