Connaissez-vous le Vin de Liège ?

Créée voici dix ans, la coopérative Vin de Liège produit ses propres crus, qui séduisent particuliers et tables étoilées. Un succès grandissant, à l’image de celui de la viticulture belge. Portrait.

Par Sigrid Descamps. Photos Vin de Liège. |

Relancée dans les années soixante, la viticulture belge connaît un véritable essor en ce XXIe siècle. Si les néophytes qui lançaient jadis leur production étaient vus comme de doux rêveurs, aujourd’hui, l’attention portée à nos cuvées s’est accrue. De hobby, la production de vin belge est devenue plus pointue, plus professionnelle. On compte désormais quelque 200 vignobles en Belgique, de nombreux amateurs, mais surtout, une vingtaine, comme la coopérative Vin de Liège, qui en a fait son core business. 

Rien ne pousse… sauf la vigne !

Si vous vous baladez du côté de Oupeye, Bassenge, Heure-le-Romain, ne vous étonnez pas d’y voir s’étendre des hectares de vignes, et au cours de ces derniers jours, des dizaines de personnes occupées à y cueillir le raisin. L’heure des vendanges a en effet sonné sur les hauteurs de la cité ardente. « Elles ont démarré le 3 septembre et se répartiront jusqu’à la mi-octobre, commente Alec Bol, administrateur délégué de Vin de Liège. La première cuvée issue de ce millésime verra le jour vers mai 2021. » Une production qui devrait dépasser les 115 000 bouteilles. Pas mal pour une histoire qui a débuté par une boutade : « En 2008, le président de notre conseil d’administration, Fabrice Collignon, s’occupait de l’asbl La Bourrache, qui oeuvre à la réinsertion de chômeurs longue durée via une formation au maraîchage. Interpellé par la faible production de légumes par rapport à l’espace cultivable dans les hauteurs de Liège, il s’est vu expliqué par un maraîcher que les terres étaient trop pauvres pour y faire pousser quoi que ce soit sauf peut-être… des vignes ! ». Titillé, cet amateur de vin y a vu là un défi à relever. Et après deux ans d’étude de faisabilité, il a créé la coopérative viticole, fin 2010. Avec d’autres épreuves à franchir…

Ni terres, ni argent, ni savoir

Alec Bol : « Ce n’était pas une mince affaire : nous n’avions pas les connaissances, pas de terres, pas d’argent ! » Pour pallier le premier manque, la société a donc fait venir l’oenologe parisien Romain Bevillard pour gérer la partie technique, l’analyse des sols, le choix des cépages… En charge de la culture de la vigne et du suivi des vinifications, l’expert français, qui n’est jamais reparti dans l’Hexagone, est devenu l’un des acteurs clés du projet. « Mon nouveau défi, c’est de le convaincre de prendre la nationalité belge, qu’il devienne un vrai Liégeois ! », plaisante Alec.

Côté financement, pour que le projet soit viable, il fallait des investissements importants, pour planter les vignes, installer le chai, acheter le matériel, payer la main-d’œuvre, etc. « Vu notre engagement dans le social, l’idée d’une coopérative citoyenne s’est imposée, avec des privés qui ne travaillent pas la vigne, mais qui s’impliquent dans le projet par le biais d’activités connexes : ateliers, séances de dégustations, conférences… On visait un million d’euros, plus de 2000 coopérateurs ont participé et on en récolté 3.2 ! »

Dernier challenge, de taille : la recherche des terres. « Là aussi, ce fut laborieux, explique Alec Bol. Il a fallu identifier des parcelles propices à la plantation de vignes et négocier avec les propriétaires pour les louer ou les acheter. Ce fut long et harassant, mais avec tout de même un avantage : on a pu choisir nos terres. En Belgique, beaucoup de vignobles sont plantés sur des terrains que les gens possèdent déjà et qu’ils décident d’exploiter dans ce sens, mais qui ne conviennent pas forcément à la viticulture. Le fait d’avoir dû trouver nos terres est finalement devenu un avantage : on a pu viser les plus adaptées au projet. On a démarré avec dix hectares, on en possède aujourd’hui seize, répartis sur six parcelles. »

Un accueil de plus en plus chaleureux

La première plantation eut lieu en 2012, les premières vendanges, en 2014. Le premier vin blanc fut lancé en 2015, avec une production de plus de 25 000 bouteilles. « Pour devenir rentables – ce que nous ne sommes pas encore, mais nous rentrons dans nos frais -, nous devons atteindre 100 000 bouteilles. L’an passé, nous étions encore en-dessous de ce chiffre, mais on devrait l’atteindre cette année et on vise 115 000 pour 2021. » Le premier rouge fut, lui, lancé en 2017. L’un et l’autre, avec un accueil partagé.  « Vous connaissez les Belges, ils ne sont pas toujours fiers de ce qu’ils font ! », rit Alex. Néanmoins l’intérêt grandit aussi bien auprès des privés que des restaurateurs. « L’accueil des vins belges a évolué au cours des dernières années, notamment sur les crémants. Un changement lié entre autres au succès de maisons comme Rufus et Chant d’éole. Avant, on ne pouvait pas prétendre vendre nos crémants, même si la qualité était au rendez-vous, au prix d’un champagne, aujourd’hui, si. Pour les vins tranquilles (sans bulles, NDLR), l’accueil est bon, surtout avec les blancs, mais il reste des a priori. Beaucoup se demandent si on tient la route. En fait, l’accueil dépend aussi du niveau d’ouverture des gens. Et c’est encore plus compliqué avec les rouges car le climat n’est pas idéal pour en produire en Belgique. Autant les vins blancs ont besoin de fraîcheur, autant les rouges ont besoin de chaleur et de lumière. Ceci dit, en Belgique, la météo s’est montrée propice en 2017 et 2018. On l’a bien senti sur les cuvées qui ont suivi. » 

100% belges et bio

Aujourd’hui, la coopérative peut se targuer d’une belle sélection : sept vins blancs, deux rosés, trois rouges et deux effervescents. Tous bio. « On a visé la certification biologique dès le début et on y tient, même s’il faut avouer que ce n’est pas un argument essentiel pour nos consommateurs, qui recherchent avant tout un vin de qualité. Néanmoins le côté bio est un plus. ». Tous aussi, 100% belges. « Les raisins poussent et sont récoltés ici, et toutes les étapes de la production sont effectuées dans notre chai, à Heure-Le-Romain. Le vin n’en sort à aucun moment avant d’être vendu. Et encore, une grande partie est vendue sur place. » Une belgitude que la maison pousse de plus en plus loin : « Les bouteilles et les barriques viennent de France ou d’Allemagne, mais nos bouchons sont belges, et bientôt, nos tonneaux le seront aussi car on va travailler avec un jeune tonnelier belge en plein développement.»

Reconnaissance trois étoiles

Une des réalisations de Vin de Liège est à la carte de Hof Van Cleve, le seul restaurant trois étoiles du pays. Il s’agit de l’apéritif meuZenne, un mélange d’un crémant et d’un lambic de la brasserie Den Herberg, élaboré avec le sommelier Andy De Brouwer (du restaurant Les Eleveurs, à Halle). 

Vin de Liège, 64 rue Fragnay, 4682 Heure-Le-Romain. 
vindeliege.be

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