Karen Shu, la cheffe qui aurait rendu Beyoncé vegan, ouvre son restaurant à Anvers

Meghan Markle, Michelle Obama, mais aussi Beyoncé (qu’elle aurait convertie à la cuisine végétale) : autant de figures connues, qui ont succombé aux assiettes de cette cheffe de 38 ans, à la tête d’une nouvelle adresse du sud d’Anvers. Rencontre avec une antistar qui, après s’être damnée pour les Mac & Cheese, revisite la chantilly de nos grand-mères.

Par Marie Honnay. Crédit photo : D.R sauf mentions contraires/Photonews |

Dans la cuisine - très - ouverte de son nouvel espace anversois baptisé AND/OR, la cheffe américaine travaille sans filet. Hormis pour quelques tables installées devant les fenêtres de son restaurant au décor chic et minimaliste, la majorité des convives sont placés autour du comptoir, à la hauteur des assiettes précises et délicates de Karen Shu. Concentrée, dans sa bulle, la cheffe semble en communion avec les plats qu’elle envoie à un rythme cadencé sans pour autant paraître stressée. Quelques jours avant cette rencontre, Karen Shu était à Los Angeles, où elle a cuisiné pour une after party hollywoodienne organisée juste après la cérémonie des Oscars. Et si l’identité des heureux commanditaires de ce festin végétal est restée secrète, des noms circulent, dont celui de la chanteuse de R’n’B la plus célèbre du monde.

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Vous êtes née aux Philippines, mais vous avez grandi à New York. Pas vraiment la patrie de la cuisine saine. Si ?

À la maison, ma mère m’a toujours préparé des repas sains. J’ai été éduquée dans une culture de la cuisine végétale. Mais depuis mes 18 ans, je suis obsédée par la nourriture. Après quelques mois à l’université, j’ai réalisé que les études, ce n’était pas mon truc. Entre deux cours, je passais mon temps à demander à mes copains leurs bons plans pour manger, par exemple, les meilleurs dumplings de la ville. Je pouvais passer une heure dans le métro pour tester une adresse qu’on m’avait recommandée. J’avais des fixettes : goûter toutes les marques de céréales du marché ou ne manger que des Mac & Cheese pendant une semaine. Malgré les appréhensions de mon père, ingénieur, qui me rêvait plutôt médecin ou avocate, j’ai suivi des cours de cuisine à New York.

C’est à ce moment que vous êtes devenue végane ?

Je ne le suis pas (elle sourit). Je mange de la viande, mais très peu et seulement lorsque je sais exactement d’où elle provient. Ma femme, Tatiana (née dans une famille de diamantaires, créatrice de bijoux, mais aussi végane convaincue et experte en vins) ne mange pas de viande, mais, jamais, elle n’a essayé de me convertir. Nous passons beaucoup de temps à Bergerac, où sa famille possède une maison. Sa mère cultive un grand jardin. L’occasion pour moi de rester connectée à la nature. Ma chance, c’est que le rythme des saisons est le même ici qu’à New York. Ce qui me manque, en revanche, ce sont les marchés fermiers qu’on trouve à New York et en Californie. Avant de décider ce que je mets à la carte, j’aime voir, choisir, sentir... Je suis assez tatillonne. Si je demande des têtes de brocoli de la taille de mon poing, la référence, c’est mon poing, pas celui de quelqu’un d’autre... Si vous voyez ce que je veux dire !

Dès vos débuts dans les cuisines des restaurants new- yorkais, vous avez toujours été la bonne élève de la classe...

Dès l’âge de 19 ans, j’ai appris la cuisine française dans les meilleurs restaurants de New York. Une autre époque : quand les chefs hurlaient sur un membre de la brigade ou que les assiettes volaient en cuisine - aujourd’hui, pour moins que ça, on leur ferait un procès (elle sourit) -, je me faisais toute petite et je bossais deux fois plus pour faire la différence. Et lorsqu’un cuisinier se faisait dégager de son poste en plein service et que je devais reprendre le sien en plus du mien, c’était difficile, mais j’ai pris sur moi. Je suis rapidement devenue sous-cheffe, puis cheffe d’un des restaurants du chef étoilé français Jean-George Vongerichten.

