Les troubles du sommeil sont-ils le mal du siècle ?

Ce vendredi 17 mars a lieu la journée internationale du sommeil. Selon l’Académie royale de Médecine, un Belge sur trois serait concerné par des troubles du sommeil. Quels en sont les facteurs ? Quelles sont les conséquences sur le quotidien et la santé ? Explications avec le Professeur Daniel Neu, somnologue et chef de service du centre de sommeil Delta à Bruxelles.

Par Audrey Morard. Crédit photo : Pexels |

Comment peut-on définir les troubles du sommeil ? 

"Quand on évoque les troubles du sommeil, on pense souvent aux insomnies. Or, il y en a bien plus que cela. Il y a environ 85 troubles du sommeil répertoriés dans la classification internationale des maladies de l’Organisation Mondiale de la Santé. Ils regroupent un ensemble de maladies et de syndromes qui sont surtout d’ordre neurologiques car liés aux activités spécifiques du cerveau durant le sommeil, mais aussi respiratoires comme les ronflements ou l’apnée du sommeil. Ajoutons à cela la narcolepsie et les parasomnies, avec les terreurs nocturnes ou le somnambulisme". 

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Le Belge est-il davantage touché par les troubles du sommeil ? 

"Il ne semble pas se différencier des autres citoyens européens. En revanche, on constate en général que la prévalence des insomnies est plus élevée dans les pays développés pour diverses raisons. Les personnes sont peut être de nature plus anxieuse et sont souvent préoccupées. Le cerveau est alors plus facilement mis en hyper-éveil. La fréquente surcharge pondérale est un autre facteur de risques dans l’apparition de troubles du sommeil de nature respiratoire. Nos modes de vie sont donc également à prendre en considération".

À quoi reconnaît-on une personne insomniaque ? 

"Le sommeil d’une personne insomniaque se caractérise surtout par son instabilité. Elle est fatiguée, pourtant elle n’arrive pas à s’endormir ou se rendormir après un éveil nocturne. Le sommeil est ainsi fragmenté : l’individu se lève au milieu de la nuit, se réveille trop tôt le matin ou se rendort peu de temps avant que son réveil ne sonne. Globalement, il y a déséquilibre entre les systèmes d’activation de l’éveil du cerveau et les systèmes soumis à ce qu’on appelle la “pression de sommeil”’. Un insomniaque perçoit son sommeil comme étant insatisfaisant et non récupérateur. Il est souvent très observateur du moindre changement et se préoccupe plus de sa santé. Il essaie fréquemment différentes solutions pour enfin trouver le sommeil : il se met au lit plus tôt, il prend des compléments alimentaires, se renseigne en pharmacie ou auprès de spécialistes. Cela peut aller jusqu’à l’obsession dans certains cas. C’est un peu le profil inverse d’une personne qui se prive véritablement de sommeil et qui ne s’en préoccupe souvent pas du tout". 

La privation de sommeil n’est donc pas une insomnie ? 

"Non, une personne qui se prive de sommeil retarde souvent son heure de coucher. Elle regarde des émissions tardives, passe du temps devant son ordinateur ou son GSM... Elle se couche souvent trop tard par rapport à ses besoins et par rapport aux heures de lever imposées (horaires scolaires et/ou de travail par exemple). Si l’heure du coucher se situe au-delà de minuit et qu’il faut se lever tôt le lendemain, la personne n’a souvent pas dormi plus de quatre ou cinq heures et cela de manière récurrente ! Conséquences, elle a de plus en plus de mal à se lever. Ce comportement est réitéré le lendemain, le surlendemain… À l’inverse de l’insomniaque, l’individu qui se prive de sommeil s’endort très facilement une fois au lit. Son sommeil est également bien maintenu toute la nuit. En général, il ne vient d’ailleurs pas consulter puisqu’il est conscient de sa manière d’agir vis-à-vis de son sommeil. Il le néglige en quelque sorte".

Le Covid a-t-il eu un impact sur le sommeil ? 

"Au début de la crise sanitaire, il y a vraisemblablement eu quelques répercussions plutôt positives sur le sommeil de certains. Les personnes étaient en partie moins stressées, car il n’y avait plus de déplacements professionnels par exemple. Mais cela a été de courte durée. L’homme est un animal social. Si on l’isole trop, le prive d’interactions sociales et perturbe son rythme biologique, il y a des conséquences indirectes sur le sommeil. Il n’a pas encore été mis en évidence des modifications spécifiques et directes des systèmes de sommeil à cause d’une infection liée au Covid".

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Quelles sont les conséquences d’une mauvaise qualité de sommeil sur la santé ? 

"Elles varient en fonction de la sévérité, de la durée et bien sûr du type de trouble. Une personne souffrant d’apnées du sommeil obstructives sévères est plus exposée à des risques de maladies cardiovasculaires, comme l’hypertension ou certains troubles du rythme cardiaque... Une mauvaise qualité de sommeil a également des répercussions neurologiques durant l’éveil, car le déroulement métabolique du sommeil n’est plus assuré normalement. Conséquences, il y a des problèmes de vigilance, d'irritabilité, de concentration et d’attention au cours de la journée qui peuvent aussi mener à des risques accrus d’accidents de la route. La personne qui se prive de sommeil augmente aussi son risque de maladies cardiovasculaires. Elle s’expose aussi à une prise de poids et une perturbation de son appétit. On remarque par contre que l’insomniaque arrive souvent à tenir (tout en souffrant) durant de longues périodes, malgré un sommeil compliqué depuis des mois voire des années. Certes, il est (très) fatigué, mais son équilibre biologique semble relativement maintenu pendant longtemps". 

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