Comment a débuté votre intérêt pour le design ?
Lorsque j'étais enfant, mes parents ont participé à mon éducation dans plusieurs domaines de l’art : architecture, peinture, photographie… Grâce à eux, dès mon plus jeune âge, j'ai hérité de leur intérêt pour le monde des arts et obtenu les clefs pour le développer davantage. Dans mon métier, cela m’a beaucoup aidé de posséder une compréhension naturelle de la beauté. J'ai toujours eu un sens très intuitif de la créativité, sous toutes ses formes : danse, mode… J'ai commencé par l’architecture, grâce à un professeur de la faculté Sint-Lucas de Gand, qui faisait partie du cercle d'amis de mes parents. Il m’a expliqué que la qualité principale de l'architecture était sa capacité à englober toutes les facettes des arts appliqués. L’architecture m’a donné (et me donne encore) l’opportunité d’exprimer ma créativité de différentes manières et de contribuer à «l’art» de vivre ».
Comment êtes-vous devenu le plus méditerranéen des Belges ?
Il y a une touche méditerranéenne dans ma personnalité que j’ai hérité du côté maternel de la famille. J'ai toujours été attiré par la culture méditerranéenne dont je mêle la saveur, à mes projets. De plus, au fil des ans, j’ai voyagé dans les pays méditerranéens et vers des destinations où les populations vivent dans des formes d’habitat primitif en terre crue, en pisé.
Comment abordez-vous les matériaux ?
Dans mes recherches, une part importante de l'émotion vient de la place que je donne aux matériaux dans un espace. Mes matières préférées, sont pures et organiques; elles doivent exprimer leur caractère individuel avec toutes leurs imperfections et leurs textures particulières. Depuis le début de ma carrière, il y a une trentaine d'années, j'utilise toujours des matériaux naturels, nobles et durables aux couleurs désaturées. C’est leur aspect tactile qui m’intéresse. Je ne travaille pas les matériaux artificiels ou synthétiques. Dans la collection Louisa qui comprend un ensemble de tables d'appoint et de tables basses, prenez la version en bois, par exemple, elle rappelle un motif de marqueterie traditionnel ! La collection est également disponible dans des finitions plus contemporaines telles que le béton, la laque, l'étain ou le cuivre. Mais ce n’est pas tout. Louise donne à l'utilisateur la possibilité de superposer les plateaux de table partiellement en porte-à-faux pour créer des compositions inattendues. L'inspiration est venue de la nature, de la chaleur visuelle des nénuphars dans un étang, des combinaisons moléculaires. Le piètement tronconique garantit la stabilité structurelle et visuelle.
Bibliothèque Hector, qui permet de réaliser des compositions aériennes avec des dimensions variées, chez Molteni & C.
Souscrivez-vous aux thèses de «Ornement et crime» d'Adolf Loos et du «Moins c'est plus» de Ludwig Mies van der Rohe ?
Je suis un grand fan des deux. Je suis d'accord avec Loos, la beauté vient de la pureté et des matériaux naturels. Je considère les ajouts décoratifs excessifs. Comme Ludwig Mies Van der Rohe, je recherche l'essence de l'espace, en me débarrassant de tous les ornements supplémentaires. Mon attention se porte sur la pureté de l’esthétique.
Pourquoi attachez-vous tant d'importance aux finitions ?
Lorsque je choisis les finitions et les détails, je dois réaliser un certain équilibre entre la pureté des lignes et la densité du projet. La richesse d’un espace se doit d’être rehaussée par des détails délicats tels que des finitions en plâtre velouté, des textures de bois desséchées et des teintes neutres. Pour moi, les intérieurs irradient de luxe et de confort lorsque les bases du design sont respectées et prolongées en créant des espaces intemporels définis par l'essentiel, où seuls la lumière, la forme et les matériaux sont en jeu.
Comment gérez-vous toutes vos activités ?
Je n'ai jamais pensé que le design de produit était séparé de l'architecture ou du design d'intérieur. L’intérieur, les meubles et les objets, l’extérieur, le paysage, tout est étroitement lié. Pour moi, il est important de comprendre comment les gens vivent chez eux, de déceler quelles sont leurs habitudes, leurs besoins, leurs envies pour que je puisse y répondre dans mes travaux futurs. Pour moi, l'architecture ne concerne pas seulement l'espace structurel ; les intérieurs participent de ma vision globale. J'ai aussi tendance à limiter mes collaborations, à travailler de façon plus exclusive avec Molteni Group, car mon travail répond à leur élégance, leur intemporalité, leur savoir-faire exceptionnel, ce fameux héritage italien. Avec d'autres marques, c’est différent, je dois recadrer mon style en adoptant un esprit plus moderniste ou plus orienté design, par exemple…
Comment est née la collaboration avec Molteni & C ?
Après un premier projet en Arabie Saoudite qui s’est bien déroulé, la firme m’a proposé de concevoir des meubles pour elle ; le lit Ribbon et le système d'armoires Gliss Master ont fait partie de mes premières réalisations pour Molteni & C | Dada. Puis, j’ai accepté de concevoir leur stand d'exposition à Cologne, lors du salon du meuble, sur le thème du jardin secret. Ce projet, autour du patio, qui présentait une séparation entre la zone de nuit et celle de jour, restituait l'apparence d'une véritable «maison». C’était une véritable nouvelle approche sur le salon. Et lorsque, l’équipe a visité ma maison à Anvers, tout a commencé…
Suspension lumineuse Infra-Structure, qui permet de connecter des éléments verticaux et horizontaux pour composer des combinaisons 3D, chez Flos.
© Flos
A votre avis, Molteni, est-il un industriel ou un artisan ?
La famille Molteni est originaire de la Brianza, une région de Lombardie, près de Milan dans le nord de l'Italie, où l'esprit d'entreprise est assez fort; Cependant, pour réussir, vous devez également être un artisan et avoir les compétences et la vision d'un artisan.
Dans vos créations actuelles, la modularité vous semble-t-elle importante?
Mon objectif est de toujours créer le maximum de flexibilité. Il peut s'agir d'espaces modulables au sein d'un projet résidentiel, d'un bureau, d'un intérieur ou même d'un système modulaire pour un meuble. La bibliothèque Hector, un bel exemple de flexibilité et de modularité. Elle s'inspire des bibliothèques et des bureaux modernistes typiques que nous avons traduits dans un langage élégant pour la sphère domestique. , Il est possible d'ajuster chaque étagère, chaque composition, contre le mur ou comme séparateur d'espace, avec une précision au mm !
Dans le concept de cuisine Ratio pour Dada, les matériaux et la structure deviennent des acteurs de la personnalisation : les grilles métalliques dessinent l'architecture des bases, des éléments hauts, des colonnes, des hottes et des accessoires. Pour Paul, un ensemble de canapés aux proportions élégantes et aux lignes rassurantes, les éléments linéaires, les compositions angulaires, les chaises longues… tout a été conçu avec un seul coussin de siège. La belle profondeur des assises très confortables, luxueuses et cosy, est un atout supplémentaire.
Quant à la collection de canapés Octave, née de notre quête de proportions idéales pour créer un jeu graphique subtil de géométries et de volumes, elle est très polyvalente, en particulier pour compléter des environnements déjà existants, créer des atmosphères variées avec des compositions et des configurations infinies.
Pensez-vous que la Covid a changé votre approche de l'espace?
De nouveaux projets et espaces ou prochaines collections doivent évoluer pour prendre en compte la distanciation sociale et le travail à domicile qui, de plus en plus, effacent les frontières entre espaces de vie et de travail.
En images, retrouvez quelques-unes de ses pièces phares :