C’est là que vous avez commencé à côtoyer des célébrités, dont Michelle Obama...

Vous savez, pour moi, cuisiner pour une personne célèbre ou pour un client anonyme, c’est la même chose. Mais quand on évolue dans ce milieu, on est amenés à participer à différents évènements. De fil en aiguille, sans rien forcer, on fait des rencontres. Chez Jean-Georges, j’ai appris à mettre le légume au cœur de chaque assiette. Pour un cuisinier, un légume est vecteur de beaucoup plus de créativité. Vous pouvez le cuir à la vapeur, le sauter, le frire, le servir cru ou en purée. Si vous ajoutez du sumac à un plat d’asperges, vous obtenez une saveur citronnée totalement inédite. Pareil si vous twistez une recette d’artichauts avec des échalotes croustillantes.

En comparaison, la viande offre un petit terrain de jeu. Et jouer, vous aimez ça ! Vous devez en bluffer plus d’un avec votre crème chantilly qui, en fait, n’en est pas du tout...

Sur ma carte actuelle, je propose un gâteau nappé d’une crème fouettée, que je monte avec de l’eau de cuisson de petits pois et du sucre vanillé. Pendant la pandémie, j’ai été engagée comme cheffe privée. J’ai suivi une famille du Qatar dans tous ses déplacements. C’est là que j’ai été mise au défi de cuisiner chaque jour un dessert végétal différent. J’ai adoré changer de pays en permanence. Arriver dans une nouvelle cuisine et devoir composer avec des produits et du matériel qu’on ne connaît pas, c’est très motivant. Pareil quand on est engagé pour de grands évènements à Hollywood. On doit souvent construire nos cuisines en partant de zéro. La plupart du temps, on est plus de vingt chefs pour un seul grand dîner. On travaille souvent 25 heures d’affilée, sans pause.

Vous êtes une athlète, en fait !

Quand je cuisine, j’essaye toujours d’aller un pas plus loin, de repousser mes limites. Un peu comme quand vous enchaînez des longueurs dans une piscine. Vous vous dites : Je suis épuisée, mais j’en fais encore une, juste pour sentir que je me rapproche petit à petit du but que je me suis fixé. C’est cet effet que je recherche... Quand je mange, je déteste m’ennuyer. Et puis, les légumes, c’est beau et coloré. Essayez de faire la même chose avec un morceau de steak tout brun (elle sourit). Face à une assiette, nous sommes comme de petites abeilles. On recherche ce qui est joli, sain et qui nous fait du bien.

C’est pour nous faire du bien que vous construisez vos menus à l’envers ?

Je commence par de grandes assiettes de salade. Puis au fur et à mesure du repas, quand les produits sont plus nourrissants et rassasiants, je réduis les portions. Et pour mes desserts, je fais en sorte qu’ils soient le moins sucrés possible. En fin de soirée, j’aime quand les gens sortent de mon restaurant l’estomac léger.

Dans votre cuisine, certains détails ne trompent pas. Comme cet évier placé au-dessus de la plaque de cuisson...

Ajouter de l’eau aux produits qu’on cuit à la vapeur permet d’obtenir une texture crémeuse. J’ai placé un autre point d’eau à hauteur du plan de travail. Comme je n’utilise pas de gant en plastique, je me lave les mains en permanence. J’aime travailler face aux gens, en toute transparence. J’apprends aussi à mon équipe à communiquer avec les clients, à leur transmettre une émotion. Pour moi, ça fait partie de ma mission de transmission. Les petites guerres d’égo ne m’intéressent pas. Tout comme les feux des projecteurs.

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