Les Brigittines, le restaurant belge du Sablon qui propose une cuisine traditionnelle royale

Quelques maisons deviennent des classiques en une génération. Il faut pour cela un chef, un propriétaire, qui insuffle en permanence son âme, son énergie, sa gourmandise et sa passion dans la cuisine et dans les lieux. C’est le cas des Brigittines, une maison que j’aime beaucoup et où je devrais emmener Florence plus souvent.

TEXTE : FLORENCE HAINAUT ET CARLO DE PASCALE. PHOTOS : MYRIAM BAYA. |

Les lecteurs de cette chronique savent qu’il nous arrive de découvrir des maisons, de vous en parler après un seul repas, d’être parfois très enthousiastes en une bouchée, comme il nous arrive de vous parler de restaurants où l’on s’attable souvent et avec lesquels l’un d’entre nous (aujourd’hui, c’est moi) a tissé des liens de gourmandise, voire déposé des souvenirs.

Et pour un plat cuisiné à la maison :

Le lieu

Nous sommes en plein centre-ville bruxellois, juste en-dessous du Sablon, en face de l’église de la Chapelle, à quelques mètres de la saignée de la fameuse jonction Nord-Midi. Le chef, Dirk Miny, nous accueille par une salve à l’adresse du plan Good Move (dont je pense qu’il devrait à terme bénéficier aux restaurateurs, même si je pense aussi que ces derniers devraient faire partie de ceux que l’on autorise à transiter dans le Pentagone) dans un restaurant “bourré massacre”, un mardi soir.

Le lieu, chaleureux, avec sa décoration Belle Époque caractéristique, bruisse de petites et grandes tables. Adel, qui travaille ici depuis des années, nous guide vers la nôtre, avec toujours le même entrain et le même sourire. Il y a ici un menu, certes, mais puisqu’on commence à connaître mes goûts, on est ici dans le prototype de restaurant où j’aime choisir à la carte et où, plus que tout, j’aime piocher dans l’assiette de Florence qui commandera autre chose. Eh oui, les menus ont ceci de triste que plus jamais tu ne tapes dans l’assiette de ta voisine, puisqu’on mange tous pareil, même si Florence ne partage pas cet avis, elle pour qui choisir, c’est renoncer, et en plus c’est fatigant.

Dans l'assiette

Ma partenaire de simple choisit en entrée une écrasée de pommes de terre qui dégouline de crevettes et d’une sauce parfaite au lait battu zuresaus (21,75 €) tandis que j’opte pour l’œuf à la russe (16,75 €). De un, on précise que l’œuf à la russe n’a rien de russe (nos voisins français parlent le plus souvent d’œuf mayo) ; de deux il est, horresco referens, “revisité”. Rassurez-vous, il est vraiment revisité pour le meilleur, puisque sur la macédoine croquante, légèrement liée à la mayonnaise, se pose un œuf poché puis pané et frit, au jaune coulant - je rappelle que le resto est plein de clients, la maîtrise des envois est d’autant plus appréciable - et de fait, cette entrée classique en sort comme rafraîchie, presque surprenante.

J’en profite pour caser une anecdote, de celles où Florence a du mal à me suivre ; limite les yeux levés au ciel. L’été dernier, à la demande d’un confrère québécois, Benoît Roberge, nous étions passés ici dans le contexte d’un tournage sur Bruxelles, ville souvent plus appréciée des étrangers que des Belges, il faut bien le dire. J’avais convaincu “mon” Benoît de prendre un vol-au-vent - ce jour-là garni de légumes croquants - accompagné d’une gueuze Cantillon. C’est là que j’ai vu de mes yeux ébahis, littéralement se dresser les poils (des bras) du confrère canadien, transporté par un frisson de joie. Dirk Miny lui-même m’avait parlé en 2014 (j’ai ressorti mes notes de l’époque) de “transe” lorsqu’il déguste une Cantillon au soleil de juin. T’as besoin de tout ce discours pour justifier ton choix ? Pas vraiment, mais cet épisode est toujours très vivant dans mes souvenirs de mangeur ; du coup, je reprends un vol-au-vent ce mardi, et comme c’est la saison des girolles, il est aux girolles. Ce plat est un petit cérémonial. Arrive une assiette avec la “vidée” (pas encore pleine, mais c’est du belge, la vidée devrait s’appeler de fait “la pas encore remplie”) puis, la garniture dans une casserole en cuivre, et en finition, une mousseline à la gueuze issue d’une deuxième casserole en cuivre. Les frites viennent couronner le tout, servies à l’écumoire depuis la passoire en alu. Une délicieuse mayo maison apparaît pour plus de bonheur encore. Florence a fait le choix presque sage d’une aile de raie vapeur (34,75 €) mais qu’on se rassure, elle vient avec un beurre aux câpres, et elle note qu’elle est particulièrement charnue et réussie au niveau de l’à point de cuisson.

On boit ? De la bière, une Rulle Triple, en 75 cl, aux arômes floraux de houblon, qui titre 8° sans taper tarifée 19,70 € de pur bonheur. Pas de dessert par contre, on a encore une semaine de boulot devant nous, mais nos souvenirs nous rappellent que la mousse au chocolat (sans sucre ajouté) est ici très bien torchée et que le chef a une passion pour le lemon posset, crème simplissime au citron.

Verdict 

Voilà, encore une fois la subjectivité la plus totale a parlé, totalement assumée, pour un lieu où on l’a dit, se mêlent souvenirs personnels, professionnels et gourmands. À l’heure où une certaine cuisine classique bruxelloise de qualité se fait rare, on la pratique ici sans contrainte et avec liberté, dans une transmission chaleureuse et sans hésiter parfois – attention, ça n’a rien à voir – à pousser en salle un petit disque de Boney M, ce qui va très bien à l’ambiance Belle Époque du lieu, croyez-nous !

L'adresse ? 5 place de la Chapelle, 1000 Bruxelles, lesbrigittines.com

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