Venise comme à la maison

La Cité des Doges, ses canaux, ses gondoles, ses églises… Et ses nuitées hors de prix ! Plus qu’un plan B, la location permet de vivre la ville presque comme chez soi.

Texte Béatrice Demol. Photos Movi Press. |

Le saviez-vous ? Un tiers des Vénitiens vit dans Cannaregio, le quartier le plus discret de la ville, qui résiste au tourisme de masse. C’est là que j’ai posé ma valise. Mais pas à l’hôtel. Avec un vol low-cost et les repas à la maison, sans devoir acheter un pass pour les toilettes publiques les plus chères du monde, la Cité des Doges devient vraiment abordable ! Ici, plus qu’ailleurs, face à la nuitée à 200 € minimum, la location a toutes les raisons d’être. Et permet de vivre une ville plutôt que la visiter.

Se fondre parmi la population. Se réveiller au son du crieur aux poissons. Descendre acheter son pandoro à la panetteria et avaler un espresso avec les locaux au torrefazione. Se serrer sur la petite terrasse de l’appartement qui embrasse la sérénissime pour attraper les premiers rayons du soleil. Dévaler l’escalier majestueux de l‘immeuble et se retrouver directement dans la rue, comme chez soi. 

Les plus belles vues sur la cité

Mon appartement se trouve au 4e étage d’un hôtel particulier du 17e siècle, sur la Fondamenta della Misericordia. Il est grand, meublé avec goût et possède une terrasse avec vue sur les toits de Venise. Confinés dans leur ghetto, les Juifs n’ont eu comme recours que de construire en hauteur, et Cannaregio est le quartier où les vues sur la ville et la lagune sont les plus belles.

Dans quelques jours, je rejoindrai une autre location, dans le quartier des teinturiers, toujours dans Cannaregio, le berceau de Marco Polo. Là, pas de quai, on passe directement de son embarcation privée au rez-de-chaussée et pour rejoindre les autres secteurs, il me suffit de traverser les petites venelles qui doublent les calles principales. L’occasion d’entamer la conversation avec un habitué du dédale, qui a toujours une petite anecdote historique à confier - Wagner, c’est à gauche, Hugo Pratt à droite… Oui, ils ont vécu et sont morts ici .

Certains passages obligent à avancer de profil pour croiser un autre promeneur, le nez contre les façades dentelées des petits palais - la calle Varisco mesure 53 cm de large. Les ponts sont tous sculptés. Les passerelles portent l’histoire de la ville jusqu’aux empreintes qui indiquaient l’emplacement des soldats en cas d’attaque.

Cannaregio l’authentique 

Des six sestieri (quartiers historiques, NDLR) de Venise, emberlificotés dans 183 canaux et reliés par 478 ponts, Cannaregio est le plus authentique et pourtant le moins visité. Même si tout est relatif dans une ville qui compte annuellement 27 millions de visiteurs pour 60.000 autochtones intramuros.

Quelques édifices sont pourtant emblématiques de l’éclat architectural et historique de la ville. Comme l’église Santa Maria dei Miracoli, qui marque la transition entre le gothique et la Renaissance. Ou la cathédrale della Madonna dell ’Orto, décorée par le Tintoret. Le Palais d’or, la Ca ‘ d’Oro, qui ouvre le quartier sur le Grand Canal, renferme une collection édifiante de peintures toscanes et flamandes. Le Cimetière San Michèle, frontière avec le quartier Castellon où l’Arsenal abrite désormais la Biennale de Venise, n’est toujours accessible qu’en gondole.

Très animé le jour, l’ancien ghetto juif se la joue romantique la nuit. Sur les larges quais des quatre grands canaux, entre habitations populaires et imposants palais, la vie est joyeuse, bavarde, inspirante. 

À Venise, tout est classé

Le Grand Canal reste incontournable. La voie naturelle de Venise est un livre d’Histoire que tous les guides racontent en détails. Mais observez ces détails. Les pompiers évacuent un petit palais du 15e. La police contrôle une gondole sculptée d’or et de bois. Des barges transportent des congélateurs ou des légumes d’un côté à l’autre du chenal et d’autres, des hordes de touristes. Des canots à moteur trop rapides font filer une jeunesse dorée. La vie échappe souvent au visiteur trop soucieux de ne pas rater un monument classé. Mais à Venise, tout est classé. Y compris la population. Étape obligée, le pont Rialto, avec les boutiques nichées de chaque côté dans les supports de l’édifice.

Pour San Marco, revenez demain matin, au lever du soleil. L’endroit est alors désert jusqu’à la Piazzetta qui ouvre l’espace sur les quais puis sur la célèbre lagune. Et si c’est pour la vue, le Campanille San Giorio Maggiore, en face et gratuit, offre un plus beau point de vue que celui de la basilique Saint Marc recommandé par les guides. Dans la poche : Venise sur les traces de Brunetti , douze itinéraires basés sur les enquêtes du célèbre commissaire imaginé par la romancière Donna Leon. Je me perds dans le labyrinthe de la ville. C’est la meilleure façon de visiter.

