Pourquoi le luxe a-t-il besoin d'égéries ?

Il est d’usage de voir les produits de luxe, parfums et montres notamment, associés à un visage connu. La personnalité vient ainsi démultiplier la sensation de prestige qui se dégage de la marque ou du modèle. Zoom sur un phénomène qui nous touche plus qu’on ne le pense.

PAR INGRID VAN LANGHENDONCK. PHOTOS LONGINES, PHOTONEWS. |

On a tous en tête l’image de Charlize Theron ondulant hors d’une piscine dorée en susurrant J’adore...Utiliser des célébrités pour vendre un produit n’est pas une invention de notre époque. En 1890 déjà, Sarah Bernhardt vantait les mérites de la poudre de riz La Diaphane sur des affiches placardées dans tout Paris. En 1952, Marylin affirmait ne porter pour dormir que quelques gouttes de Chanel N°5... Une déclaration que la marque exploite encore dans sa communication. C’est dire si l’attachement entre les stars et le public est fort et combien les marques ont perçu le moyen de l’exploiter pour créer ou renforcer le lien avec leur label. La pratique de l’ambassadeur célèbre est devenue quasiment incontournable dans certains secteurs comme la mode ou la parfumerie, mais aussi l’horlogerie, très sensibilisée à l’idée d’incarner ses plus beaux garde-temps.

Charlize Theron, la voix et le visage du best-seller de Dior depuis son lancement.

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Les millenials et les influenceurs

Les célébrités présentent deux atouts pour les marques : elles attirent l’attention et subliment la communication visuelle autour du produit, mais ont surtout le pouvoir de créer une sorte de transfert affectif, au point d’attribuer à la marque les qualités que l’on admire chez elles. Dans notre monde dominé par les réseaux sociaux, d’autres égéries pointent le bout du nez : les influenceuses. Si elles ont d’abord été associées aux marques via leur compte personnel et des partenariats sans risque pour ces dernières, le phénomène prend de l’ampleur et quitte la seule sphère d’Instagram. C’est le cas de Dior, qui courtise Lena Mahfouf, youtubeuse française au naturel flamboyant, qui compte parmi les influenceuses mode les plus puissantes de la planète et qui a figuré dans le palmarès Forbes des 30 personnalités françaises les plus influentes du secteur “cinéma et divertissement”. Nommée “envoyée spéciale haute couture” de Vogue, en vidéo dans les ateliers Dior avenue Montaigne, elle a fait un carton. Elle est aujourd’hui invitée de marque des défilés Dior et est régulièrement habillée par la griffe. Un rapprochement qui témoigne de l’intérêt porté par le secteur du luxe à la génération Z. On pointera par ailleurs Yves Saint Laurent, qui a fait appel à l’acteur Austin Butler pour la dernière campagne MYSLF, affirmant sa volonté de séduire les plus jeunes générations.

Lena Mahfouf, nouvelle coqueluche chez Dior. La jeune youtubeuse incarne cette dernière génération d’égéries recherchées par les marques de luxe.

Car la jeunesse est un enjeu dans le secteur du luxe, nous confirme Matthias Breschan, CEO de Longines, qui vient de s’offrir Jennifer Lawrence pour le lancement de sa Mini DolceVita, un modèle mythique de la marque : Une égérie n’a de sens que si elle incarne aussi des valeurs qui collent avec votre marque. Cela doit être crédible. Chez Longines, nous avons une certaine idée de l’élégance, c’est même notre devise : Elegance is an Attitude. Un concept que Coco Chanel défendait déjà il y a cent ans. Jennifer Lawrence incarne cette subtile balance entre élégance, glamour et discrétion, sur fond d’une forte personnalité. C’était un pari de choisir une égérie si peu présente sur les réseaux sociaux, qui sont tellement importants aujourd’hui, mais cela colle avec notre ADN, qui va dans le sens d’un luxe plus discret, le quiet luxury dont on parle davantage aujourd’hui. Elle incarne tant l’élégance telle que les jeunes la perçoivent aujourd’hui, que cela nous a semblé évident.

