Smala, de guinguette d’été à restaurant gastronomique

Un champs, une guinguette estivale et maintenant un restaurant avec une ambition gastronomique : Smala épouse parfaitement les discours actuels du "bon, propre et juste" ( le mantra de l'ONG Slow Food) tout en nous percutant bien sauvagement les papilles ! 

Florence Hainaut et Carlo De Pascale, Photos : Smala Brussels |

Il y a comme ça des fois où je m’emballe, tandis que je mange, que je goûte. C’est souvent quand je ne m’y attends pas. C’est, bien entendu, éminemment subjectif, et surtout, dans ces cas-là, je me méfie de moi-même. Je crains toujours d’être sous influence, d’avoir perdu en capacité de jugement, et aussi, j’ai toujours cette appréhension à vous déballer, lectrices et lecteurs bien-aimés, cet emballement, de peur que vous ne viviez pas la même chose. Tant pire, comme dirait Zézette dans Le Père Noël est une ordure, aujourd’hui je me lâche ! Ça faisait des semaines que Florence me tannait avec Smala : Tu vas voir, elles sont géniales, elles ouvrent bientôt un resto, c’est imminent ! Des semaines, je vous dis. Smala, au départ, c’est un service traiteur d’abord ; un champ, ensuite. Depuis 2018, à Anderlecht, où Arth et Anaïs, en couple à la ville comme au boulot, cultivent des légumes sans cochonneries chimiques en collaboration avec Zofia maraîchère. Puis, Smala est devenu, l’été, une guinguette où l’on mange, tous les week-ends. Florence y est allée croquer des radis l’été dernier. Et depuis quelques jours, Smala, c’est aussi un restaurant, avec Arth la cheffe, en cuisine, et Anaïs en salle.

La vidéo du jour ; 

Le lieu

On est - une fois de plus vous allez nous dire, mais la commune déborde de vitalité horeca - à Saint-Gilles, tout près de Crab Club, de Saussice, de Fernand Obb et de Holy Smoke. On ne s’en cache pas, l’ambition est ici gastronomique avec une vraie exigence de durabilité. Les légumes viennent (pas tous, ça dépend de la saison) vraiment du champ, on est “km presque zéro”, les autres produits sont durables, locaux, de très grande qualité. Bières craft, vins nature... Oui, d’accord, on dirait que le catéchisme du manger en pleine conscience de la Terre et de l’avenir a été suivi avec une rigueur de moine chartreux. Mais je m’égare...

Revenons au champ, au périmètre de notre soirée. Ambiance brute, bois, briques, métal : tout sent encore le frais et, à part les chaises, chinées, tout a été fait par le duo derrière le concept. Là aussi, les codes sont respectés, accueil chaleureux, mais bon, on nous connaît un peu, difficile de passer inaperçus ici et in petto, je me dis que comme d’hab’, dans ces néo-gastro-écolo- cantino-restos-naturo-bièro compatibles, on va me la faire soit “assiettes à partager” (m’en fous, je ne partage pas toujours) soit, “menu unique selon l’inspiration de la cheffe”.

Dans l'assiette

C’est menu, sauf que s’il est “obligatoire” (38 € ou 55 € ; à midi formule petite carte) il n’est pas fixe : on a le choix, et on aime ça, vu qu’on est deux, de prendre un menu, choisir... et partager... un peu ! Le choix d’imposer est ici audacieux ; le client, pour ce genre d’enseigne à radicalité bien ordonnée, ne s’attend pas forcément à se voir imposer tout un menu. Nous sommes là le deuxième soir de l’ouverture, mais deux tables “qui voulaient juste manger un truc” lèveront le camp après prise de connaissance de la formule (pourtant affichée sur le net, sur la porte, sur la carte).

Soyons de bon compte, cette tendance désormais lourde d’une cuisine, d’une gastronomie responsable nous semble juste, nous fait souvent bien manger, souvent beaucoup mâcher (notamment des radis, en dix ans, j’ai mâché beaucoup de radis et de sarrasin aussi) et de temps en temps, nous offre des fulgurances. Ce soir c’était fulgurances. Dès les mises en bouche (crackers à la ricotta belge et graines de nigelle, brunoise de chou rave aux amandes fermentées), puis en première entrée des asperges aux lentilles (oui, je sais) avec pour une fois, une cuisson parfaite de l’asperge, ni trop, ni trop peu. Deuxième entrée, Florence se régale en silence d’un tartare de truite (crue et fumée) aux épinards avec des herbes dont je ne me souviens jamais du nom, et j’explose de joie avec des feuilles de chicon en tempura, mayo au cacao. Juste dingue.

Le plat végé annonce du sarrasin (ouille) mais c’est des panisses, comme des grosses galettes, de sarrasin, avec des poireaux et une sauce chimichurri – je vole la moitié des panisses à Florence – tandis que l’éclate continue avec le veau aux multiples haricots. Au-delà des intitulés, des herbes peu connues, et des associations, sur le papier, presque trop audacieuses, intervient ensuite lmusique, le talent de la cheffe. Et ce talent, c’est toujours la même joie de le croiser, c’est celui de la continuité des saveurs, de la complémentarité, de la vraie cohérence de l’assiette. Et ici, c’est ce que j’ai ressenti, c’est ce que nous avons tous les deux ressenti.

En images, notre menu :

Verdict

Certes, nous étions un peu “attendus” dans cette nouvelle adresse, mais le talent, tu l’as ou tu ne l’as pas, celui qui sublime (mot honni) tout le bazar (hommage à Arno) et qui rend tout le travail de durabilité et de recherche évident, percutant, et totalement gourmand. Allez, un bémol - dont on se fout – le fromage (une tomme au lait cru) devait avoir le lait très, très cru car elle piquait beaucoup trop pour un fromage à pâte pressée non cuite, bref y avait un défaut ; tandis que le dessert, subtil mariage de champignons et de chocolat nous emballait à nouveau.

Ce soir-là on a bu, comme de plus en plus souvent, de bonnes bières pas trop amères mais un peu amères (on le dit comme on le pense, ça allège nos estomacs et nos additions et le plaisir est aussi riche qu’avec du vin), mais il y a une jolie sélection de quilles nature (ça y est, je cause comme si j’avais un catogan et un tatouage) et on prie tous les dieux de la Terre nourricière que cet excellent départ continue sur la même lancée. Une belle adresse est née. Une grande cheffe a enfin trouvé son terrain de jeu.

L'adresse ? 32 chée de Waterloo, 1060 Saint-Gilles. T. 0487.54.78.02. smala.brussels

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