Les accords surprenants du fromage et du thé

Qui a dit que le fromage était un aliment monogame ? Si le mariage heureux du vin et du fromage n’est plus à démontrer, le produit laitier s’associe tout aussi bien avec le thé. Un accord à découvrir, et plus encore en ce mois de tournée minérale.

Par Laura Swysen, Photos D.R. |

Si l’on en croit les adages, deux lois expliquent l’attirance. Les passionnés affirment que les opposés s’attirent tandis que les plus raisonnables s’accordent sur le fait que les esprits « qui se ressemblent, s’assemblent ». L’accord unique entre le thé et le fromage obéit à cette seconde philosophie. À l’instar de nombreux couples, qui se découvrent des points communs au fil des rendez-vous, le fromage et le thé partagent en effet bon nombre de particularités. Ils proviennent chacun d’une seule source unique, une plante (Camellia Sinensis) et le lait.

Le thé et le fromage parlent chacun de leur terre avec laquelle ils sont en lien étroit. Ils sont aussi le résultat d’un long processus de transformations successives. Ils portent tous les deux les traces de leur origine, explique avec enthousiasme Fabienne Effertz, une grande passionnée qui a écrit un livre sur le sujet (Fromage & Thé, éditions FCTV). Le fromage et le thé sont des produits de terroir et d’artisanat. Les deux possèdent un caractère humain. Derrière chaque tasse de thé ou chaque fromage, on retrouve la main de l’homme. Ils sont aussi le résultat de la fermentation. Pour les deux ingrédients, l’aspect sensoriel est important. C’est avec le nez que vous choisirez, dans un premier temps, votre thé ou votre fromage, confirme Isaline Lannoy, une experte en thé qui travaille au Cha-Hû-Thé, une maison de thé familiale qui possède deux adresses dans le Brabant Wallon.

 

Une question de feeling... et de tanins

Comme le vin, le thé regorge également de tanins, une des raisons pour lesquelles Fabienne Effertz  le recommande vivement pour ceux qui souhaitent profiter d’une soirée fromages sans alcool. Les tanins des feuilles de thé œuvrent dans le même sens que ceux contenus dans le vin avec cependant une différence de taille : l’accord avec le thé introduit un nouveau paramètre, celui de la température. La chaleur du liquide a un effet sur la désintégration de la pâte du fromage qui lui permet de libérer ses arômes et d’accentuer certains de ses aspects, tout comme elle agit sur les tanins du thé. Entre les deux, se vit une alchimie.

Comme tout mariage, cette association exige de suivre quelques règles. Pour un accord thé-fromage parfait, il faut miser sur des produits de qualité et savoir comment les servir. Avant d’associer les deux, il faut réussir à préparer son thé. Chaque thé se diffuse différemment dans l’eau. Il faut prendre en compte la température et la qualité de l’eau (en privilégiant une eau au pH neutre), le dosage des feuilles ainsi que le temps d’infusion. Évitez d’infuser votre thé dans trop d’eau ou de le servir dans des gros mugs à l’américaine. Préférez des petits contenants afin que les arômes soient plus concentrés, confie Isaline Lannoy. 

Côté choix, privilégiez les thés purs aux thés parfumés dont les arômes fruités ou fleuris risquent de perturber l’équilibre de cet accord. Il faut d’abord choisir des produits de qualité. Thé et fromage doivent être bien sélectionnés : bio, nature et en vrac pour le premier et au lait cru et artisanal pour le second, seul le lait cru sera garant d’une complexité gustative, explique Véronique Socié, qui a été élue Premier Fromager de Belgique 2016 et a ouvert avec Léo Begin La Fruitière, un établissement consacré au fromage au cœur de la capitale. 

Pour une dégustation optimale, il faut prendre en compte la température des aliments : le fromage doit être sorti du frigo au moins une heure avant d’être servi, le thé ne doit pas être bouilli et se boit tiède. Pour le déguster comme une pro : on boit une gorgée de thé, on prend une petite bouchée de fromage, on sirote à nouveau une lampée de thé, on laisse le fromage fondre sur la langue avant de l’avaler et de reprendre une autre gorgée de thé.

Si nos experts préconisent certains accords, tous s’accordent pour dire qu’il faut oser, car il n’y a, d’après eux, pas de mauvaises associations. « Il y a des accords plus justes que d’autres. Mais toutes les bouches ne sont pas ‘formatées’ de la même façon. Il ne faut pas oublier que la dégustation fait appel à notre mémoire et qu’en fonction de notre éducation, notre milieu, nos habitudes…

Nous ne percevons pas les choses de la même manière : l’amertume sera valorisée dans certains pays (par l’utilisation d’épices, de légumes amers par exemple) alors que dans d’autres contrées, c’est un défaut que l’on essaiera de masquer. C’est parfois difficile de se retrouver le temps d’un plateau de fromages. L’important, c’est d’être ouvert à l’expérience et au partage », conclut avec sagesse Véronique Socié.

fabienneeffertz.com
Cha-Hû-Thé, 155 chaussée de Bruxelles, 1410 Waterloo et 56 Grand-Rue, 1348 Ottignies-Louvain-la-Neuve.
La Fruitière, 99-103 rue du Marché au Charbon, 1000 Bruxelles.

Les accords gagnants d’Isaline Lannoy

  • Brie ou camembert & thé vert japonais torréfié type Hojicha
  • Pâte molle croûte lavée (munster) & thé sombre Pu Erh Shu
  • Pâte pressée non cuite (cheddar, mimolette) & thé sombre Pu Erh Shu
  • Pâte pressée cuite (comté, gruyère, emmental) & thé noir japonais (Miumori Koucha) ou noir fruité (Darjeeling).
  • Bleu & thé blanc léger ou thé noir franc (Sichuan ou Assam).
  • Tommes brebis & thé Wulong oxydé aux notes de bois, fruits, vanille, miel ou fleur.
  • Chèvre & thé vert japonais ou thé jaune.