Créée en 2018 par Ken De Cooman, Nicolas Coeckelberghs, Laurens Bekemans et Wes Degreef, la coopérative BC materials (issue de l’entité BC architects & BC studies) promeut la construction en terre crue, moulée ou compressée sans cuisson, pour lutter contre l’énorme impact environnemental du secteur de la construction, second secteur polluant après l’alimentation. « Rien que le béton, ce sont déjà 6 % des émissions de carbone », précise Nicolas Coeckelberghs, responsable de la partie opérationnelle. Dans ce laboratoire permanent, on met au point des matériaux de structure, murs porteurs et parachèvement à partir de terres d’excavation. « À Bruxelles, deux millions de tonnes de terre, générées par les travaux, sont déblayées par an. En Belgique, on atteint 23 millions de tonnes. Les terres sont stockées dans des sites temporaires avant de servir aux enfouissements de carrières en Wallonie et même, jusqu’aux Pays-Bas. On cherche à s’en débarrasser, c’est un vrai problème urbain. Chez BC materials, on utilise des terres non polluées, avec des couches géologiques non remaniées, qui n’ont jamais vu la lumière », explique Nicolas Coeckelberghs.
Tout a commencé au Burundi, lorsque les architectes ont travaillé avec des matériaux locaux, utilisant des techniques de construction millénaires. Ils ont eu l’idée de transposer, en Belgique, les procédés expérimentés en Afrique. « Nous assurons aussi la transmission de nos savoir-faire avec des conférences, des stages de formation pour les architectes ou les artisans, des workshops… En 2024, c’est la première année que nous récoltons des bénéfices. Nous avons le projet de déménager dans une nouvelle usine. »
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Une gamme de produits diversifiés
BC materials est très attentive à l’évolution de son secteur, à l’utilisation de matériaux biosourcés et géo-sourcés, qui ne doivent plus être considérés comme marginaux mais composer une véritable alternative à la construction classique. « En Belgique, d’autres sociétés comme Hans Valkhoff, IsoHemp Office (qui propose des blocs de chanvre pour la rénovation et l’isolation), travaillent dans le même esprit. En Wallonie, Gramitherm fabrique des panneaux d’isolation en fibres d’herbe. C’est une véritable émulation profitant à tout le monde », continue Nicolas Coeckelberghs.
À la base de BC materials, le concept Léém, qui signifie « argile » en néerlandais et fait référence au limon argileux utilisé autrefois pour fabriquer du torchis. Briques en terre crue, pisé compacté, couche par couche dans un coffrage, blocs moulés (MEB) circulaires, blocs compressés (CEB) contenant 3,85 % de ciment stabilisateur, mais aussi enduits et mortiers… La gamme de matériaux offre également une grande variété de granulométrie. Les produits contiennent du sable du Bruxellien et des graviers de béton recyclé. Les couleurs naturelles correspondent aux teintes de l’argile utilisée. « Nous transformons, préparons les ressources et les mélanges avec des centres de recyclage. Les plus fins enduits et mortiers sont réalisés chez nous, non loin de Tour & Taxis ».
Les briques moulées en terre crue sont fabriquées près de Gand, à Audenarde, et les blocs compressés (trois formats), dans le Limbourg. « Cette externalisation de la production vers des partenaires industriels nous a permis de faire baisser les prix de 70 %. Les blocs compressés restent environ 25 % plus chers que les produits du marché. Mais le prix va encore baisser, contrairement aux matériaux classiques qui ne font qu’augmenter avec la crise énergétique ».
Une nouvelle gamme de peintures
Elle vient d’être commercialisée et sera revendue à travers le réseau d’enseignes proposant des produits écologiques comme Ecobati. Contrairement aux autres produits de la gamme Léém, plus techniques, cette nouvelle gamme de peintures peut être appliquée par les particuliers et bricoleurs. Déclinée en quatre couleurs (rouge, grise, blanc crème et ocre), elle se présente en poudre à diluer dans l’eau. Elle se compose de 10 % à 20 % d’argile venue d’Allemagne (teinte grise et blanc crème) et de Belgique qui lui donne ses autres couleurs. Le sable bruxellien lui offre sa texture. Plus épaisse qu’une peinture basique, elle régule naturellement l’humidité des murs et les nappe d’un joli grain. D’autres peintures de ce type ont été créées sur le sol belge comme celles de la marque Conscient… Plutôt que de parler de concurrence, chez BC materials, on parle de prise de conscience.
Entre architecture et design
Parmi leurs récents chantiers, la construction d’une tour d’observation de 12 mètres de hauteur, en pisé, tout près d’une ancienne carrière de graviers dans le Limbourg, avec la collaboration de l’agence d’architecture De Gouden Liniaal. Ce belvédère, qui propose une fin de vie biodégradable, surplombe la réserve naturelle de Negenoord. Sur le site de la fondation Luma, à Arles, un atelier de design et de recherche a été créé pour réutiliser les déchets agricoles et de carrière. Un bâtiment a été édifié. Des enduits acoustiques à base de tournesols ont notamment été mis au point, sur place. À Ixelles, BC architects & studies a aussi participé à la réhabilitation et à la réaffectation d’une ancienne caserne en bâtiments pour l’ULB et la VUB. Sans oublier, les projets privés et sur mesure, à Bruxelles, Nieuport, et ailleurs, ainsi que des interventions dans le domaine du design en collaboration avec des créateurs. La table Hors Sol a été réalisée avec Sonian Wood Coop, autre entreprise et coopérative bruxelloise qui promeut l’utilisation du bois local de la forêt de Soignes. Dans un esprit zéro déchet, les copeaux de bois de Sonian ont été mélangés à l’argile pour créer des pieds uniques en leur genre. Le matériau a été pressé pour former un cylindre. Poli, il est mis en valeur par la présence du bois en surface, faisant référence aux arbres enracinés dans la terre. Les deux sociétés ont commencé à collaborer sur le pavillon belge de la Biennale de Venise en 2023. Avec la galerie Maniera et le designer Bernard Dubois, c’est une lampe de table en pisé compacté qui a été mise au point.
Un chantier en cours
Pour la rénovation et la transformation du musée du design de Gand, qui devrait rouvrir fin 2024, BC materials a délocalisé son usine de production artisanale de briques. L’entreprise a installé une unité de fabrication dans l’ancien arsenal de Gand, où les modules, pressés à froid, ont séché naturellement en trois jours, avant de rester sous une couverture plastique durant trois semaines. En plus du verre clair recyclé concassé provenant de Gand, la brique se compose de calcaire, de ciment (nécessaire pour obtenir l’homologation, formé d’un béton de recyclage fabriqué à partir de sable très fin du Limbourg) et d’eau. L’extension du musée de Gand est le premier bâtiment de façade non porteuse, supporté par un squelette en bois, réalisé avec la collaboration de BC materials. 85 000 pièces ont été réalisées pour composer le parement de façade de l’extension du bâtiment initial classé. Le site du musée s’étend dans la rue adjacente pour devenir un vrai espace social de vie, avec un café et une terrasse. Les blocs de cette construction ont été homologués. Pour obtenir leur certification, la brique doit avoir été testée, trempée dans l’eau puis congelée, entre 25 et 50 fois, pour éprouver sa résistance. Cette précaution, dépassant les normes exigées, a rassuré les clients et financiers, un peu frileux. BC materials a aussi fabriqué un terrazzo avec une partie du bâtiment démoli.
BC materials, 104 avenue du Port, 1000 Bruxelles. T. 02.831.68.80. bcmaterials.org
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