De père en fils : comment c'est de lancer un business en famille ?

Ces duos père/fils et père/fille travaillent ensemble. Un choix pas forcément évident mais qui leur procure une véritable satisfaction. Ils nous ont raconté leur quotidien et livré leurs meilleurs conseils pour bien gérer leur affaire en famille.

PAR MARIE HONNAY, LAURA SWYSEN, CORA DELACROIX, SIGRID DESCAMPS. PHOTOS D.R. SAUF MENTIONS CONTRAIRES. |

Les Greven, tailleur de père en fils 

Depuis 14 ans, Jean-Marie Greven et Sébastien orchestrent ensemble une double enseigne mode à Liège. Sébastien : "Quand j’étais enfant, je passais parfois voir mon père chez le tailleur où il a travaillé avant d’ouvrir son propre magasin.À l’époque,la mode masculine ne m’intéressait pas plus que ça, mais quand j’ai senti que le développement de l’enseigne nécessitait que j’aide mon père, je l’ai rejoint. Très vite, je me suis pris de passion pour le métier. Désormais, c’est moi qui gère le département sur-mesure. Si les bases, c’est mon père qui me les a transmises, je pense avoir réussi à professionnaliser davantage ce service. Papa ne parle pas beaucoup. Tout ce que j’ai appris, c’est en l’observant. Il a 50 ans de métier. Il sait donc de quoi il parle."

Jean-Marie : "Nous avons rarement l’occasion de nous arrêter pour profiter de notre réussite. Le métier exige qu’on soit tout le temps dans l’action. Nous venons de transformer complètement notre premier magasin et d’ouvrir une boutique dames, juste en face. Tout ça nous prend toute notre énergie. En période de stress, on n’est jamais à l’abri de l’une ou l’autre tension. Quand on est fatigués ou sous pression, on a plus de mal à communiquer. C’est là que ça peut déraper." Sébastien : "Il y a dix ans, quand je suis rentré de mon premier salon, j’ai eu envie de tout changer dans le magasin. Ça aurait été une erreur. On peut, comme je le fais, apporter une touche de modernité dans les achats ou l’aménagement des espaces, mais sans tourner le dos à ADN de l’enseigne. Depuis que j’ai rejoint mon père, la clientèle a rajeuni. Avant, même si papa est très élégant, les trentenaires qui souhaitaient s’offrir un costume hésitaient à pousser la porte du magasin. Ce n’est plus le cas aujourd’hui." Jean-Marie : "Quand on passe six jours sur sept ensemble, on n’est pas forcément tentés de partager, en plus, tous nos moments de liberté..." Sébastien : "Je l’ai longtemps pensé jusqu’à ce que, récemment, j’ai réalisé que c’était nécessaire de vivre de vrais moments de détente en famille. Notre relation ne doit pas être uniquement centrée sur le travail."

Un conseil pour réussir son entreprise familiale ?

"Même si travailler en famille peut faire peur, il faut au moins essayer. Quand on a la chance de pouvoir capitaliser sur une affaire qui tourne, il est stupide de tout envoyer balader sans même tenter l’aventure."

maisongrevens.be

La vidéo du jour :
 

Fadi et Antoine Sfeir, le vin de fils en père 

Vous tombez à merveille : on sort tout juste notre Cabernet de Papa !, nous lancent Fady et Antoine Sfeir losque nous les contactons. Depuis deux ans, ce père et son fils sont à la tête de la start-up Pif à Papa. Le concept ? Proposer des vins bio, biody- namiques et naturels fabriqués à Courbevoie, à cinq minutes du quartier d’affaires de La Défense, à Paris. On a toujours eu une relation fusionnelle, raconte Antoine, 29 ans. Passionné par l’univers du vin depuis un stage en école de commerce, le jeune homme a d’abord travaillé comme caviste et importateur en Champagne, en Australie et en Espagne. Pif à Papa est tout sauf une entreprise conventionnelle ; ici, c’est le fils qui a transmis la passion du vin à son père.

À la différence de la majorité des entreprises viticoles, chez nous, la transmission filiale a été inversée, précise Antoine. L’idée de travailler ensemble commence à germer lorsque Fady, directeur commercial dans les logiciels d’entreprises, lit le mémoire de fin d’études de son fils. Il portait sur la production urbaine de vin et l’histoire du vin dans la capitale française. J’ai trouvé ça génial et j’ai dit à mon fils qu’un jour on ferait un chai urbain ensemble, raconte Fady. Le jeune sexagenaire opère alors un virage à 180 degrés pour entamer une formation d’œnologie et rejoint son fils dans l’aventure. Résultat, aujourd’hui, Pif à Papa produit 12 différents vins par an, proposés notamment dans une box mensuelle aux abonnés. Le Rouge du Neveu, Le Chardonnay des Cousins, Le Rosé de Mamie... Toutes les cuvées sont liées à l’univers de la famille. La clé de leur collaboration ? On est très complémentaires et on a une grande estime l’un pour l’autre. On apprend énormément l’un de l’autre, affirme le duo.

