Le chanvre, ça plane pour lui !

On le confond à tort avec la marijuana, mais si le chanvre a le pouvoir de nous rendre heureux, ce n’est pas pour la même raison que sa proche cousine. Green, sain et local, il se mange, nous habille, hydrate la peau et décore la maison. Focus sur une matière de plus en plus tendance.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS D.R. |

Parce qu’ils appartiennent à la même famille de plante (cannabis sativa), le chanvre et le cannabis dit “récréatif” sont souvent mis dans le même sac, à tort ! En effet, la différence entre les deux est le fruit de centaines d’années de manipulations génétiques qui, petit à petit, ont permis de créer deux produits distincts : l’un a des effets psychoactifs car riche en THC, et l’autre – celui dont on parle ici – est transformable en différentes matières premières: des graines, de l’huile ou des fibres à tisser. À présent , direction Liège, où Sébastien Moray et Romy Di Donato, un jeune couple en quête d’un nouveau défi professionnel, ont commencé à se passionner l’un et l’autre pour le chanvre.

La petite histoire

Il y a deux ans, après un passage par de grands restaurants (dont celui d’Yves Mattagne), Sébastien a eu envie d’explorer d’autres voies. La première idée de ce jeune chef trentenaire fut de créer une tisane à base de chanvre. Romy, designer industriel de formation, n’a quant à elle pas résisté non plus à l’attrait de la plante dont elle a vite perçu le potentiel. Au lieu de se contenter de créer une simple boisson, le couple décide d’ouvrir un concept store entièrement consacré au “chènevis”, l’autre nom du chanvre.

"Ce qui nous a séduits en premier, c’est que cette plante est une alternative durable aux cultures traditionnelles. Parce qu’il n’a besoin que de peu d’eau, qu’il se satisfait d’engrais organiques et qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser le moindre pesticide, il est facile à cultiver, très écologique et régénère la terre", nous explique Romy Di Donato.

Tombé dans l’oubli pendant très longtemps car remplacé par le coton dès le XIXe siècle, le chanvre n’est qu’au début de son come-back. À nouveau cultivé depuis 2009 en Belgique, il concerne actuellement 450 hectares de terres agricoles. C’est un bon début.

Du jean au linge de maison écolo

"Pour fabriquer un T-shirt en coton, il faut 4 000 litres d’eau contre seulement 350 pour le même en chanvre", poursuit Sébastien Moray enthousiaste. Une info qui ne peut qu’interpeller les gens soucieux d’écologie. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, les qualités de la plante ont toujours été reconnues. La preuve : le tout premier jean Levi’s de l’histoire était... en chanvre. Aujourd’hui, même le secteur de la construction s’y intéresse de près (pour créer des liants, notamment).

Et si la fibre ne sert plus à fabriquer des modèles 501, elle est utilisée pour créer des vêtements à l’aspect brut et au rendu très naturel, mais aussi du linge de maison. "Les marques que nous distribuons (dont Couleur Chanvre pour les draps, les kimonos...) sont de petites structures locales qui valorisent les produits “100 % chanvre”, l’artisanat local et qui utilisent des teintures écologiques", précise Sébastien. 

Sur les étagères de chez Marie-Jeanne à Liège (le concept store fondé par le couple), on trouve aussi une petite sélection de cosmétiques. Romy précise : "Notre choix s’est porté sur Ho Karan, un label breton vegan et bio qui mise sur le caractère ultra-nutritif de l’huile de chanvre, bien plus concentrée en acides gras essentiels que celle d’argan ou d’avocat et qui contient aussi de la vitamine E."

Cuisine interne

Désormais complètement convertis au chanvre, Romy et Sébastien veulent encore affiner leur concept. "Sébastien se concentre sur le volet alimentaire du végétal, moi sur mon premier métier, celui de designer. En marge des accessoires de déco que nous proposons au magasin, je lance une première collection d’objets en chanvre qui seront présentés cet automne à Liège dans le cadre de la triennale du design Reciprocity. À terme, je souhaite développer des pièces entièrement biodégradables tout en respectant la nature même de la fibre." 

"Nos recherches autour de la plante nous ont poussés à changer notre manière de vivre et à revoir notre mode de consommation. C’est une porte d’entrée vers de nouveaux choix de vie", nous confie Romy. Des choix qui se prolongent en cuisine, le domaine de prédilection de Sébastien. Après transformation (par des processus toujours réalisés au niveau local et artisanal), la graine de chanvre donne de la farine, de l’huile et des grains entiers ou décortiqués. 

"Après une seconde transformation éventuelle, celui-ci permet d’obtenir d’autres produits plus funs, comme des cookies, spaghettis, chocolats, mueslis, vinaigrette... Quant à notre premier projet, celui de créer une boisson, il s’est finalement matérialisé sous la forme d’une bière, la Marie-Jeanne, produite à Hombourg au sein d’une microbrasserie qui partage nos valeurs", raconte Sébastien. 

Conçue pour être dégustée avec le repas, cette bière fraîche aux notes herbacées et au goût très nature ne vous fera pas planer mais il est probable, en revanche qu’elle contribue à vous convertir à termes à la “chanvre mania”.