Cette habitude new-yorkaise au restaurant surprend les Européens

Cette petite "américanisation" surprend toujours les Belges et les Français qui visitent New York ou les États-Unis pour la première fois. Surtout parce qu'on ne la voit que rarement chez nous. Mais de quoi s'agit-il exactement ? 

Par Camille Vernin, Photo : Unsplash |

Les habitudes culinaires contrastent d'un continent à l'autre du globe. Si New York n'est sans doute pas la destination qui s'éloigne le plus de nos traditions habituelles au restaurant, la Grosse Pomme présente tout de même quelques extravagances pour un Belge ou un Français qui n'aurait pas été averti au préalable. Ne vous vexez par exemple pas de voir le serveur vous apporter l'addition alors que vous n'avez pas encore fini votre dessert, ni de voir vos plats s'enchaîner à une vitesse affolante. Le service, là-bas, dépend essentiellement des pourboires, ne vous sentez donc pas non plus oppressé si le serveur vient vous resservir de l'eau alors que votre verre est déjà rempli, ou s'il vous demande à plusieurs reprises si tout se passe bien, s'il peut retirer un élément de la table ou vous questionne même sur le plat que vous avez préférez. 

Cette mauvaise habitude à abandonner pour ne plus être fatigué tout au long de la journée :

De l'eau glacée, beaucoup d'eau glacée

Une habitude en particulier risque d'étonner les Belges en visite à New York. Tout juste êtes-vous assis, que l'on se précipite pour vous offrir un grand verre d'eau rempli à ras bord et rempli de glaçons. Une rasade d'eau glacée offerte gracieusement. Pendant ce temps, en Belgique, les établissements proposant une eau gratuite en carafe demeurent encore rares. La preuve avec cette carte qui répertorie tous les endroits de la capitale qui ont enfin adopté le mouvement. Pourquoi cette réticence chez nous ? Pour des raisons économiques, tout simplement. L'eau en bouteille représente une marge non-négligeable pour les patrons (on compte environ 1€ par verre). De plus, le fait de se voir offrir de l'eau d'emblée dissuade certains de la nécessité de commander d'autres boissons. 

Mais pourquoi les Américains sont-ils moins frileux sur la question ? D'abord parce que la coutume remonte à plus de 180 ans. Au début du XIXe siècle, l'eau minérale et gazeuse ainsi que les sodas commencent à se commercialiser dans les cafés américains. Jusqu'ici, on ne servait que de l'eau en bouteille, car celle du robinet n'était pas potable. "Ce n’est vraiment qu’en 1842 que l’habitude de fournir un verre d’eau gratuit s’est généralisée à l’ensemble des établissements. Cette pratique intervient au moment où l’approvisionnement en eau potable des villes de Boston et de New York débute", explique Jan Whitaker, chercheuse sur l’histoire des commerces et des restaurants aux États-Unis.

Jusqu'à la Prohibition

À cette époque, un journaliste new-yorkais met en avant une adresse qui, la première, offre une tasse d'eau bien fraîche pour accompagner une part de tarte à la citrouille à 4 cents. Mettre à disposition des verres d'eau potable gratuits devient rapidement un argument commercial pour attirer la clientèle. Les cafés et restaurants sont de plus en plus nombreux à s'y mettre. Le phénomène s'étend bientôt bien au-delà de New York, jusqu'en Dakota du Sud notamment. En 1919, durant la Prohibition, les protestants américains considèrent l’eau comme le seul breuvage "moral", parce qu’issu de la nature. "Ces derniers, ayant échoué à interdire la vente de bière et de vin dans les restaurants de style européen, ont installé une fontaine d’eau glacée et gratuite à l’entrée de chaque établissement. Dans l’opinion publique, la consommation excessive d’alcool en public était considérée comme l’apanage des immigrants et un signe de faiblesse de caractère", précise Jan Whitaker au French Morning

Mais pourquoi tant de glaçons ? D'abord parce qu'ils prennent de la place et permettent de faire des gains considérables sur les boissons. Quant aux raisons historiques et culturelles, elles divergent selon les historiens. L'histoire raconte qu'un riche homme d’affaires bostonien, Frederic Tudor alias "The Ice King", lança au début du XIXe siècle la fabrication d’énormes cubes de glace pour refroidir les boissons. Une idée révolutionnaire qui va rapidement rendre les Américains accros à la glace. À l’époque, la glace était réservée aux plus nantis. "Dans le Lower East Side pauvre à New York, vous aviez des vendeurs qui faisaient du porte-à-porte pour vendre la glace. Toutes les classes sociales ont commencé à en consommer. À la fin du XIXème siècle, il y avait des machines de production de glace dans toutes les grandes villes américaines", explique à ce propos Jonathan Rees, professeur d’histoire à Colorado State University Pueblo. Aujourd'hui, l'habitude est restée. Il s'agit tout simplement d'un geste d'hospitalité, comme apporter une corbeille de pain à table.

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