Le revers de la médaille

Matthias Breschan tempère : Cette démarche comporte une part de risque. Associer son image à une personnalité forte induit un lien fort entre la marque et son égérie et si l’égérie dérape sur les réseaux, tout peut s’effondrer. Et la chute peut être dure : en 2005, Kate Moss fait la couverture du tabloïd anglais The Daily Mirror, prise sur le vif dans les toilettes d’une boîte de nuit, penchée sur un rail de coke. Cocaine Kate perd alors la plupart de ses contrats en quelques semaines. Plus récemment, Johnny Depp a tenu en haleine les équipes marketing de Dior, qui l’avaient choisi comme égérie du parfum Sauvage. Si officiellement, la maison ne l’a jamais renié, on imagine son angoisse à devoir gérer la dégringolade et l’impact sur son image, si l’acteur avait perdu son procès contre Amber Heard. Paradoxalement, dans ces deux cas, il est interpellant de voir que la communauté de fans, très engagée, ne se détourne pas de ses idoles. Même quand elles traversent des scandales.

Comment choisir son égérie ?

Matthias Breschan : Pour incarner le nouveau visage de votre marque ou produit, il y a la notoriété, bien entendu (et le budget que la maison est prête à octroyer à ce partenariat, NDLR), mais cela ne fait pas tout. Une égérie parfaite incarnera également d’autres valeurs chères à la marque, car si ce n’est pas crédible, cela ne prend pas. Georges Clooney personnifie un certain art de vivre, il est certes beau et célèbre, mais il distille surtout une pointe d’humour dans sa relation avec Nespresso, qui permet de la distinguer des autres marques de café.

Autre collaboration qui a marqué les esprits: la belle Penelope Cruz qui prête son visage à la marque de chaussures Geox. Ici encore on parle d'une égérie transgénérationnelle, au chic indiscutable et qui incarne une féminité assumée, un glamour simple qui va dans la direction que prend le monde du luxe depuis quelque temps: le Quiet Luxury, quand l'élégance se la joue sans show-off, au service de marques qui ont envie de marquer leur classicisme et leur intemporalité. Ici pas question d'influenceuses bling bling ou de personnalités trop jeunes: un luxe plus authentique doit être porté par une égérie qui parvient à incarner tout cela. 

Penelope Cruz pour Geox, une égérie qui incarne l'authentique et l'intemporel - Photo Geox

De son côté, en choisissant Jennifer Lawrence pour une montre plus féminine, plus colorée, qui évoque davantage le bijou, Longines opte pour une égérie de classe internationale, mais surtout pour une femme aimée par toutes les générations, reconnue pour son franc-parler, son humour, son engagement et sa joie de vivre. Un subtil mélange qui permet à la marque d’expliquer et de mesurer le succès d’un partenariat souvent coûteux... même si, quand on parle d’égéries avec les marques, les montants restent un secret aussi bien gardé que les codes nucléaires !

Le secteur horloger, des égéries particulières

Si la montre en tant qu’accessoire de luxe est elle aussi tentée par l’intervention d’égéries pour soutenir son aura, il faut bien avouer que le secteur a quelques particularités par rapport à la parfumerie ou la mode. En effet, l’aspect technique, la précision et la fiabilité étant les valeurs essentielles qu’une montre doit incarner, le monde horloger a de tout temps choisi des égéries singulières. Cela commence avec Rolex qui, dès ses débuts, associe son image à l’exploit sportif comme en 1927, quand Hans Wildorf glisse une Rolex Oyster au poignet de Mercedes Gleitze, juste avant qu’elle ne devienne la première femme à traverser la Manche à la nage. Sportifs, plongeurs, alpinistes, les marques horlogères se sont souvent tournées vers des égéries d’un autre genre.

Cependant, quand une marque entend défendre un de ses garde-temps comme véritable accessoire de luxe, elle emprunte plutôt les codes de la mode et s’offre une égérie glamour : Cindy Crawford pour Omega, David Beckham pour Tudor, Diane Kruger pour Jaeger-LeCoultre, Margot Robbie pour Chanel, Julia Roberts pour Chopard... Et aujourd’hui, Jennifer Lawrence, visage de la dernière déclinaison d’un des modèles historiques chez Longines, la DolceVita. Né en 1910, le modèle rectangulaire explose en pleine période Art nouveau – Longines revendique d’ailleurs d’avoir été une des premières marques à commercialiser la montre rectangulaire. Lui associer l’audacieuse et quelque peu anticonventionnelle Jennifer Lawrence est un joli coup. Matthias Breschan : Jennifer est une femme drôle et hyper spontanée, elle incarne une nouvelle forme de glamour, moins show off, dans une époque où les jeunes ont besoin de sens et d’engagement. Or une montre, c’est un objet qu’on achète pour la vie, c’est un objet singulièrement durable et cela a du sens qu’un objet qui symbolise une forme d’engagement s’ancre aussi dans le passé.

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