Le Manolo Madrid, le paradis des tapas

Au cœur de Namur, un chef nous a littéralement fait rêver d’être réincarnés en lentilles pour finir notre vie lovés contre une joue de porc ibérique. On a rarement — voire jamais, soyons honnêtes — goûté une cuisine espagnole aussi excitante en Belgique. Ici, au Manolo Madrid, on rigole beaucoup, mais pas avec la qualité des produits.

PAR FLORENCE HAINAUT ET CARLO DE PASCALE. PHOTOS D.R. |

Je garde de mon adolescence namuroise un souvenir assez ému de la rue des Brasseurs. Elle est associée à l’image et à l’odeur de ce qui se passe inévitablement quand on boit plein de bières. C’était un peu glauque et très festif. J’y ai passé des moments délicieusement décadents.

L’autre soir, j’ai eu un peu de mal à reconnaître le quartier : des bars à vins, des jolis magasins de déco scandinave, des restaurants du genre cantine... non, les cloaques ne sont plus ce qu’ils étaient.

Le lieu

À deux pas de chez Vino Vino, dont on nous a dit le plus grand bien aussi, on pousse la porte de Manolo Madrid. Un grand comptoir d’une vingtaine de couverts qui entoure une cuisine ouverte, un canapé pour boire du vin assis en tailleur, un grand mur carrelé qui fait office de menu, une jolie suspension en osier ajouré qui donne à l’endroit un cachet disco-cocooning (je dépose de ce pas le concept) et du papier peint avec des petits cochons ibériques.

Et puis surtout, le chef. Lumineux, charismatique, drôle, passionné, sa cuisine est aussi une scène, ses clients sont des spectateurs, et sans jamais trop en faire, il en joue, ce qui fait la moitié du charme du lieu. À propos d’adorer, Luis Manuel Garcia aime tellement le porc ibérique qu’il en a au moins deux tatoués sur le bras gauche.

Sans vouloir vous dévoiler tous les secrets de sa peau, il aime aussi beaucoup le poulpe. Peut-on vraiment mal cuisiner le mollusque à ventouses quand on le vénère au point de se l’encrer ?

Les plats

C’est donc le premier plat sur lequel nous nous accordons. Carlo vous le répète assez souvent, "choisir c’est renoncer", et renoncer je déteste ça. La bestiole est préparée à la galicienne, soit froide, en petits morceaux, avec des pommes de terre, du pimenton (du paprika, mais en meilleur) et de d’huile d’olive.

Mais quelle huile, les amis (bruits de sauçage de plat à grands coups de pain). C’est un début de repas en fanfare. Si tout est aussi bon, pas sûre que mon cœur tienne le coup.

Pour les lentilles pardinas (une super variété qui se transforme pas en purée à la cuisson) au chorizo et jambon ibérique, merci de copier-coller l’affolement décrit pour le plat précédent. Le chorizo frais poêlé  nous rappelle que les tranchettes grasses de saucisson orange ne méritent pas de porter le nom de ce produit tout droit descendu du ciel et la poêlée de couteaux à l’ail nous ferait presque trouver à ces coquillages un physique gracieux.

Arrive l’estopado (ça veut dire “ragoût” mais ça fait plus chic en espagnol) de joues de porc al Rioja, et donc le moment précis où nous avons souhaité être réincarnés en lentilles, parce que, sincèrement, quel plus beau destin que celui de passer l’éternité collés à un truc pareil ?

Il y a un seul dessert : la crème catalane. La touche personnelle de Luis Manuel, c’est le soupçon de citron et de cannelle. Et Carlo, qui aime plus que tout casser les croûtes à la petite cuillère, a trouvé l’endroit parfait où s’adonner à sa passion.

Les boissons

À boire ? Si Carlo n’a rien contre les vins avec un peu de corps, je préfère de loin le côté “glouglou”, celui qui te fait dire que tu vas terminer la bouteille sans même y penser. Ça n’est généralement pas le fort des vins espagnols, du peu que j’en connais.

Le chef nous conseille un Rioja de 2017, qui non seulement répond parfaitement à ce critère, mais en plus est l’un des moins chers de la carte. Chefs et sommeliers qui conseillez des vins “pas hors de prix” : je vous aime. Les autres, prenez-en de la graine, merci.

Le verdict

L’addition d’abord : 105 € pour trois personnes, en faisant attention à ne pas choisir les plats les plus chers. On y retourne ? S’il fallait vraiment résumer le repas, on dirait “absolument affolant de maîtrise et de sincérité.” Donc oui, on y retourne. L’adresse est à vous faire tatouer.

Manolo Madrid, 50 rue des Brasseurs, 5000 Namur. T. 081 26 25 22. www.facebook.com/manolomadridbaratapas

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