Pourquoi la belgitude est à la mode ? 

La Belgique a ce petit quelque chose qui semble tous les rendre gagas. Son capital culturel ne date pourtant pas d’hier, mais les Belges sont partout et tout le temps dans la culture. Les francophones sont d'ailleurs aussi sous le charme des Belges. Voici les raisons pour lesquelles la Belgitude est devenue à la mode et compte le rester.

PAR ZAHRA BENASRI PHOTO: Unsplash/Youtube. |

Nos chaînes de radios et de télévisions sont –en Wallonie en tout cas- souvent monopolisées par la culture française. Si le belge consomme des émissions françaises, les français ont quant à eux ouvert grands leurs bras à nos artistes du plat pays, à tel point qu’à l’international on ne distingue pas un belge d’un français. Il aura peut-être fallu qu’Angèle, Damso et Roméo Elvis passent en boucle sur les ondes pour qu’on découvre que la Belgique n’est pas une province de la France mais a bien une identité propre et distincte. Aujourd’hui, il est devenu trop lassant de devoir rappeler que Jacques Brel est belge, la question se pose donc de savoir : pourquoi on aime tant les Belges ?

1. Le Belge est créatif

Être belge, c’est être surréaliste, être rêveur, détaché de la réalité, terre à terre, pragmatique et rationnelle à la fois. Si l’absurde distingue le Belge parmi tant d’autres choses, c’est notamment grâce à la pipe et les chapeaux melons d’un certain René Magritte. Le surréalisme a souvent été noir/jaune/rouge et il est parfaitement illustré dans le fantastique « Mr. Nobody » de Jaco Van Dormael où les rêves et la réalité s’entremêlent.

Le Belge est un rêveur. La créativité belge est immanquable dans le milieu des dessinateurs. Si Hergé, avec son Tintin, a élevé les aventures du reporter au rang d’une des bandes dessinées les plus populaires d’Europe (Spielberg en fera même un film), les Schtroumpfs de Peyo sont passées de BD populaire nationale à grosses productions d’animation américaines. Sans oublier, le gros chat du caricaturiste Philippe Geluck qui critique avec cynisme l’actualité. On peut dire que le belge a définitivement assis son inventivité dans le domaine créatif. 

2. Le Belge est drôle

Le Belge a de l’autodérision, c’est d'ailleurs son côté maladroit qui charme nos voisins français. C’est pour cette raison que le Belge se reconnaît dans ‘‘La Loi de Murphy’’ chantée par Angèle qui fredonne les petits malheurs d’une journée catastrophique, le tout tourné dans un clip haut en couleur par la photographe belge, Charlotte Abramov. Si depuis bien longtemps Stephane de Groodt, a déjà conquis avec sa verve et son goût pour les bons mots sur la chaîne Canal + grâce à sa chronique, il ne fallut que très peu de temps à Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek pour s’emparer de la radio française France Inter, en animant des capsules humoristiques. Nawell Madani, humoriste molenbeekoise, appellera même son spectacle « c’est moi la plus belge ». Mais l'humour belge, c'est quoi au juste ? Il est vu comme un humour mêlé d’une certaine bienveillance et peut-être moins frontal. Mais il se veut aussi léger que surréaliste, et quelques fois même un peu bourrin, admettons-le. Et si on nous imite souvent avec un accent qui dépasse la caricature en tant que mangeur de frites mayo et adorateur de la bière, il serait malhonnête de ne pas avouer qu’il y a une part de cela dans la mécanique comique du Belge.

Le premier de toute cette longue liste dans la caricature du belge n'est autre que François Damiens, qui a interprété durant 8 ans « François l’embrouille », au travers de caméras cachées dont on se souvient tous encore aujourd'hui, avant de briller dans le milieu du cinéma.
Quelques fois le belge provoque le rire malgré lui, faisant de la Belgique malencontreusement le terreau des castings de télé-réalité. La simple allocution de Jean-Claude Van Damme est le bon exemple que le Belge, on l’aime comme ça, créativement maladroit et maladroitement drôle.

3. Le Belge est attendrissant

Bruxelles fut sous le feu des projecteurs en 2013, quand la silhouette longiligne de Stromae déambulait faussement saoul à l’arrêt de tram Louise. Cette supercherie était en fait le clip du titre « Formidable » tourné en caméra cachée. 
La mélancolie du clown triste définit bien le monument qu’incarne Benoît Poelvoorde. Si l’acteur namurois qu’on ne présente plus a fait du chemin depuis « C’est arrivé près de chez vous », en enchaînant les succès au cinéma ; sa sensibilité derrière ses grimaces peut se ressentir au travers des projets qu’il crée dans l’ombre comme l’Intime Festival par exemple. Ce festival permettant à des écrivains et des acteurs de déclamer des textes au Théâtre de Namur, laisse ainsi le cinéma, la photographie, l’illustration ou encore la musique s’entremêler dans la capitale de la Wallonie.

