À quoi pourraient ressembler nos habitations dans le futur d'après Sébastien Caporusso ?

À 35 ans, le Bruxellois succède à Alain Gilles, Alain Berteau, Nathalie Dewez ou Jean-François d’Or au titre de “Designer de l’année”. L’occasion de lui demander à quoi pourraient ressembler notre habitation, notre espace de travail et notre mobilier dans les prochaines années.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS SÉBASTIEN CAPORUSSO SAUF MENTIONS CONTRAIRES. |

Diplômé en architecture d’intérieur au CAD Bruxelles, Sébastien Caporusso a d’abord fait ses armes à l’étranger (Hong Kong et New York) avant de se réinstaller dans la capitale et d’y fonder son studio. De la conception d’espaces poétiques et délicieusement méditerranéens à la création de mobilier, le trentenaire s’inscrit dans une approche simple et réfléchie du design. Qu’il s’agisse de ses tables en marbre aux formes délicieusement organiques, des intérieurs empreints de douceur qu’il conçoit pour ses clients privés ou encore du siège Rio, sa vision personnelle de la dolce vita 2.0, Sébastien Caporusso cultive un goût certain pour l’imperfection dans la conception la plus artisanale du terme. À quelques jours du démarrage de l’exposition Please Have a Seat, dans le cadre de la Biennale de Courtrai, le designer de l’année nous a livré sa vision du design de demain.

Ce qui l’intéresse dans le design ? Expérimenter en permanence de nouveaux assemblages.

Le design du futur sera noble

Seizième lauréat de ce prix visant à soutenir les talents du royaume, Sébastien Caporusso est connu pour son amour des belles matières. Est-ce que ma passion pour le marbre est liée à mes origines italiennes ? Je vous dirais que si c’est le cas, ce n’est pas vraiment conscient. Même si, j’en conviens, mes inspirations sont résolument méditerranéennes, nous dit-il. Quand je cherche à m’évader – ne serait-ce que dans ma tête –, je pense inévitablement à une maison dans le Sud, au bord de la mer. D’un point de vue de la matérialité, j’ai effectivement des affinités avec la faïence ou le marbre, mais j’aime aussi travailler le béton, le cuivre, le métal, la pierre naturelle ou encore les essences de bois noble. J’ai d’ailleurs récemment lancé une collection de tables en béton dans lesquelles j’ai intégré des morceaux de marbre de tailles et de formes différentes. Cette particularité rend chaque pièce unique. Ce qui m’intéresse dans le design, c’est d’expérimenter en permanence de nouveaux assemblages. J’aime les objets durables que je peux faire évoluer au fil de mes voyages ou de mes rencontres avec des artisans.

Flexible et évolutif

Parmi les différents projets du designer, le plus récent est l’espace de coworking Silversquare à Bruxelles : 600 m2 de bureaux conçus comme s’il s’agissait d’une maison de vacances, à proximité de la mer ; un chantier qu’il a pu, comme l’essentiel de ses projets, résidentiels pour la plupart, orchestrer de A à Z. Je crois beaucoup en l’idée d’un style de vie hybride qui puisse évoluer en permanence, précise-t-il. Pour Silversquare, Sébastien Caporusso a voulu créer un lieu fonctionnel pouvant donner lieu à différentes interprétations et utilisations. Une réflexion qu’on pourrait qualifier de “post-covid”, tant elle s’inscrit dans notre nouvelle manière d’envisager le travail et dans la diversification de nos modes de fonctionnement. J’ai voulu que les différents espaces ressemblent autant à des bureaux qu’à un appartement. J’ai par conséquent choisi des tons délavés, de grands canapés confortables et des fauteuils bas dans une idée de confort, de dépaysement et d’ouverture.

Intemporel sans être triste ou fade

Pour Sébastien Caporusso, en matière de design, les concepts “à la mode” n’ont pas vraiment de sens. Dans sa réflexion, la notion d’intemporalité s’inscrit dans un cadre plus large. Pour moi, un meuble ou un aménagement doit pouvoir passer de génération en génération. Lors d’un récent projet de rénovation d’une maison privée, j’ai été frappé par la modernité de la cuisine Cubex qui s’y trouvait déjà. Elle devait avoir 70 ou 80 ans, mais elle n’avait pas pris une ride. C’est cette cuisine qui a servi de fil rouge à toute ma réflexion. Si, au final, j’ai conçu un projet entièrement neuf, j’ai cherché à tendre vers cette même intemporalité, indissociable, selon moi, du design de demain. Je rejette l’idée selon laquelle il faudrait à tout prix utiliser des matériaux de récupération, sous prétexte que c’est tendance. Dans mes recherches sur la matière, il m’arrive souvent de recycler un vieux plancher ou une pièce de marbre, mais cette démarche ne doit en aucun cas virer à l’obsession. En fonction de l’environnement de la maison et de son histoire, je peux tendre vers un design sobre ou au contraire très sophistiqué. Les solutions toutes faites ou liées à une tendance éphémère ne m’intéressent pas.

Respectueux de tous les métiers

Sébastien Caporusso se définit avant tout comme un ensemblier. Quand je signe un projet, j’aime le gérer dans sa totalité. En marge de l’aménagement des différents espaces de vie, je conçois le plus souvent les luminaires, les tapis, le mobilier... Lorsqu’il planche sur des chantiers en Belgique, le designer aime d’ailleurs s’entourer des meilleurs artisans du pays. Quant à ses projets à l’étranger, ils lui donnent l’occasion d’élargir son champ des possibles. Pour une maison que j’ai récemment aménagée en Espagne, je me suis rapproché d’un atelier spécialisé dans la terre cuite, une matière propre à cette région d’Europe. Par le biais de toutes ces collaborations, je cherche, certes, à pousser plus loin ma recherche sur la matière, mais aussi à protéger, dans la mesure de mes possibilités, un héritage précieux propre à chaque pays et région du monde.

Expérimental et artisanal

Boosté par son titre de “Designer de l’année”, une récompense qu’il considère comme un grand honneur et une jolie reconnaissance du travail accompli jusqu’ici, Sébastien Caporusso souhaite se concentrer encore davantage sur la création de mobilier en petites séries et sur mesure. Attendre de trouver le bloc de marbre qui va m’enthousiasmer au point de me lancer dans l’assemblage d’une nouvelle pièce, m’amuse au plus haut point. Pour moi, le métier de designer passe par une réflexion théorique sur l’objet et sa fonctionnalité, mais aussi par un vrai travail en atelier. J’aime écouter mes clients, comprendre leurs besoins et traduire ces besoins en solutions pratiques, mais je ne pourrais pas me passer du contact direct avec la matière. Dans les prochains mois, en marge de mes nombreux projets résidentiels, j’aimerais explorer d’autres univers, créer de nouveaux espaces de travail, voire des concepts hôteliers et, bien sûr, poursuivre mes collaborations avec les galeries.

Découvrez son travail sur sebastiencaporusso.com

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