Visite guidée de l’expo Masculinities

L’exposition Masculinities, à découvrir au Musée Mode & Dentelle de Bruxelles, raconte le lien entre le vêtement et notre vision de la masculinité. Une histoire passionnante.

Par Ingrid Van Langhendonck. Photos D.R. |

Si les sociologues ont souvent, et à juste titre, considéré la mode féminine comme un indicateur de la place des femmes dans notre société, il était intéressant de se demander ce que le vêtement masculin pouvait révéler sur le statut de l’homme et sur notre vision de la virilité. En effet, le rôle préjugé de chaque sexe dans notre société a évolué au fil des siècles et la mode est l’un des codes par lesquels ces stéréotypes de genre s’exposent et se manifestent. Pour cette raison, elle joue un rôle puissant dans la société et peut même devenir un puissant outil de contestation des normes établies… L’exposition inaugurée fin août au Musée de la mode et de la dentelle explore cette relation. Un parcours historique et sociologique à la fois, jalonné de créations iconiques des plus grands couturiers.

La renonciation masculine

Dès l’entrée, l’exposition nous confronte à une réalité souvent oubliée : il y a trois siècles, l’homme arborait volants, rubans, soies précieuses et broderies sans que sa virilité ne soit contestée pour autant. L’aristocrate oisif aimait s’habiller avec luxe. C’est au tournant du XIXe siècle, et plus précisément au début de l’ère industrielle, que l’habit de l’homme s’acquitte de tout ornement pour aboutir au simple costume, classique, foncé, une modèle qui n’a, depuis, pas vraiment été démenti. Preuve que les changements de société définissent un homme nouveau. La bourgeoisie envahit les « bureaux » une notion nouvelle, qui induit un homme nouveau : sobre, efficace… L’homme occidental se dépouille de ses ornements pour adopter une tenue que l’on peut qualifier d’uniforme et renvoie à toute la vision bourgeoise du travail. 

De Londres à Milan

Au XVIIIe et au XIXe siècle, Paris règne sur la mode féminine. Mais quand on parle de mode masculine, ce sont vers les tailleurs anglais que se tournent pourtant tous les regards. Une rue de Londres en particulier est au centre de toutes les élégances : Savile Row. Ici, des tailleurs comme Weatherill Brothers fabriquent les costumes entièrement à la main et se font une réputation qui s’impose comme le pendant masculin de la Haute Couture. Mais la guerre passe par là, et Christian Dior invente le prêt-à-porter dans les années 50. La mode se simplifie et se démocratise : les tailleurs pour hommes sont, eux aussi, petit  à petit supplantés par les couturiers créateurs. Parmi les pionniers du genre, on note Pierre Cardin et Hardy Amies, parmi les premiers créateurs à s’aventurer dans le prêt-à-porter masculin. 

Après 1975, c’est vers Milan que se déplace le centre de gravité du prêt-à-porter masculin, en grande partie grâce au travail de Giorgio Armani. On oublie souvent que, quand il lance sa société en 1974, il s’agissait d’une ligne masculine (ce n’est qu’en 1975 qu’il introduit une série de modèles féminins). Il prend la main très vite, en dessinant des vêtements pour les plus grands acteurs d’Hollywood (dont Richard Gere dans American Gigolo), s’assurant dès lors une reconnaissance internationale.

Les stéréotypes du mâle

La garde-robe masculine regorge de détails et de petites références induites à certains archétypes masculins. Ici, que ce soit en empruntant des codes du vestiaire militaire, de l’explorateur, du pilote d’avion  ou même du cowboy ou du motard, le vestiaire de l’homme réfère souvent à l’aventurier, à l’homme libre et intrépide, celui qui, sans renier sa masculinité refuse les convenances et les codes trop rigides de sa condition d’homme habillé « comme il faut »… 

Les alternatives

Dans les années 60, dans le contexte du Swinging London et des yéyés, la mode masculine du XXe siècle connaît une première révolution. Tournant le dos aux valeurs trop rigides de leurs parents, les baby-boomers adoptent un vestiaire résolument hédoniste. L’homme renoue alors avec le plaisir de s’habiller et de porter des couleurs, un plaisir qu’il avait été obligé de refouler. Les années 1970 joueront à fond la carte de la fantaisie et bousculent le sérieux masculin. L’homme disco est à mille lieues de l’homme en costume, et même du militaire ou de l’aventurier, mais il s’amuse, il se libère sexuellement et son vêtement flirte avec la frontière entre les genres. 

Si, de nos jours, couleurs et ornements défilent sans complexe sur les podiums des défilés homme, force est de constater que trouver un long manteau en fausse fourrure ou un pull-over à motifs bariolés dans les rayons homme des boutiques reste un challenge.

Légende 4343-060 : Costume en velours rouge flamboyant vendu dans la boutique John Stephen de Carnaby Street en 1964.
 

Masculinities, jusqu’au 13 juin 2021 au Musée Mode & Dentelle. 
museemodeetdentelle.brussels

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