L'interview zéro complexe de Laurence Bibot

La comédienne nous reçoit chez elle pour une rencontre qui lui ressemble : à la fois drôle et sérieuse, où l’on parle tour à tour d’amour, d’amitié, de vie, de mort, de travail, de famille…

Par Sigrid Descamps. Photos Ingrid Otto. |

Ixelles, un début d’après-midi. Laurence Bibot nous a donné rendez-vous chez elle, dans son « nid » douillet, meublé de pièces vintage colorées, dont les murs sont couverts de tableaux, de dessins, de photos de famille, de disques de ses enfants, Angèle et Roméo Elvis, dont les étagères sont remplies de livres, romans, B.D., livres d’art… Un lieu qui lui ressemble, lumineux et chaleureux. Le point de départ de notre conversation : le podcast « Zéro Mort », un feuilleton radiophonique qui imagine avec humour un drôle de futur, où les vieux ne meurent plus et où la jeunesse est menacée…

Notre rencontre en vidéo :

D’où vous est venue l’idée de ce podcast ?

Tout est parti d’une idée qui me trottait en tête depuis un moment : on vit de plus en plus vieux et je me suis demandée à quoi ressemblerait le monde si on repoussait de plus en plus les limites et qu’on ne mourrait plus ! J’ai songé à différentes déclinaisons, mais je n’écris pas assez bien que pour en faire un roman et je ne dessine pas assez bien que pour en faire une B.D. C’est Sébastien Ministru qui m’a alors suggéré de faire un podcast. La RTBF a aimé l’idée et j’ai développé le sujet. Et je trouve que c’est un bon format pour raconter cette histoire, juste via les sons.

Vous-même, êtes-vous une adepte de podcasts ?

Oui, j’en écoute pas mal, mais pas sous cette forme. Ici, je n’ai pas fait un podcast « à la mode ». C’est très anachronique. C’est un feuilleton, où plusieurs histoires s’entremêlent, évoluent, où les situations s’étirent jusqu’à l’absurde… Et le suivre demande une certaine attention ; ce n’est pas un podcast que l’on met en toile de fond. Plusieurs personnages interviennent - il y a six comédiens qui jouent -, il y avait tout un univers à installer, il y a un travail sur le son et sur le montage énorme.

La mort, la vieillesse sont au centre du récit. Vieillir, cela vous fait peur ?

Peur non, mais ça m’ennuie. Il y a les problèmes physiques qui vont de pair avec le fait de vieillir, mais ce n’est pas tant ça qui me gêne, c’est plutôt l’idée que l’on se dirige vers quelque chose qui se termine, savoir que tout va devenir plus compliqué, que je vais me retrouver en décalage avec les plus jeunes… Ce sont des idées que je n’aime pas et en même temps, c’est inéluctable. Pour l’instant, je n’essaie pas – pas encore en tout cas (rires) – de prétendre que je n’ai pas mon âge. Je n’ai pas touché à mon visage. Je me dis aussi que si je commence, je ne m’arrêterai pas car je ne serai jamais satisfaite. Pour l’instant, je garde tout en place, et je mène une vie saine, alors ça va (rires).

Pensez-vous qu’il est plus difficile de vieillir lorsqu’on est une femme ?

Oui, surtout dans les métiers de représentation, mais c’est aussi à nous de combattre notre propre ennemi, d’assumer nos rides, de voir notre visage changer… Bon, je vous dis ça aujourd’hui, mais je changerai peut-être de discours dans quelques années.

On retrouve aussi dans ce podcast des thèmes actuels : l’alimentation vegan, des dirigeants dépassés, la science remise en question… Comme si vous parliez de ce que nous vivons aujourd’hui de manière extrapolée…

Ah mais je pense qu’il n’y a rien qui ressemble plus à une période que les films de science-fiction. Quand on en regarde, on peut dire à quelle époque ils ont été tournés, car ils sont une loupe sur cette époque. Je pense que demain ressemblera plus ou moins à aujourd’hui avec plus de technologies ; ce ne sera ni pire, ni mieux. Je ne crois ni en un avenir utopique ni en l’apocalypse !

Votre vision est tout de même assez sombre, surtout pour les jeunes, qui se retrouvent sans emploi, sans avenir…

Là encore, c’est une loupe grossissante. On vit déjà plus vieux que les générations précédentes. Là, j’imagine des gens qui, comme ils ne tombent plus malades et ne meurent plus, deviennent indéboulonnables, et refusent par exemple de quitter le pouvoir, leur travail. Et dans ce cas, ce sont les jeunes qui trinquent car il n’y a plus de place pour eux. Ceci étant, je trouve qu’aujourd’hui déjà, les jeunes morflent ! Entre la crise climatique, la crise de l’emploi, le covid, ils vivent une période anxiogène.

Vous opposez les pro-tubes (les seniors passent dans un tube qui leur assure leur longévité, ndlr.) et les anti-tubes, on peut y voir une allusion directe à ce que l’on vit aujourd’hui ?

Oui, et je pense hélas que l’avenir nous réservera encore d’autres clivages que ceux que nous connaissons aujourd’hui. On voit de part et d’autres des gens s’accrocher à leurs croyances, quitte à mener une sorte de combat et à se disputer au sein même de leur famille. Je n’avais pas vu venir cela…

En images, Laurence Bibot nous accueille chez elle : 

Histoires de familles

Vous-même, comment avez-vous vécu la pandémie, les confinements, etc ?