À celles et ceux qui voudraient se lancer avec leur papa...

Fady conseille de bien choisir son papa (il rit). Plus sérieusement, cela nécessite beaucoup de réflexion en amont. Il faut s’assurer qu’on pourra bien travailler ensemble. Car ça peut aussi mener au cataclysme...

pifapapa.fr

Arnaud Wittmann et Sacha, le luxe en héritage

À 24 ans, Alexandre (dit Sacha) vient de rejoindre son père, propriétaire de Maison De Greef à Bruxelles. Arnaud : Lorsque j’ai rejoint la maison, il y a trente ans, on m’a tout de suite jeté dans le grand bain sans me demander ce que j’aimais faire et dans quoi je souhaitais m’accomplir. Pour mes enfants, je vois les choses autrement. Je souhaite qu’ils se réalisent pleinement en suivant la route qui leur semble la plus logique. Et si, comme c’est le cas pour Sacha, ils souhaitent ensuite intégrer l’entreprise, pourquoi pas. Ce dont je n’avais pas envie, c’est que Sacha nous rejoigne à contrecœur, puis se dise à 40 ans qu’il a raté sa vie. Pour l’instant, il termine son cursus tout en travaillant au magasin environ trois jours par semaine. Depuis que mon frère a quitté la maison il y a quatre ans, je dois tout gérer seul. J’ai moins de temps à consacrer à la création et ça me frustre énormément. Je suis donc parfaitement conscient de l’importance de trouver sa voie.

Sacha : J’ai fait trois ans de communication, puis j’ai entamé des études dans l’audiovisuel. Contrairement à ma sœur qui, comme papa, est plutôt créative, je ne me vois pas dessiner des bijoux. Mon rôle est plutôt commercial. Nous avons aussi commencé à réaliser des contenus digitaux, comme des vidéos. Ce qui me fascine dans ce métier, c’est que l’apprentissage est permanent. Tant en termes de montres que de joaillerie, côtoyer mon père, mais aussi les horlogers est follement intéressant.

Arnaud : J’ai tout de suite senti que Sacha était fait pour la vente ; plus que moi qui suis de nature plutôt introvertie. Les marques de montres que nous distribuons mettent la barre très haut en matière d’exigences. C’est donc rassurant de savoir que Sacha va pouvoir, à terme, gérer cet aspect des choses. Je ne pense pas être plus dur avec lui qu’avec mes autres collaborateurs. Certains de nos clients fidèles - dont les enfants ont l’âge de Sacha - apprécient de le voir dans le magasin. Pour eux, c’est un gage de confiance. La preuve que notre maison mise sur la transmission. Sa présence instaure une nouvelle dynamique.

Sacha : Il n’est pas rare qu’un client qui entre dans le magasin me lance “Vous, vous êtes un Wittmann !” Dans notre famille, on ne se prend pas trop au sérieux. Les produits que nous vendons sont liés à la notion de rêve.

Un conseil pour concilier business et lien du sang ?

Bien saisir les compétences et le potentiel de chacun. Comprendre les forces et les faiblesses d’un collaborateur, membre de votre famille ou non, et le laisser occuper une position qui lui convient, ce qui permet d’éviter bien des frustrations.

maisondegreef.com

Quatre générations de Nihoul

125 ans, quatre générations. La maison Nihoul est une institution bruxelloise très appréciée des becs sucrés. La première boutique a ouvert ses portes en 1897, dans la rue Neuve. Après plusieurs déménagements – la pâtisserie est passée par le quartier Bailli et l’avenue Louise –, l’enseigne familiale possède un atelier-boutique dans une maison de maître située chaussée de Vleurgat. Pascal et Philippe, les fils de Christian Nihoul, ont acquis les “pleins pouvoirs” il y a trois ans. Chaque frère a un rôle défini : Pascal s’occupe de la production et Philippe de la gestion. Bien que leur nom les prédestinait à reprendre les rênes de cette entreprise historique, les deux frères ont dû batailler pour faire leur place et montrer à la génération précédente – composée de Christian, leur père, Édouard, leur oncle et Anne-Marie, leur tante regrettée – qu’ils étaient prêts à reprendre le flambeau .

On a dû passer par un putsch (rires). Notre père a pris sa retraite il y a trois ans environ, mais il occupe encore une place dans l’entreprise en tant que consultant. On lui demande toujours son avis. Notre oncle est très attaché à la pâtisserie, il nous pose régulièrement des questions sur les ventes, explique Philippe. Depuis leur arrivée à la tête de l’entreprise, les frères ont instauré quelques changements : ils ont installé un coin comptoir dans l’atelier et ont même essayé les nouvelles plateformes de livraison, tout en conservant les valeurs traditionnelles de l’adresse. Mon papa nous a avant tout transmis l’importance de respecter les produits, prendre soin des clients et leur proposer le meilleur. Cela reste nos valeurs.

Pour travailler en famille, il faut...

Savoir faire ouvrir les yeux à son entourage quand les choses ne vont pas !

nihoul.be

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