Le marché aux poissons

À Venise, il est bon de se perdre dans les rues sans nom - les grands quartiers sont fléchés sur les façades - pour mieux recommencer après une pause sur un campiello, ces petites places qui drainent moins de touristes que les grandes. Associées aux églises et aux scuola de quartier — dont les visites sont toutes gratuites —, elles sont des lieux de rencontres pour les locaux, qui y bavardent joyeusement aux terrasses de café. Autour de mon quartier de cœur, les autres sestieri semblent profiter de cette belle humeur permanente.

Au sud, San Croce/San Polo, est composé d’une dizaine de petits quartiers où de nombreux palais ont été transformés en musées. Son marché aux poissons est incontournable pour celui qui ne veut pas manger tous les soirs dans une osteria ou une pizzeria (quoique, la ville affiche tous les budgets en matière culinaire).

L’arbre à souhait

Également préservé de la foule, mais déjà cosmopolite par sa vocation artistique, le quartier Dorsoduro est un peu le Soho de Venise : les artistes étrangers qui ont les moyens d’entretenir les petits palais et les jardins multiplient les expositions et les apéros sous la vigne.

Entre la plus grande œuvre baroque de Venise (la basilique Santa Maria della Salute) et les plus beaux vestiges patrimoniaux (le musée Accademia), je préfère la discrète Fondation Peggy Guggenheim, qui abrite l’une des plus importantes collections d’art moderne de la première moitié du 20e siècle. Magritte, Kandinsky, Klee, Pollock, Ray, Giacometti… animent les salles du palais inachevé et les allées d’un jardin dans un coin duquel la collectionneuse américaine repose avec ses chiens, à côté d’un arbre à souhait.

C’est dans ce quartier aussi que le dernier squero construit encore des gondoles (elles sont actuellement 400 sur les canaux), chacune au prix d’une voiture de luxe. Les prix et l’humeur des gondoliers s’en ressentent. N’hésitez pas à partager votre gondole et à exhorter le rameur à quitter le Grand Canal pour pénétrer les canaux secondaires avant de vous lâcher sur le quai des zattere, le long du canal della Giudecca. Le coucher du soleil depuis les terrasses sur pilotis y est juste parfait.

Le ciao d’un voisin

Je visite aussi les hôtels que je ne peux me payer. Le Danieli pour ses toilettes. Le Bauer Palazzo pour son lunch au-dessus de la lagune (que je m’offre avec les économies que j’ai réalisées !). Le bar du Palazzina G pour la déco de Philippe Starck.

En rentrant “ chez moi ” le soir, en retraversant les six sestieri, je redécouvre chaque jour Cannaregio. Là, une sculpture passée inaperçue, ici une porte ouverte sur un jardin privé, le ciao d’un voisin déjà croisé trois fois. Le Vénitien qui m’a loué ce superbe appartement avec vue sur le campanile, sur les folles cheminées à cône inversé (pour éviter les incendies) et sur les terrasses suspendues, m’a confié de bonnes adresses : ce soir, cigales de mer, rizotto et légumes grillés au milieu des habitants, juste assez loin des pigeons de la place Saint Marc. 

Y ALLER
Si vous voulez encore tenter le carnaval (du 18 au 28/02/2017 www.carnevale.venezia.it), vous trouverez plus facilement une location qu’un hôtel. Nous avons testé des appartements proposés par Belvilla (www.belvilla.be). Attention, Airbnb propose rarement l’entièreté du logement. TUI, spécialiste des packages hôteliers, vient d’ouvrir un portail international de locations de vacances (www.tuifly.be/fr/locations). Avec de bonnes chaussures et le Lonely Planet en poche, Venise vous appartient 

Coups de cœur gourmands

Il Paradiso perduto. Pour ses antipasti aux légumes et l’ambiance. 
2540 Fondamenta Misericordia. Canneregio. https://ilparadisoperduto.wordpress.com 
Resto Do Rioba. Bières vénitiennes artisanales et poissons frais. 
2553 Fondamenta Misericordia, Cannaregio. www.darioba.com
Boccadoro. Grande cuisine sur une petite campiello. 
5405/a Campo Widman, Cannaregio. www.boccadorovenezia.it
Volpe. Pâtisseries juives. 
Calle del Ghetto Vecchio, Cannaregio
Ostaria Al Ponte. Cicheti (en-cas) sur le zinc ou à emporter. 
Ponte San Giovanni e Paolo, Canneregio
Harry’s Bar. Pour les comédiens qui jouent devant, pas pour les prix 
à l’intérieur.
1323 Calle Vallaresso, San Marco. www.harrysbarvenezia.com