Rencontre avec Vincent Vanasch : "Représenter son pays est une satisfaction ultime"

Le gardien de but de notre équipe nationale de hockey sur gazon participera aux JO pour la quatrième fois cet été avec les Red Lions, avec lesquels il a également décroché le titre de Champion du Monde en Inde en 2018. Conversation dans les vestiaires à quelques semaines de la grande compétition.

PAR ANISSA HEZZAZ ET INGRID VAN LANGHENDONCK. PHOTOS : PHOTONEWS SAUF MENTIONS CONTRAIRES. |

Si le hockey est longtemps resté un sport moins populaire, que l’on disait pratiqué par une élite, et dès lors, à peine survolé dans les médias, la victoire en 2018 de nos Red Lions à la Coupe du Monde a mis la lumière sur un sport qui rassemble aujourd’hui presque 52 000 membres affiliés en Belgique. Nos Red Lions font rêver les plus jeunes avec autant de force que Justine Henin ou Eden Hazard. À quelques semaines des JO, nous avons rencontré le gardien Vincent Vanasch, unanimement salué pour son jeu exceptionnel. 

À 36 ans, le sportif affiche une belle maturité et conserve le même émerveillement vis-à-vis de sa discipline, qui le passionne depuis l’enfance : Comme souvent, cela s’est transmis de génération en génération dans ma famille, nous confie-t-il. Mon papa était hockeyeur, mes frères et sœurs aussi et moi, le petit dernier, je les suivais, partout où ils allaient jouer. Je fais partie de ces gosses qui sont nés avec un stick entre les mains. Ensuite, mon père a fondé l’école des jeunes du Royal White Star et j’y ai grandi, c’est là que j’ai eu accès à l’équipe nationale.

© FREDERIQUE CONSTANT

© Frédérique Constant

Un déguisement de super-héros 

Un parcours entre ambiance familiale et quête d’excellence donc, qui coïncide avec l’évolution même du hockey, devenu de plus en plus pro au fil des ans : Il y a trente ans, c’était un sport très différent, confirme l’intéressé. Quand j’étais en juniors, j’ai été joueur, gardien et attaquant, ce qui n’est plus possible aujourd’hui. Un enfant doit choisir assez vite, avant 10 ans, s’il veut jouer dans le goal ou dans le jeu, mais à l’époque, les bons petits joueurs faisaient deux ou trois matches sur le week-end car les équipes n’étaient pas au complet ; cela n’arrive plus, évidemment.

Entre gardien et attaquant, qu’est ce qui a motivé son choix ? Le déguisement de super-héros (il sourit) ; j’étais fasciné par les gants, le casque… Mon père m’avait fait faire de petites guêtres et mes frères s’entraînaient avec moi à tirer au but. C’est ce qui m’a appris à ne pas avoir peur de la balle. À 18 ans, je me suis définitivement orienté vers la position de gardien et il faut croire que c’était un bon choix… Et cela me sert encore aujourd’hui d’avoir pu jouer à différentes places dans le jeu, parce que je sais comment pense un attaquant, ça m’aide à anticiper.

Alors qu’on lui demande quelles sont les spécificités de ce poste de gardien, ici aussi, le champion se pose en outsider : Avant, le gardien était parfois vu comme “paresseux”. Ce n’est pas lui qui court après la balle, mais c’est une place qui demande des réflexes, une parfaite coordination œil-main, œil-pied… Je suis plus petit que le gardien type, qui est souvent une base de deux mètres de haut, j’ai donc dû apprendre à être plus agile, à attaquer les balles et à jouer avec mon corps. Et il n’y a pas que dans la perception de son poste que le joueur a senti un changement de mentalité : toute l’image du hockey a singulièrement évolué, tout comme son fonctionnement. Il y a vingt ans, le coach devait “chasser” des joueurs, aujourd’hui tout le monde en rêve. J’étais fan de Marc Coudron, qui était un joueur incroyable, il est aujourd’hui président de la fédération et c’est lui qui a mené le monde du hockey vers les JO et les compétitions internationales. Ensuite, avec les victoires et les récompenses engrangées, le statut de notre équipe a changé. Les Allemands et les Hollandais nous ont longtemps regardés de haut, aujourd’hui nous avons vraiment pu renverser la donne et certaines équipes actuelles reproduisent nos tactiques