Dans « le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain », Yolande Moreaux illustre parfaitement l’aspect touchant du belge lorsqu’elle incarne Madeleine Walace, concierge, pleurant la disparition de son mari. Le Belge attendrit par sa sincérité et son sens du cœur. Prennons l'’écrivain, Amélie Nothomb dont les séances de dédicaces semblent être des retrouvailles de vieux amis, tente de répondre à toutes les lettres qu’on lui envoie, entretenant une relation presque intime avec ses lecteurs. Bref, le Belge est apprécié pour son humanité et sa proximité avec les autres. Petit pays. Mais grand cœur !

4. Le belge est engagé même dans son art

Si le duo Angèle/Charlotte Abramow resplendit dans le clip féministe « Balance ton quoi », elles ne sont pas les seules militantes, puisque nombreux sont les artistes belges de tous horizons à s’engager, rendant la culture presque politique. Abramow eut avant cela, un succès certain grâce à son clip de la chanson « Les passantes » de Georges Brassens, à l’occasion de la journée internationale des femmes en 2018, en mettant en scène des métaphores de vulve et de menstruation. Les cinéastes Jean-Pierre et Luc Dardenne (Rosetta, Deux jours une nuit, l’Enfant…) lauréats de deux palmes d’or sont parmi les pointures du cinéma social européen. Encore au cinéma, lui aussi récompensé à Cannes, Lukas Dhont a ébloui avec « Girl » relatant l’histoire d’une danseuse étoile née dans un corps de garçon.  Le réalisateur flamand capture le fleurissement de soi entre la douleur et poésie.

La Belgique fut d'ailleurs l’un des premiers pays à s’engager lors des marches pour le climat. Pour s’insurger face à l’urgence climatique des personnalités telles qu’Angèle, Geluck, Bouli Lanners et bien d’autres furent des soutiens de taille. Le Belge est engagé sans être moralisateur, il arrive à être écouté car il s’adresse à son public comme à un ami sans jugement et avec compréhension.
 

5. La Belge est à la mode, le rap aussi

Le rap, genre musical le plus écouté dans le monde en 2019, est à la mode. Mais il est surtout très belge. La smala avec ses musiques instrumentales old-school, Caballero et JeanJass dans un style davantage clubber, Hamza mélangeant le rap et les sons cloudés à l’aide de l’autotune, Shay cassant les codes en tentant d’apporter du féminin dans le genre en jouant avec des harmonies électroniques ; le rap belge enchaîne tous les succès en gardant une plume inimitable. Il y en a pour tous les goûts : Damso, devenu une référence inégalable, impose une écriture sombre et pointue, sans oublier de référencer son pays. Dans « Bruxelles vie » dans lequel Dams chante : ‘‘Bruxelles-Bruxelles vie, (…) Douzedou Gordon vie’’, même la bière Gordon à 12 degrés devient un patrimoine national pour celui qui a en sa possession une victoire de la musique. Roméo Elvis (avec Caballero) déclame aussi sa fierté dans « Bruxelles arrive » ou dans « Nappeux » en tournant son clip devant l’Atomium. Le charme belge apporte un vent de fraicheur dans le paysage musical francophone, mêlant talent et humour mais aussi histoire. Le rap étant de l’art, le rap étant à la mode, le Belge est plus qu’à la mode. CDFQ. 
 

On a dit Belgitude

Belgitude, c’est donc le mot à garder en tête pour les années à venir. Un panel de noms n’a pas été évoqué, mais les Belges brillent sous beaucoup de cieux. Si les carrières des actrices telles que Virginie Efira, Cécile de France, Déborah François, Emilie Dekenne, Marie Gillain n’ont pas été détaillées, les Belges sont évidemment présents hors territoire national, Lost Frequencies, DJ bruxellois, se produisait au festival californien Coachella en 2016, inutile d’ajouter que dans le sport, en football, le pays atteignit la demi-finale de la Coupe du Monde avec ses Diables en 2018; le tennis, également connu de grands noms tels que Justin Henin, Kim Clijsters et David Goffin, mais aussi dans le journalisme, la littérature, la radio, la cuisine, la photographie... Une multitude de talents belges se déploient en dehors des frontières et bien au-delà de la francophonie. Si le Belge est en effet, aussi rêveur que créatif, drôle que bourrin mais infiniment attendrissant, touchant et humain, il a aussi de l'auto-dérision, un atout qui lui est propre. Le Belge n’est pas qu’une tendance, puisque le talent ne s’invente pas. Pour toutes ces raisons, le capital culturel belge n’en est qu’au début de son ascension, alors il est plus que temps de réaffirmer sa belgitude. Les Diables rouges n’ont malheureusement pas ramené la Coupe à la maison mais il est hors de question qu’on nous vole Stromae !