La story Componibili

Des modules aussi funs que révolutionnaires célébrant la vision de leur créatrice Anna Castelli Ferrieri, femme engagée. Rencontre avec sa petite-fille, directrice marketing de Kartell.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS D.R. |

Première femme diplômée de la faculté d’architecture de Milan, l’inventrice de ce drôle de petit meuble en plastique a toujours pris son métier très au sérieux. Convaincue que le rôle du design est non pas de faire joli mais bien de connecter les gens entre eux et de véhiculer un vrai message, Anna Castelli Ferrieri considérait la création comme un acte d’amour. Et dieu sait si l’amour a joué un rôle clé dans sa carrière puisque c’est en tandem avec son mari Giulio Castelli que la jeune femme fonde en 1949, alors qu’elle n’a que 29 ans, la société Kartell, la toute première de l’histoire à concevoir du mobilier en plastique.

Une révolution tant en termes d’esthétique que de processus de production. Comme directrice artistique de Kartell, elle a collaboré à de très nombreux projets explique Lorenza Lutti, actuelle directrice marketing de la marque, mais aussi... petite-fille de Anna. Elle a notamment aussi signé la chaise 4870, lauréate du prix Compasso d’Oro (un des plus prestigieux du design mondial, ndlr) et dernière pièce issue de la première génération de mobilier Kartell. 

Anna en 1969, au MoMA de New York.

La modularité comme leitmotiv

Surtout, il y a l’aventure Componibili. À la fin des années 60, les habitudes de vie des familles changent. Les gens vivent de plus en plus souvent seuls, divorcent, déménagent... D’où l’idée d’Anna Castelli Ferrieri de créer du mobilier résultant d’un assemblage de pièces modulaires, poursuit Lorenza Lutti. Un concept que Kartell n’a jamais cessé de réinterpréter depuis. Tantôt meubles d’appoint pour le salon, tantôt rangements pour salle de bains, les Componibili de Kartell ont, pour des raisons techniques, d’abord été conçus seulement dans des couleurs primaires. Mais dans les années 80, le Français Philippe Starck rejoint l’équipe de designers de la marque et conçoit la chaise imperméable et empilable Dr. Glob.  

La société amorce alors un vrai tournant dans son processus de production en introduisant des teintes pastel réalisées sur base d’un revêtement à base de talc. Ces dernières décennies, plus de 10 000 variations autour des Componibili sont apparues dans notre catalogue dont, par exemple, six tonalités différentes de blanc. Lorsque certaines ne sont plus produites, elles deviennent alors des raretés très prisées par certains collectionneurs. 

Si Philippe Starck a clairement contribué à assoir la renommée de Kartell ces trois dernières décennies, l’histoire des Componibili est étroitement liée à la grande famille de designers qui les ont revisités. Tantôt poétiques sous les traits des Japonais Tokujin Yoshioka ou Nendo, tantôt fashion par le biais d’une collaboration avec Angela Missoni notamment, les interprétations sont aussi diverses que ludiques et décalées.  

En mode fashion via Angela Missoni. 

Lorenza Lutti : J’avoue que j’ai une tendresse particulière pour l’hommage à Pollock rendu en avril dernier par Piero Lissoni à l’occasion du Salone del Mobile de Milan. Quelques jours avant le début du salon, le designer a lui-même peint les Componibili en utilisant des couleurs primaires, clins d’œil à l’artiste, mais aussi aux premières pièces sorties des ateliers de production de Kartell.  

Hommage à Pollock, de Piero Lissoni. 

Nous accordons une grande importance au made in Italy. Nous confions donc nos prototypes à de petits artisans locaux, experts dans leur
domaine et désireux de repousser toujours plus loin les limites du possible. Mais dans un même temps, nous voulons donner une dimension globale à Kartell en collaborant avec des designers internationaux.