Sacrifices et récompenses 

Tout n’est pas encore optimal pour les joueurs qui restent officiellement des amateurs : Tout est encore à faire ! Les joueurs de ma génération ont tellement galéré pour poursuivre leurs études. Moi même, j’ai dû étaler mes études de kiné sur neuf ans, parce que je n’avais aucune facilité, aucun aménagement possible malgré ma sélection en équipe nationale… On ne doit pas commettre ce type d’erreur avec les jeunes générations. En Allemagne, le système est pensé pour aider les jeunes sportifs. Quand tu vois les médailles qu’on a pu ramener avec si peu de moyens, on devrait pouvoir en amener bien plus.

Et qu’en est-il de ces sacrifices ? Quelle est la semaine type d’un hockeyeur de haut niveau ? On doit adapter tout son style de vie, mais je ne veux pas parler de sacrifice. J’essaie de bien dormir, de bien manger, même si j’avoue que je bois parfois un verre de vin. Je veux me ménager des petits plaisirs. En vacances, je déconnecte. Je veux aussi me libérer mentalement ; quand on est un athlète, on doit programmer ses moments de relâche. Plus on l’inscrit dans une routine, moins on le vit comme un sacrifice ou une obligation. Avec les Jeux qui approchent, c’est devenu intensif : on s’entraîne du lundi au jeudi, toute la journée, avec l’équipe nationale, le vendredi on s’entraîne chacun avec son club et le dimanche est jour de match. Notre seul jour de repos est le samedi...

Mais le champion ne s’en plaint surtout pas, trop heureux d’être dans l’aventure comme gardien attitré depuis bientôt douze ans. Cela aurait pu ne pas se produire, nous explique-t-il : En 2008, j’ai arrêté de jouer en équipe nationale pendant un an et demi. C’était une période où rien ne se passait bien pour moi. En club, je ne jouais pas ; en équipe nationale, on ne me faisait pas jouer non plus et les études étaient une source de stress. Je culpabilisais d’être en cours et de ne pas m’entraîner davantage, mais quand j’étais sur le terrain, je culpabilisais aussi de ne pas étudier assez… Rien n’allait et je ratais sur tous les fronts.

La santé mentale des sportifs est une préoccupation assez récente, mais Vincent Vanasch nous le confie : cette trève lui a été bénéfique. Déjà, cela m’a permis de réussir mon année, ça m’a fait un bien fou de simplement réussir quelque chose. Puis, l’année suivante, en 2009, je suis arrivé au Watducks et ça a été le début de ma remise en confiance. Trois ans après, nous étions champions. Tout s’est alors enchaîné : la Belgique a remporté la sélection pour les Jeux Olympiques, et j’ai contacté le coach de l’équipe nationale pour lui demander de me reprendre. Et ça a marché ! On est arrivés en cinquième position du tournoi. C’est génial, même si c’est toujours décevant de se faire battre en demi-finale. 

En 2016, revenir avec la médaille d’argent des JO de Rio, c’était un miracle, et c’est là qu’on s’est tous dit “On veut l’or !” Ce qui nous avait fait paraître arrogants dans la presse, mais avoir décroché l’or en 2021 a prouvé qu’on avait eu raison de viser au plus haut. Pour tous les sportifs, les Jeux sont une consécration, un objectif en soi, comme le Tour de France pour un cycliste. Et puis, représenter son pays est une satisfaction ultime, encore davantage que d’être champion du monde, pour moi.