J’ai la chance avec mon métier de ne pas avoir de routine. Ma tournée était quasiment terminée et donc, tout ne s’est pas écroulé comme cela a pu être le cas pour d’autres artistes. J’ai quand même connu une angoisse car il y a eu un moment où l’on ne pouvait même plus aller en studio pour enregistrer nos chroniques. L’idée de ne plus voir les gens, de me lever sans plus avoir un but précis, c’était déstabilisant, mais j’ai rebondi. J’ai proposé à La Première une séquence d’une minute par jour, un exercice qui m’a maintenue dans une activité créative et qui me permettait d’exorciser mes peurs. Quand on a la chance de ne pas avoir des tas d’autres problèmes à gérer, on se réinvente. Je me suis confinée avec Marka, et tout s’est bien passé. Lui aussi, est habitué à travailler seul chez lui, à avoir des semaines qui ne ressemblent pas aux autres… on n’a, au final, pas été trop déstabilisés.

L’humour, est-ce le point commun entre toutes ces familles, tous ces amis ?

Ce sont surtout tous des gens très chouettes ! Fred Jannin par exemple est l’un de mes plus vieux amis. Je le connais depuis que j’ai 19 ans. J’ai rejoint les Snuls à 21 ans. Fred m’a appris des tas de choses, m’a emmené dans des voyages initiatiques, il a été très formateur. Et consciemment ou inconsciemment, j’ai continué mon propre chemin avec ce que j’ai acquis avec lui et les Snuls, entre autres.  L’humour me lie également avec des gens plus jeunes comme Gilles Dal et Guillermo Guiz. Ce qui change avec eux, c’est que cette fois, c’est moi l’aînée. Avant cela, avec les Snuls, Le Jeu du dictionnaire, j’étais la cadette (sourires).

Vous êtes vous-même présente dans ce podcast, à travers les personnages que vous y jouez, mais aussi dans celui d’Elle, une jeune fille plus grande que la moyenne…

(Rires) Elle, elle est exagérément grande ! J’ai intégré ce personnage car j’aime l’intrusion du merveilleux dans le quotidien, j’aime les contes… Pour ce qui est de la taille, c’est vrai qu’être grande n’a pas toujours été facile pour moi. Les gens, souvent avec bienveillance, vous le rappellent sans cesse. Et ça vous met dans une situation inconfortable. Je ne suis pas hyper à l’aise en société ; je suis timide et réservée, je n’aime pas me faire remarquer. Mais vu ma taille, je n’ai pas le choix : on me remarque ! Malgré moi, je ne passe pas inaperçue et on m’attribue des qualités d’emblée liées à ma taille. Avec les années, j’ai réussi à l’accepter. Mais, dans mon métier, ce n’est pas un avantage : très vite, j’ai compris que je n’aurais pas accès à un tas de rôles. Je ne pouvais pas jouer une princesse pas exemple car j’étais toujours plus grande que le prince. J’étais un peu « condamnée » disons, à jouer des objets de fantasmes ou des personnages insolites. Paradoxalement, cela m’a servi car j’ai compris que je devais jouer autre chose que ce qui existait déjà ; c’est comme cela que j’ai commencé à écrire des rôles pour moi, à monter seule sur scène. En fait, j’en ai fait une force !

Est-ce pour surmonter votre timidité que vous êtes devenue comédienne ?

Non. Pour moi, la timidité n’est pas un problème. Je suis toujours étonnée qu’on la voie comme un défaut à combattre. Les timides, je pense, trouvent toujours une voie pour s’exprimer. Je suis moi-même plus à l’aise avec des gens timides qui s’assument – même si on va prendre plus de temps à communiquer (rires) -, qu’avec des timides qui se forcent et dès lors, sonnent faux. Là, ça me met mal à l’aise. Quant à la comédie, je pense qu’elle a toujours été présente chez moi. Je faisais rire les autres, surtout ma mère, spontanément. La faire rire était l’un de mes jeux favoris ! Je ne savais juste pas encore que j’en ferai mon métier. J’ai toujours aimé me déguiser, devenir une autre que moi… J’étais la dernière de la famille – nous étions cinq, trois sœurs et deux frères -, un peu protégée, qui voulait attirer l’attention sur elle. Le rire, c’était un bon moyen !

Là encore, vous étiez à l’avance sur votre époque. Quand vous avez débuté, dans les années 90, les femmes humoristes n’étaient pas légion …

En effet. Mais je l’ai vécu comme un atout. Je bénéficiais de beaucoup de libertés, je n’ai pas connu toute une génération de comiques ou de chroniqueuses qui m’a précédée. Cela m’a permis d’être une pionnière ! Pour moi, faire rire a toujours été quelque chose de naturel, je ne me suis jamais censurée par rapport à cela. Sans doute parce que je viens d’une famille où l’on aimait s’amuser.

D’autres que vous dans votre fratrie ont embrassé des métiers artistiques ?

Une de mes sœurs a travaillé dans des tas de domaines artistiques : danse, peinture… Mais je suis la seule à être montée sur scène !

Et quand vos enfants ont voulu devenir eux-mêmes artistes, comment avez-vous réagi ?

Ils ne sont pas levés un matin en se disant qu'ils allaient devenir artistes et ne sont pas arrivés un matin pour nous l'annoncer. Je pense que c’est venu progressivement et naturellement. Ils ne nous ont pas trop demandé notre avis (rires).

A part des petits-enfants, de quoi auriez-vous envie demain ?

(Rires) Je ne sais pas… Peut-être un rôle récurrent dans une série. L’idée de développer un personnage me plaît. Plutôt quelque chose de drôle, en tout cas, un programme que j’aurais moi-même envie de regarder !

Podcast « Zéro Mort », disponible sur Auvio.

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