Voici ce qui nous empêche le plus d’être heureux selon une psychothérapeute

À chaque époque, ses désirs, ses ambitions, mais aussi ses maux. Et quand on interroge une psychothérapeute sur le grand mal de notre siècle, voici ce qu'elle nous répond. 

Par Camille Vernin, Photo : Pexels |

Notre monde a bien changé. Il y a 30 ans, la société était plus cadrée, plus stricte, avec une morale plus restreinte. "Elle basculait souvent celles et ceux qui ne jouaient pas le jeu dans la marginalité, ou dans la dépression, soit dans un stress de lutte pour être dans l'affirmation de soi, soit dans un stress de soumission, avec toute l'aigreur que cela peut générer. En même temps, elle assurait des lignes claires, bien définies et non contestables", explique Anne-Françoise Meulemans, médecin psychothérapeute et fondatrice des CentrEmergences qui propose un panel de thérapeutes en ligne en fonction de chaque problématique.  

À l’inverse, notre société actuelle questionne les définitions d'hier, les présupposés, les valeurs, en mettant la question du sens et du bien-être à l'avant-plan. Elle amène plus de liberté, mais aussi plus... de choix. C'est lui qui serait le grand mal de notre siècle. L'adage "trop de choix tue le choix" n'aurait jamais eu autant de sens à une époque où tout le champ des libertés semble possible, pour le meilleur et pour le pire. Car cette permissivité extrême entraîne avec elle une explosion des névroses dû au dilemme permanent de faire le bon ou le mauvais choix. Quel est le sens de ce que je vis ? Suis-je en adéquation avec mes valeurs ? Des plaintes différentes d’autrefois abondent dans les consultations : le burnout, la question du genre, l'orientation professionnelle ou scolaire, jusqu'à la parentalité. "Il y a à la fois ce souffle de liberté, cette sensation que tout est possible, mais en même temps une conscience d'impuissance, un aspect criant de l'injustice sociale, et cela nous amène de nouveaux patients en consultation", ajoute la psychothérapeute.

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Mais que se passe-t-il ?  

Cette nouvelle liberté touche tous les pans de notre vie. Du choix de l’école, à celui d’un métier jusqu’à celui de notre partenaire. Pour commencer, la question de l'école est devenue complexe. Les parents cherchent LE bon établissement qui correspondra aux besoins de leur progéniture. Ils se questionnent, dès le plus jeune âge, sur les particularités de celui-ci, afin de lui apporter l'éducation et le soutien le plus adéquat, jusqu'à le soupçonner d’être peut-être HP. Parallèlement, les enfants et les ados décrochent du système scolaire. Ils se questionnent sur le sens de l'école, tout comme leurs parents qui, à travers eux, expriment leur mal-être trop longtemps enfoui.

"La question du sens amène à l'insupportabilité du non-sens. Pourquoi encore aller à l'école ? Quel type d'enseignement ? ", rend compte Anne-Françoise Meulemans. "Après les secondaires, ceux qui faisaient pharmacien parce que papa l'était deviennent une denrée plus rare". On fait le tour du monde, on travaille au Quick, on s'offre une année sabbatique si on en a les moyens. La question du travail, et même du rapport au travail est reportée. D'ailleurs, un travail pour quoi faire ? Pour combien de temps ? Quel est le sens du travail actuellement ? 

"Des multi-diplômés arrêtent leur carrière, parfois même avant de l'avoir commencée et deviennent maîtres Reiki ou massothérapeutes, laissant loin derrière eux des tonnes de bouquins, en quête de sens", ajoute-t-elle. Faire une carrière pendant 30 ans dans la même boîte ne fait plus rêver. Le parcours zigzag est devenu la norme. On questionne la place du travail dans sa vie : est-il pécuniaire, social, structurant, rassurant, une expérience nouvelle, en adéquation avec nos valeurs, utile ?

La vie amoureuse se décline autrement : Tinder, sexfriend, amour libre, polyamour...

Les relations amoureuses n’échappent évidemment pas à cette grande remise en question. Les couples se séparent, les ex vivent ensemble. La définition du couple est plurielle. Est-il parental, conjugal, amical, sexuel, passionnel, et pour combien de temps ? La question du genre a émergé, et des souffrances jusqu'ici écrasées par l'interdit et la culpabilité sont sorties de l’ombre. Dès lors, le choix se pose : quel genre, quelle expression, quelle identité ? LGBTQIA+ n'en sont que les premières lettres de l'alphabet. La sexualité s'exprime dans de multiples facettes, ou ne s'exprime pas car elle n'est tout simplement pas intéressée. La société déborde de points d'interrogation. Quand une tentative de définition émerge, elle devient presque aussitôt obsolète tant la vitesse des idées s'accélère. 

Trop de choix tue le choix 

Face à la surenchère de choix, la seule issue possible est la crise, qui, dans le meilleur des cas, peut générer des opportunités, et dans le pire, des bugs. Car il ne s'agit pas simplement de faire un choix mais de faire le bon choix. Pour les plus éclairés, les plus sensibles, les plus perfectionnistes, ce champ infini des possibles peut provoquer une véritable paralysie. En découle une inévitable surcharge mentale pour celui ou celle qui craint de prendre la mauvaise décision. Avec une note positive tout de même. "Il n'y a pas de mauvais choix. Il faut devenir magicien, pratiquer l'alchimie, transmuter un 'mauvais choix' en une pépite, une note de couleur, se laisser surprendre, rebondir, s'amuser, relativiser, et se renforcer à chaque mauvais choix", conclut l'experte. 

Bref, le choix amène des névroses nouvelles. Mais l'absence de choix, aussi confortable soit-il, nous limite et nous empêche de nous connaître. "La liberté explose et efface les limites. Elle est tellement vertigineuse qu’il faut être bien musclé pour pouvoir l'appréhender et ainsi... vivre l'insupportable légèreté du choix", conclut-elle. 

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