Une académie de futurs gardiens 

Quand on lui demande ses perspectives d’avenir, le sportif est à la fois humble et lucide : Je sais que je me rapproche de la fin de ma carrière, on parle de 37 à 38 ans dans le hockey, et j’en ai déjà 36… Mais un gardien peut parfois rester après 40 ans, car le poste est moins physique. On veut tous partir au bon moment. Pour moi, si tu es honnête avec toi-même, tu sens quand tu arrives au bout. Je voudrais partir sans regrets, et que ce soit mon choix. Je ne voudrais pas que le coach doive me dire que je suis trop vieux, alors que j’ai encore envie de jouer… On vit des choses si intenses dans une carrière sportive, on a tous peur de ne pas retrouver cette adrénaline dans notre vie future. Moi, je me suis mis comme objectif de gravir une montagne, par exemple, mais on cherche tous de nouveaux défis, parce qu’on a été habitués à tout vivre à 200 %. J’ai la conviction que nous pouvons insuffler cette énergie dans le monde de l’entreprise ou dans ce qu’on entreprend par après, comme notre capacité à vivre les défis en équipe et à rester conscient de combien on a besoin les uns des autres : la résilience, la discipline, ce sont des qualités qui restent quand on quitte le terrain. Je ne sais pas si le hockey me l’a apporté ou si je l’avais en moi, mais j’ai appris que le talent ne suffit pas, que le travail est essentiel… Je suis un mec tenace. Ado, j’avais des complexes, j’étais plus gros, ça me bloquait parfois, et mon parcours m’a appris qu’on peut changer si on le veut vraiment et qu’on est le seul acteur de ses changements.

Quant à ce qu’il compte faire de ces valeurs, le hockeyeur nous explique avoir déjà posé les bases de son futur job : J’ai créé The Wall Academy pour entraîner et former les jeunes gardiens de hockey. Je donnais déjà des entraînements en club, mais avoir ma propre académie me permettait de mieux m’organiser. Pour l’instant, mon emploi du temps ne me permet pas de me libérer plus de trois jours de suite, alors nous organisons des stages intenses pour des jeunes, des U9 aux U19, et je mets un point d’honneur à ce que chaque gardien évolue de manière significative lors des stages. Nous sommes les seuls à proposer des entraînements spécifiques pour les gardiens, car on n’entraîne pas un gardien comme un attaquant ou un défenseur, tant au niveau de la course que des mouvements.

Alors que le joueur est aujourd’hui dans la lumière et courtisé par les marques de luxe, on se demande aussi comment il se positionne par rapport à ses valeurs et à l’image qu’il veut véhiculer. Il se montre assez à l’aise avec ces partenariats : Cela m’est arrivé de chasser le sponsor, mais c’est vrai qu’aujourd’hui je suis souvent contacté. Et c’est assez simple : je regarde si on a les mêmes valeurs, si on veut toucher les gens de la même manière. Pour moi, recevoir une montre, en faire deux posts sur Instagram, puis plus rien, ce n’est pas ma vision des choses. Pour moi ça doit être une rencontre. Avec des gens d’abord, puis des valeurs d’entreprise. Et j’ai trouvé cette complicité chez Frédérique Constant. Ils avaient, comme moi, envie de créer une histoire commune, de grandir avec moi…

Ces valeurs, Vincent Vanasch nous l’assure, elles font partie d’une charte de valeurs communes à tous les hockeyeurs : Ce qui nous anime, c’est évidemment le respect, la famille, l’attitude envers les arbitres et les adversaires, mais aussi les liens d’amitié et la solidarité que nous construisons dans une équipe. Ce sont des valeurs qui sont très présentes dans le hockey. Et surtout, c’est un sport très familial : mes enfants sont avec moi devant tous les matchs, ils se mettent debout pour chanter l’hymne national avant le match, ce sont des émotions partagées à tous les âges. 

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