De la mode aux arts plastiques : Rencontre avec la designer danoise Malene Birger

De passage à Bruxelles, où elle expose une série d’œuvres inspirées de sa vie sous le soleil de Majorque, la créatrice, artiste et esthète, danoise nous a parlé art, mais surtout art de vivre.

Par Marie Honnay. Photos Arthus Gallery. |

Malene Birger ne se définit pas comme une féministe dans le sens classique du terme. Pourtant, tout dans le tempérament de cette Danoise au franc-parler laisse deviner un besoin irrépressible de liberté. Et si le succès de ses deux marques de mode à son nom (qu’elle ne dirige plus depuis dix ans) lui ont offert une notoriété, mais surtout, un confort financier lui permettant de se consacrer totalement à son travail artistique, elle dit avoir toujours fait ce qu’elle aimait. Dominé par les formes pures et les contrastes noir/blanc, son style signature est une réponse à un besoin de « purifier » les espaces d’une maison, mais aussi de calmer son esprit saturé de couleurs. Et si son art n’est en rien lié à une quelconque tendance, ses œuvres dégagent néanmoins une grande modernité, dictée par une soif de changement constant. Car pour Malene Birger : “Changer, c’est bouger. Et j’aime la liberté qui se dégage de cette énergie ».

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Depuis dix ans, vous vous consacrez à votre travail artistique, mais aussi à l’aménagement d’espaces. Est-ce la suite évidente de votre carrière dans la mode ?
Je pense que toutes les disciplines artistiques sont en dialogue permanent : la mode et le cinéma, tout comme la mode et l’architecture d’intérieur. Nous créons des ponts et nous nous inspirons les uns des autres. Les nombreuses collaborations entre les designers et les marques apparues ces dernières années en attestent :  aujourd’hui, tout se mélange. Même les musiciens font des baskets…

C’est une évolution logique, selon vous ?
C’est une évolution… (elle sourit). Dans notre nouveau monde, tout doit aller vite. Les gens veulent des nouveautés en permanence. Ces collaborations représentent une nouvelle manière de vendre des produits.

Votre travail artistique est plutôt un éloge de la lenteur. Contrairement au prêt-à-porter, qui vit au rythme des tendances, une peinture ou un vase est fait pour durer, se patiner et vieillir avec celui qui décide de l’acquérir…
Si vous le voyez comme ça, je suis flattée, mais pour moi, mes œuvres sont le fruit de mon inconscient. Ce n’est pas important à mes yeux. Certains comparent mes vases à des corps de femmes, d’autres à des robes. Doit-on y voir un lien avec la mode ? Peut-être, mais sans que j’en sois consciente. Ce qui m’anime, c’est une quête de beauté. Quand je compose un tableau, je joue avec les formes et les couleurs jusqu’à créer la combinaison parfaite. Parfaite à mes yeux, en tous cas. C’est mon émotion qui me dicte le moment où je dois m’arrêter. Si chaque pièce peut être envisagée séparément, je les considère toujours comme un ensemble. En vrai, je raconte une histoire.

Un peu comme quand vous dessiniez vos collections. Chaque pièce avait sa propre identité mais l’ensemble racontait une histoire…
C’est l’histoire qui dictait mes collections et mes silhouettes. C’est d’ailleurs ce qui me permettait de juger si une jupe avait ou non sa place dans une collection. Si elle ne racontait pas un bout de l’histoire que j’avais imaginée, je l’éliminais. J’étais évidemment au fait des tendances, mais je n’ai jamais raisonné en termes de ce qui était ou serait à la mode. J’ai voulu créer un style qui, au fil des années, est devenu la signature de ma Maison. Et j’ai eu la chance que ce style plaise à de nombreuses femmes un peu partout dans le monde. Dans le domaine de l’art, c’est pareil. Si une œuvre est par essence intemporelle, elle n’est intéressante que si elle est empreinte de modernité.

Vous semblez obsédée par la perfection. Vous avez toujours créé ?
Je ne suis pas obsédée par la perfection. J’ai même envie de dire que plus le temps passe, moins j’aime ce mot.  Je dirais plutôt que mon travail est précis et que je déteste tout ce qui est approximatif. L’émotion est dans le détail, j’en suis convaincue. Petite, je modifiais les couleurs de ma chambre tous les mois. Je n’avais pas le droit de changer les meubles, mais tout le reste évoluait. J’aime l’énergie qui naît du changement. Vous vous imaginez vous asseoir sur le même canapé pendant trente ans ? On n’a qu’une vie. Il faut la vivre intensément !

Quand avez-vous commencé à peindre ?
Lorsque je suis arrivée à Majorque pour la première fois. Mes premiers dessins sont devenus des motifs pour certaines pièces de mes collections. Le fil rouge de ma vie, c’est un besoin urgent d’apprendre et d’expérimenter de nouvelles matières et techniques. Quand j’ai appris le travail de la terre, j’ai moulé mes premiers vases en deux semaines avec un artisan chevronné. C’était long et intense, mais je voulais aller jusqu’au bout.

Quand vous décorez une maison, l’art est très présent. Vous avez un conseil à nous donner pour intégrer des toiles ou des objets dans un intérieur ?
Dans mon dernier livre, Move And Art (paru aux éditions teNeues et sorti dans 72 pays, NDLR.), j’ai voulu exprimer cette liberté qui naît d’un intérieur éclectique, où l’on mélange tout : une pièce de Jo Colombo, un buffet de style brutaliste chiné en Belgique et, bien sûr, mes peintures. »

Un mélange éclectique que votre palette chromatique apaise instantanément.
 Vous savez,  après trente ans dans la mode, les couleurs, j’en avais plus qu’assez. Le contraste du blanc et du noir, c’est le jour et la nuit. Cette dualité symbolise la force de l’univers. Le gris, c’est une couleur de l’entre-deux. Et je n’aime pas faire les choses à moitié ou en grisé.

La céramique est la nouvelle tendance à la mode. Pourquoi à votre avis ?
Franchement ? Je n’en ai aucune idée. Quand j’étais étudiante à l’académie à la fin des années 80, le cours de céramique était considéré comme ennuyeux et carrément anti-sexy. Aujourd’hui, toutes les marques de luxe et bon marché copient les pièces aux formes organiques nées dans l’imaginaire des artistes. Je pense que cette frénésie ne durera pas. Seules les pièces des vrais créateurs continueront à exister. Sous l’impulsion d’artistes vraiment talentueux, cette technique a grandement évolué ces dernières années. C’est une bonne chose.

Le Monde de Malene Birger : peintures, dessins sur papiers et céramiques. Exposition visible jusqu’au 30 juin 2023 à la Arthus Gallery, 37 place du Châtelain, 1050 Bruxelles.

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