Les mots du monde d’après Gilles Dal : « Détox »

Comme chaque week-end, Gilles Dal nous décrypte dans sa chronique un mot du monde. Cette semaine, place au mot " détox ". 

PAR GILLES DAL. PHOTO LAETIZIA BAZZONI Sarah Gualtieri on Unsplash. |

Détox, pour moi, c’est un mot magique : chaque fois que je l’entends, je me trouve aussitôt pris d’une irrépressible envie de me détoxifier, de me purifier, de libérer mon vaillant organisme des toxines sans scrupules scandaleusement affairées à le saboter de l’intérieur. Vite, vite, un jus détox, dont chaque gorgée éloignera les forces maléfiques de la malbouffe ingurgitée la veille ! Que ce jus bienfaisant exorcise mon corps, qu’il l’éloigne de ses funestes assaillants gras et sucrés, qu’il aide mes intestins à triompher du malin ! Ô jus détox, mon sauveur, gloire à toi, qui à la fois, me désaltère et me purifie : en te sirotant, j’étanche ma soif, tout en bénéficiant des bienfaits de la médecine douce ; breuvage des dieux, tu rafraîchis mon gosier, et tu raffermis ma constitution ; fusion parfaite du plaisir des sens et de la santé recouvrée, tu es le combo gagnant, le kit complet, l’invention que le monde attendait. À tel point (attention, pavé dans la mare) que je me demande s’il ne faudrait pas saisir la Cour européenne des droits de l’homme, afin d’y poursuivre les jus non-détox pour empoisonnement délibéré et non-assistance à corps en danger.

J’ironise, bien évidemment : je m’en voudrais de sombrer dans la facilité du sarcasme, mais enfin il se trouve qu’un débat assez vif secoue le monde de la détox, qui oppose (devinez quoi) ses opposants à ses partisans. Pour faire bref, les premiers voient dans la détox une vaste supercherie, tandis que les seconds reprochent à cette théorie de la vaste supercherie d’être elle-même... une vaste supercherie. Chaque camp reprochant à l’autre d’être un “gros naïf” et de se faire balader par une propagande sournoise. Celle de l’industrie agro-alimentaire pour les fans de détox, celle du wellness détox pour ses détracteurs. “J’ai raison, et les autres ont tort” : une configuration, somme toute, assez classique.

N’étant personnellement ni nutritionniste, ni médecin, ni spécialiste des toxines, je me verrais mal trancher dans le vif : mon avis en la matière figure sans doute parmi les moins intéressants qui soient (je m’y connais à peu près autant qu’en fission nucléaire ou en chirurgie cardiaque ; c’est vous dire). Par contre, je remarque que même les anti-détox reconnaissent qu’un produit détox ne fait pas de mal. Or, souvenons-nous du pari de Pascal : si Dieu n’existe pas, le croyant ne perd rien à croire, tandis que si Dieu existe, le non-croyant a tout à perdre. Donc, en déduit Pascal, autant croire. Ce pari, appliqué au jus détox, m’incite, on l’aura compris, à en boire. Ce que je pars faire de ce pas !

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