Comment Instagram influence notre façon de voyager ?

Dans le secteur du tourisme, l’une des grandes tendances actuelles consiste à choisir sa destination de vacances en fonction de sa popularité sur les réseaux sociaux. Ou comment le #travelgram a remplacé le bon vieux Guide du Routard.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS D.R. |

"C’est certain, votre #travelgram fera des étincelles !" Repérée dans une communication relative à une marque de maillots de bain, cette phrase flanquée d’un hashtag vendeur passerait pratiquement inaperçue tant elle s’est banalisée. Elle traduit pourtant une tendance forte dans l’univers du voyage : celle de la destination choisie non pour l’attrait de ses plages, de son offre culturelle ou de ses adresses gastronomiques, mais plutôt pour son potentiel instagrammable !

À l’instar des héros de la toile qui utilisent leur sens du style pour séduire des milliers de followers, certains influenceurs misent sur leur esprit wanderlust pour faire le buzz (traduisez : soif d’évasion). Même si ce genre d’images ne s’improvise pas et qu’il faut parfois de longues heures pour réaliser un cliché qui fera mouche, le secret d’un bon #travelgram tient en quelques règles d’or. La première consiste à trouver le juste équilibre entre lieux confidentiels (une question de crédibilité) et grands classiques. Pour engendrer un maximum de likes, la photo doit également afficher un cadrage parfait (de préférence "vue d’en haut") et un joli contraste chromatique entre le blanc des pavés en zelliges et le vert des palmiers marocains. Original ? Non pas du tout, mais ce n’est pas le but. Plus les lieux sont hashtagués et plus ils séduisent les vacanciers.

Influenceurs et prescripteurs 

Si, sur la toile, les grands classiques continuent de faire le buzz, certains influenceurs mettent un point d’honneur à rester des prescripteurs. En charge des relations publiques pour la plateforme de voyage sur mesure Evaneos, Aurélie Croiziers de Lacvivier confirme : "Lorsque nous collaborons avec des influenceurs, nous les choisissons au coup de cœur, plutôt qu’en fonction de leur nombre de followers. Avec leurs photos colorées du Yucatan ou du Mexique, la famille @likemijian (100 000 followers) est effectivement prescriptrice. Nous remarquons un lien direct entre les photos qu’ils postent et l’intérêt de nos clients pour ces destinations. Mais nous collaborons aussi avec Aurélie Amiot, alias @mmeoreille, une photographe qui, plutôt que de se mettre en scène, propose des images très pointues de destinations proches ou lointaines. Elle est moins suivie que certaines stars de la toile, mais son contenu invite à la découverte insolite, une approche que nous jugeons plus éthique que celle favorisée par les comptes formatés favorisant le tourisme de masse."

En termes de voyage, la roue tourne en permanence. De plus en plus vite. Ce ne sont pas les Millenials fans du Kirghizistan (14 200 entrées sur Instagram) qui prétendront le contraire. Eux qui rêvent, après avoir découvert cette destination sur la toile, de nuits en yourtes, au pied des montagnes, ou de chevauchées sauvages dans des vallées encore épargnées par le tourisme de masse. Enfin, pour l’instant...

Technique vs old school 

Si les téléphones portables ont peu à peu supplanté les appareils photo jugés trop lourds ou trop compliqués à utiliser, certains irréductibles continuent à privilégier les techniques old school. Quelques photographes pros ou semi-pros ont même décidé de revenir à l’argentique. Une manière de se différencier et de créer des images moins lisses et formatées. Car c’est bien là la grande révolution du secteur : entre photos professionnelles à l’esthétique arty, instaphotos répondant aux tendances du moment et clichés amateurs au charme imparfait, chacun peut choisir son camp.

Les marques scrutent donc en permanence les habitudes des voyageurs, notre besoin toujours plus grand de nous exprimer par la photographie est une source d’inspiration sans limite pour les concepteurs de produits. Le nouveau credo des voyageurs : l’émotion. Ces dernières années, les marques ont donc planché sur de nouvelles fonctionnalités, en phase avec cette approche sociale de la photo.

De plus en plus d’appareils sont par exemple dotés d’une fonction Wi-Fi permettant de transférer immédiatement ses clichés vers un téléphone portable. Parce que, si les Instagrammeurs ne jurent que par le format carré, vecteur de likes, impossible de réaliser des images très impressionnantes du haut d’une falaise avec un simple iPhone. Une fois transférées, les images peuvent être éditées, sublimées, puis partagées.

Un exemple, chez Fujifilm, où les designers ont également pensé aux fans de selfies. Équipés d’écrans flexibles, les nouveaux appareils de la marque facilitent non seulement la prise de selfies, mais aussi de portraits de vos compagnons de randonnée. Une fonction “remote” cadre avec l’envie croissante des vacanciers de réaliser des clichés de groupe toujours plus drôles et spontanés, loin de l’image traditionnelle de la famille à la dégaine un peu gauche immortalisée par un inconnu face à la tour de Pise.

Le retour de l'album

Cette volonté de capturer le moment présent sans forcément viser la perfection technique explique également le succès des appareils instantanés, type polaroïd, qui cartonnaient en 2018 quand Fujifilm les rééditait dans des couleurs pastel. Ici, le cadrage et les réglages ont moins d’importance que le look de l’appareil (vintage ou pop, de préférence) et le caractère spontané des photos. Des clichés qui passent du virtuel au réel et qu’on affiche volontiers sur son frigo en format... carré, encore une fois.

Dans ce même esprit, on constate un retour en grâce du bon vieil album photos dont les ventes s’envolent. Une manière de conserver une trace tangible de ses périples et de se libérer de la dictature du digital.

Quant aux Millenials (toujours eux) qui n’ont jamais connu les photos imprimées, ils se passionnent pour cette matérialisation de leurs souvenirs de vacances version néorétro. D’autant qu’il n’est plus nécessaire, désormais, de passer par la case “collage”. L’album 2.0 se commande en quelques clics, en même temps que d’autres produits dérivés (agrandissement sur support rigide, tasses, calendriers, etc.) dont le succès est également grandissant. Hybride et instantanée, la photo de voyage n’est pas, on l’aura compris, à un paradoxe près !

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