Les restaurants prennent-ils vraiment une trop grosse marge sur nos repas ?

Vous l’avez tous aussi ressenti récemment au moment de payer l’addition, les restos nous semblent devenus tellement plus chers … mais la marge des restaurateurs est-elle exagérée ? Décryptage

Ingrid Van Langhendonck, Photos Unsplash |

La règle des trois points

En restauration, il est communément accepté que votre chiffre d’affaires se divise en 3: un tiers pour les fournisseurs et les ingrédients, un tiers pour le personnel, et le troisième tiers pour tous les frais. Ainsi, il n’est pas étonnant que le prix de tout ce que vous consommez soit multiplié par trois pour qu’un restaurant soit rentable… Pendant des années, les restaurateurs parvenaient à augmenter leur marge en diminuant les frais de personnel (c’est tout le phénomène des étudiants et travailleurs payés en noir, qui est aujourd’hui réglé par la Black box installée dans tous les restaurants), ou parfois la marge sur les vins qui passe plutôt à 4 ou parfois même au delà... mais, l’un dans l’autre, cette règle des points fonctionnait pas mal. Ainsi, si votre vin préféré coûte une dizaine d’euros dans votre supermarché il est normal qu’il avoisine les 30 € dans votre restaurant. Si vous avez envie de vérifier si votre restaurateur abuse un peu de sa marge, c’est d’ailleurs un bon indicateur pour avoir une idée de la politique de prix de votre restaurant préféré. Voilà pour la théorie.

En vidéo: Comment repérer un mauvais restaurant


Mais ça c’était avant

« Ce système fonctionnait jusqu’à la crise du COVID », nous explique Jean-Luc Colin, membre administrateur de la fédération Horeca De Bruxelles et restaurateur depuis plus de 35 ans : « Avec l’augmentation du prix des denrées alimentaires, l’explosion du prix de l’énergie, et l’inflation qui nous a amené à devoir augmenter notre personnel de près de 20 % en moins de deux ans, cette règle des 3 points a littéralement explosé. Aujourd’hui, 80 % des restaurateurs ne vendent pas leur menu au juste prix et ça c’est un problème parce que c’est tout le secteur qui souffre. Quand nous achetons des marchandises à 6 % de TVA et que nous les revendons à 21 % de TVA, nous perdons énormément d’argent… »

Le juste prix, un casse-tête pour le secteur - Photo Unsplash

Certains plus impactés que d'autres

Dans un grand restaurant étoilé, le problème se pose moins : les clients de ces restaurants sont conscients que le prix de leur plat n’est pas seulement lié aux ingrédients qui le composent, mais qu’il y a autour de cela tout un travail, énormément de personnel, et une expérience globale qui justifie un prix plus élevé… Ce problème n’intervient pas non plus dans les chaînes de fast-food ou les prix sont restés bas grâce aux économies d’échelle sur la qualité (sic) et la quantité des produits proposés .  Jean-Luc Colin : « Le plus désolant, c’est que la partie du secteur qui est la plus menacée, comme au sein de la société au final, c’est encore une fois la classe moyenne. Ce sont ces petits restaurants qui essayent de bien faire, qui ont envie de travailler avec des produits locaux, de faire de la qualité, et d’offrir quelque chose de bon à un prix raisonnable. Ceux-là aujourd’hui suffoquent littéralement sous le poids des frais et des charges… Certains restaurateurs ne se payent quasi pas, c’est une réalité
Et ce n’est pas pour faire pleurer dans les chaumières mais le secteur aujourd’hui souffre de trop lourdes charges sur le travail,  Jean-Luc Collin : « Quand un serveur tombe malade et que vous devez continuer à le payer pendant trois semaines mais, à côté de ça, lui trouver un remplaçant que vous devez payer également… Et que le prix de votre plat du jour n’augmente pas, c’est vous qui perdez de l’argent… »
Ainsi, si vous avez l’impression que la carte de votre resto favori, que votre spaghettis bolognaise préféré à tout d’un coup prix trois ou quatre euros d’augmentation, ne croyez pas que le restaurateur s’en met plein les poches.

Comparer le prix des pâtes au supermarché et le prix de votre plat ne suffit pas - Photo Unsplash

En conclusion

On se souvient des propos de Peter Goossens l’était passé, à l’ouverture de sa brasserie à Knokke, qui avait déclaré que, de nos jours, 120 € étaient le prix raisonnable pour manger une cuisine de brasserie. Une déclaration choc qui a ému pas mal de monde et fait réagir la presse, « Mais faites le test », nous explique Jean-Luc Colin : « Attablez-vous dans une brasserie de belle tenue, commandez un cocktail en apéro, une bouteille de vin correct, même si elle n’est pas trop chère, une entrée, un plat,  un petit dessert pour deux et un petit café… Vous y serez facilement.
Heureusement, il y aura toujours des restaurateurs qui s’en sortiront, ceux qui ont trouvé leur public ceux qui ont réussi à trouver la bonne formule pour garder une marge acceptable, mais c’est vrai que le secteur attend depuis longtemps que l’État intervienne pour baisser un peu les charges afin de donner un peu d’air au secteur… »

D’ici là, malheureusement, vous paierez encore trop souvent 4,50 € pour une eau pétillante, ou presque 20 euros pour un simple plat de pâtes…

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